Le citronnier
de Marin Akarra
Les deux femmes sont assises face à face sur deux fauteuils arrondis en cuir rouge. L’une des deux laisse apparaître les symptômes du stress. Elle tient entre ses mains fermement un petit carnet noir. Sur la table d’appoint à sa droite se trouvent un stylo et deux verres d’eau.
La femme en face d’elle n’est pas stressée. Elle a cependant un petit quelque chose dans le regard ; impossible à interpréter.
Malgré son stress, elle rompt le silence en attrapant son stylo.
- Je vous remercie d’avoir accepté de me parler.
- C’est un plaisir d’aider.
- Votre réponse me fait écho. Mon but avec ce livre, c’est d’aider.
- Je l’avais bien compris. Lançons-nous, ce qui ne va pas être un moment facile... Pour nous deux.
- Je suis bien consciente de cela. Sachez que l’on peut découper en plusieurs séances. Je sais que se remémorer avec précision, c’est soulever beaucoup de blessures encore sensibles.
Son stress face à Belharra est si intense qu’elle ne peut s’empêcher de se justifier sur tous ses propos.
- Je vous sens toute tendue. C’est la première fois que vous faites cela ?
- C’est la deuxième fois.
- Tout va bien se passer. Si c’était pas le cas la première fois, même si je veux pas le savoir, ça empêche pas de réussir la suite.
- Vous avez raison. Bon, je me jette à l’eau. J’enclenche mon Dictaphone et c’est parti.
Clara s’exécute, souffle un grand coup et se lance.
- Je ne sais pas grand-chose de votre histoire. Je ne vous ai pas connue pendant cette période. Pour essayer de comprendre ensemble le mécanisme de la manipulation, nous allons nous pencher sur votre histoire.
- Vous voulez que je commence par quoi ? Je vous parle de notre rencontre ?
- Pour aller au plus profond des choses, parlons un peu de votre enfance si vous le voulez bien.
- Euh... Je n’y avais pas repensé depuis longtemps. J’ai eu une enfance que l’on peut qualifier de banale ou privilégiée si vous préférez.
- Privilégiée ? Pourquoi ?
- J’ai eu des parents qui se sont aimés toutes leurs vies. J’avais une belle maison avec une chambre pour moi toute seule. La joie d’avoir des frères et sœurs et celle d’être la dernière. Je n’ai pas manqué de jeux, je ne m’ennuyais quasiment jamais. La maison était isolée en campagne mais j’aimais être loin de tout.
- Vos parents sont encore de ce monde ?
- Mon père oui mais ma mère est décédée il y a 5 ans. Je n’avais plus de contacts avec eux lorsqu’elle est décédée. Je n’ai pas assisté à l’enterrement. Heureusement, mon lien avec mon père s’est renoué et il m’a pardonné tout ce que j’ai pu leur faire. Je pense que quand on a accès au bonheur, c’est plus facile de partir dans des chemins sombres.
- Vous ne pensez pas que vos parents vous ont apporté une certaine stabilité ?
- Non, pas vraiment. Enfin si. Ils m’ont donné la stabilité. Je n’ai simplement pas su quoi en faire. J’ai toujours agi en pensant que j’étais dans mes valeurs. Seulement, je me suis perdue. Vous le savez bien puisque je suis ici avec vous.
- Vous étiez quel style d’enfant ? Vous faisiez beaucoup de bêtises ?
- Des bêtises ? Non, quasiment jamais. On n’en fait tous un peu malgré nous... C’est l’apprentissage. Je n’avais pas envie de me faire remarquer par les adultes. D’ailleurs, plus ils étaient loin de moi, mieux je portais. J’avais un vrai problème avec l’autorité, pourtant, je n’ai jamais tenu tête à un adulte. Il y avait une règle silencieuse plus forte que moi qui m'empêchait de franchir cette limite.
- Et votre adolescence ?
- La dépression a pris le dessus. Je n’avais envie de rien, je ne savais pas quoi faire. Et puis surtout, j’avais vraiment la sensation que je ne valait rien.
- D’où vous venez cette sensation à votre avis ?
- Même avec le recul que j’ai aujourd’hui, je ne pourrais pas citer un moment ou même une relation qui aurait pu provoquer ce mal être. Je pense que c’est un ensemble de remarques, de petites situations que j’ai accumulés sans faire de lien entre elles et qui ont marqué mon esprit.
- À quel âge avez vous rencontré votre ex compagnon ?
