Pas pour toi
Tu te souviens de ce samedi matin pluvieux où nous nous sommes croisés ?
A peine étais-je entrée dans ce petit salon de coiffure que je regrettais déjà d'en avoir franchit le seuil, parce que tu te tenais là, dans un fauteuil, ton casque de moto sous le bras. Tu étais aussi beau que dans mon souvenir. J'avais cherché à m'enfuir, mais tu m'avais déjà piégée. Tes grands yeux marrons s'étaient posés sur moi et je ne pouvais pas leur échapper. Alors, à défaut de m'échapper, je m'étais installée à tes côtés et nous avions parlé. De tout, de rien... et nous avions convenu d'un rendez-vous afin de rattraper le temps perdu. Et puis tu t'en étais allé. Et je t'avais détesté.
Je t'avais détesté pour tout un tas de raisons.
Tout d'abord, parce que tu ne semblais pas autant affecté que moi par nos retrouvailles. Pour toi, ça semblait affreusement normal, alors que moi ça me dérangeait terriblement. Je t'ai aussi détesté de me parler de ta petite-copine si parfaite, que je jalousais en secret depuis des années. Je t'ai détesté de me faire ressentir cela, alors que j'étais moi-même en couple depuis un an et que je pensais avoir laissé tout cela derrière moi. Et puis surtout, je t'ai détesté de me ramener à l'année de mes quinze ans, ou un seul regard de toi suffisait à me faire fondre. Et enfin, je t'ai détesté parce que je savais que cette entrevue signait la fin de la vie que je m'étais construite.
Et j'avais raison.
On s'était revu. Une fois, puis deux, puis trois... et puis j'avais arrêté de compter. Au final, on s'était embrassé, plusieurs fois. Et pour la deuxième fois de mon existence, tu avais bouleversé ma vie. A quinze ans, tu avais déjà laissé une empreinte indélébile dans ma vie... et ce jour-là, tel un tsunami, tu déferlais de nouveau sur moi.
Parce que tu avais ce pouvoir, en toi. Celui de me faire vivre à cent à l'heure, un peu comme dans un film américain. Avec toi, tout était décuplé.
On dit que l'amour dure trois ans... le nôtre n'a pas survécu au cap de la première année. Au bout de trois mois, on s'aimait autant qu'un couple vieux de plusieurs années. On vivait nos sentiments à fond, on les bouffait, on s'en goinfrait.
Et quelque part, au milieu de cet effusion de sentiments, les choses ont changées. Après un an, notre chute débutait. Pendant cette période, on a tout essayé. Mais je crois qu'à part se blesser l'un l'autre, nous n'avons pas franchement sû arranger les choses. On s'est entêté à sauver des pots déjà bien trop cassés, à chercher des solutions tout en créant toujours plus de problèmes, à récupérer une histoire perdue d'avance.
Dans le fond, je pense que toi aussi, tu savais. Nous n'étions tout simplement pas fait pour être ensemble. Parce que moi je n'étais pas faite pour l'intensité des films américains, alors que toi, tu t'en abreuvais sans arrêt. Parce que moi, je devais parfois souffler quand toi, tu ne faisais jamais qu'accélérer.
Avec le temps, on s'est éloigné. Et tu as fini par commettre l'irréparable. Et si je dois être honnête, je te dirai que j'avais toujours su que ce jour arriverait. Parce que moi, je savais que je n'étais pas une fille pour toi.
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