- Je devais avoir à peine 18 ans. Je venais de décrocher un emploi dans une supérette du village voisin. J’étais aux anges parce que j’allais pouvoir quitter la maison familiale. Il est venu faire des courses. Je ne l’ai pas vu mais lui oui. J’étais à l’extérieur pour installer des pancartes. Il ne m’a pas adressé la parole mais a interrogé ma patronne qu’il connaissait bien.
- Elle lui a tout dit à votre sujet ?
- Oui, tout. Là où habitaient mes parents, mon projet de partir du village et mon cotés discrète et silencieuse.
- Il n’a tout de même pas oser aller chez vos parents ? La patronne vous a tout raconté ?
- Alors, il est allé chez mes parents en mon absence pour sonder les proches que j’avais autour de moi en se servant de son métier de commercial. La patronne quant à elle ne m’a pas dit un mot au sujet de cette homme très curieux sur ma vie. Je ne l’ai appris que bien plus tard, quand nous nous sommes mis ensemble. C’est d’ailleurs ma mère qui me l’a raconté.
- Vous ne vous êtes pas mis ensemble à ce moment là ?
- Non, un an plus tard. Il a été très stratégique sur son approche. Nous avons échangé un long moment tout les deux avant que j’accepte de le rencontrer en face à face. Je n’avais pas vraiment le cœur à tomber amoureuse. Je me suis toujours méfier des autres.
- Comment s’est passé ce premier rendez vous ?
- Si je me place dans le corps et l’esprit de la jeune femme que j’étais, c’était un coup de foudre. Si je me place dans mon esprit actuel, je vous dirait que c’était le moment où il m’a capturé.
- Un coup de foudre ? Mais vous lui avez parlé pendant 1 an avant, je ne comprends pas.
- Disons que ce n’étais pas simple pour moi de m’intéresser à quelqu’un d’autre. Pendant un an, il passait tout les 2 mois pour faire affaire avec mon père. Je ne faisais que le croiser quelque minutes. Je ne le regardais pas vraiment et j’avais aucune envie de faire connaissance avec lui. La distance était plus que conséquente.
- Il vous a invité devant votre père ?
- Non, il a attendu qu’il parte chercher son chéquier et m’a tendu une petite enveloppe. C’est à ce moment là que je l’ai regardé dans les yeux pour la première fois. Il m’a dit « lis la seule quand je ne serai plus là ».
- Qu’avez t’il écris ?
- « J’ai beaucoup de curiosité à votre sujet. Si vous l’acceptez, nous pourrions dîner ensemble dans 15 jours au Borijo. Je vous attendrais devant avec un bouquet de fleurs à 19h30. »
- Qu’avez vous ressenti ?
- Je l’ai trouvé poli et j’ai aimé la distance de sa demande. S’il l’avait fais face à moi, j’aurai sûrement décliner son offre.
- Comment s’est passé le repas ?
- Déjà, je dois dire qu’en arrivant sur le parking, le fait de le voir avec un gros bouquet, tiré à quatre épingle, ça m’a fait un choc. Je ne l’avais jamais perçu comme un homme séduisant. Là, devant moi, cet homme, si grand, au regard noir m’a fait fondre instantanément.
- Je ne vous ai pas demandé mais vous avez eu d’autres amours avant ?
- Et bien, non, pas vraiment. Disons que quelques jeunes garçons ont tenté leur chance. Seulement, j’étais si froide avec les autres qu’ils ont tous abandonné. Dans le village, on disait souvent que j’étais sûrement attirée par les filles.
- Est-ce le cas ?
- Non. Je ne me suis jamais posé de questions sur ma sexualité. Je n’étais pas vraiment attiré par les autres, de façon général.
- Revenons à votre dîner...
- La soirée que j’ai passé en sa compagnie était divine. Sans vraiment me rendre compte, il a réussi à faire référence à pleins de choses qui m’ont toujours attirée. Sans jamais le dire directement. Plus tard, avec le recul, je me suis aperçu qu’il n’a fait que déballer ce qu’il avait appris à mon sujet au travers de mes parents. Nous avons fini tard le repas. Nous étions les seuls dans le restaurant. Il m’a proposé de me ramener chez mes parents. Il n’a pas cherché à faire durer la soirée plus longtemps. Ce qui m’a plu, encore une fois.
- Quel âge avait il ?
- Il venait de fêter ses 25 ans. Nous avions donc 6 ans d’écart. Il était originaire de la région voisine. Nous n’avons pas fréquenté la même école, ni les mêmes loisirs. Et nous avions aucun amis en commun.
- Quel était son caractère, aux premiers abords ?
- Il paraissait être un homme de parole. Il avait clairement confiance en lui et en son discours. Il parlait peu mais toujours avec une syntaxe irréprochable et un vocabulaire très riche. Il était cultivé et faussement expert dans pleins de sujets. Très divers et variés. Il prenait grand soin de son apparence. Il était populaire puisque c’était impossible de faire 4 pas dans un lieu public sans qu’il ne se fasse interpeler. Un collègue, un ancien camarade de classe, le père d’un voisin ou même d’anciens clients. Mais personne de proche autour de lui. Pas de meilleur ami, pas de coup de téléphone récurant, pas de soirée entre copains. Il me semblait être aussi solitaire que moi. Mais en réalité. Ce n’était qu’une façade pour me rassurer.
- À quel moment cette façade a commencé à s’écailler ?
- Oh... malheureusement, très tard. Disons que j’ai fais plusieurs constats que j’ai soigneusement mis de côtés. J’étais dans un déni envoûtant. C’était douloureux de vivre avec lui mais l’idée qu’il ne soit pas qui il prétendait être faisait voler en éclat toute notion d’espoir. Et c’est bel et bien l’espoir qui a été mon moteur durant nos quinze ans de vie commune.
- À quel moment de la relation vous êtes vous installer ensemble ?
Très tôt. Trop tôt. Comme je vous l’ai dit, j’avais très envie de partir de chez mes parents. Même si mon travail me permettait de faire des économies, je n’avais pas suffisamment pour partir. Je n’avais pas envie de rester dans la région. La campagne, du moins ma campagne, ne m’offrait plus le confort d’autrefois. Georges m’a parlé dès le premier soir d’une maison situé en bord de mer qui appartenait à ses parents décédés. Il décrivait une ville très touristique. Je n’avais pas voulu le froisser mais il a rapidement senti que je n’étais pas emballé. Après cela, il n’a pas cessé de faire des petites remarques sur des propos que je tenais. « Si nous étions chez mes parents, tu pourrai faire ça sans problème. » ; « sur la place de la mairie, il y a des fleurs que tu aimerai énormément. ». Et j’en passe. C’était tout les jours un peu et inconsciemment, j’ai intégré que j’avais besoin de vivre là-bas.
Il a senti que j’étais prête et un soir, il m’a dit de faire mes valises et si je voulais la maison était à nous. Ce jour là, la journée avait été très difficile émotionnellement. Je n’ai pas réfléchi et j’ai dis oui. Cinq heure plus tard, nous étions dans la maison pleine de poussière.
- Comment ont réagit vos parents à cette annonce ?
- J’étais majeur et vaccinée comme on dit. Ils me voyaient heureuse et avait une très belle image de cette homme. Ils aimaient beaucoup sa culture et sa vigueur d’esprit. Il avait aussi un emploi stable et leurs semblait sérieux sur ce point. Il ne pourrai alors m’apporter que sécurité et amour. Toutes les attentes que peuvent avoir des parents à l’idée du couple.
- Comment s’est passé votre installation et votre vie dans la maison de vos beaux-parents ?
- Là encore, plusieurs interprétations sont possibles. La jeune femme persuadée d’être éperdument amoureuse se donnait à lui sans retenue. Par des jeux de jambes qu’il a toujours maîtrisé à merveille, il m’a convaincu de ne pas travailler. Il se voyait père rapidement et ne souhaitais pas le confier une seule seconde à une nounou. Je devais donc assumer pleinement la maternité.
- Vous vous sentiez prête à avoir un enfant ?
- Non, absolument pas. Mon affection toute particulière pour la solitude en aurai été entaché. Je ne me sentais pas prête non plus à transmettre des valeurs concrètes à un tout petit bout. Quelle pression, d’autant plus seule, sans famille ni amis.
- Je sais que vous n’avez pas d’enfants, alors que s’est il passé ?
- Il est stérile. C’est d’ailleurs cette nouvelle qui va déclenché les critiques et mettre fin à notre union faussement fusionnelle. J’ai longtemps cru que sa méchanceté n’était que le résultat de sa souffrance. Hors, un homme comme ça ne ressent rien.
- Que s’est-il passé après ?
- Nous avons vécu tout de même six ans dans la demeure de ses parents. Il avait entrepris de nombreux travaux pour rajeunir cette maison. Il avait fait une chambre pour l’enfant tant attendu. Bien avant de savoir que notre sort était scellé. Puis, il a fini par ne plus supporter de vivre là. Un soir, alors qu’il rentrait du boulot, la colère et la frustration l’empêchais de se contenir. Il est entré dans la cuisine, avec un regard noir à glacer le sang. Il m’a dit d’aller dans la chambre d’un ton autoritaire. Je n’ai pas sourcillée et me suis exécutée. Une fois assise sur le lit, j’ai osé lui demander pourquoi nous étions là. Avec une voix que je n’avais jamais entendu, il m’a dit de m’allonger parce qu’il fallait qu’il se soulage. J’imagine que vous comprenez ce qui s’est passé ensuite.
- Malheureusement, oui.
- Après avoir fait son affaire, il est allé à table. J’étais sonnée, nue, sur le lit. Il a hurlé qu’il avait faim. Je me suis rendue dans la cuisine tel un robot et me suis exécutée. C’était le début des sévisses sexuelles.
- Lui arrivait-il souvent de se « soulager » sur vous ?
- De me violer vous voulez dire ?
- Oui, je n’ai pas osé employer le mot de peur de vous brusquer.
- Lorsque j’ai compris, après notre rupture définitive qu’il s’agissait de viols, j’ai ressenti un soulagement des plus intense. Ce mot m’a permis de comprendre que je n’avais pas fauté. J’étais victime de cet homme. C’est important de le dire aujourd’hui.
- Je comprends, je ferai attention à l’avenir.
- Pour répondre à votre question, les viols étaient quotidiens. Avant, il n’était que peu en demande. Ce qui me convenait parfaitement. Je n’ai jamais été porté sur le sexe. Bien qu’il n’est pas été mon premier homme. J’avais connu une amourette très brèves avec un vacancier venu au village. Il était plus âgé et notre échange c’était d’ailleurs limite à l’acte. Après notre rupture avec Georges, j’ai compris que j’étais asexuelle. Je n’ai pas besoin du contact charnelle pour être heureuse. Au contraire.
- Ce devait être d’autant plus difficile de supporter ses viols répétés. Comment avez vous fait pour lutter contre ses douleurs ?
- Je n’ai pas lutter. Mon corps et la partie inconsciente de mon cerveau ont pris le relai pour me préserver au maximum. Pendant les viols, je ne ressentais rien. Tout mon corps se détachais de mon esprit. Comme si toutes mes terminaisons nerveuses cessées de fonctionner. Malheureusement, c’est ce qui a déclenché les premiers coups.
- Georges ressentais votre distanciation psychologique ?
- Exactement. Il m’a reproché plusieurs fois pendant de ne pas réagir. Il me disait qu’il n’aimait pas faire l’amour avec une morte. J’ai commencé à me poser des questions sur moi. Pourquoi je n’arrivais pas à être plus excitée ? Pourquoi je ne parvenais pas à le rendre heureux ?
- Pourquoi ne pas être partie à ce moment-là ?
- Pourquoi partir lorsqu’on est persuadée d’être avec l’homme de sa vie et surtout que nous sommes la seule et unique cause de notre malheur ?
- Vous pensiez vraiment être à l’origine de vos difficultés ?
- Au plus haut point. Georges était un homme intelligent. Lorsqu’il était dur avec moi, par les mots ou les gestes, il me couvrait d’attention les jours suivants. Les compliments, les cadeaux hors de prix, les voyages ou sorties en amoureux. Il fallait à tout prix qu’il me garde. Notre relation était un éternel mouvement entre chaud et froid, projets et désillusions.
- Vous avez dit être resté quatre ans chez votre belle famille. Ou êtes vous aller ensuite ?
- Après le premier viol, il a commencé à me dire qu’il devenait fou dans cette maison. Il m’a demandé si je voulais vivre quelque part en particulier. J’avais toujours entendu parler dans ma famille, d’un village au sud de la France où l’accent est chantant : Pumejas. Il a accepté tout de suite et nous sommes partis deux ans après.
- Comment s’est passé votre arrivée sur les lieux ?
- Il avait acheté une maison. Je ne sais pas avec quelle argent. Elle était sublime, avec un jardin immense mais il y avait des tas de travaux à faire. Il m’avait rassurée en me disant que tout allait être fait avant Noël.
- Pourquoi avant Noël particulièrement ?
- Je devais recevoir mes parents chez nous. Cela faisait quatre ans que je ne les avais pas revu.
- Pourquoi tant de distances avec eux ?
- Déjà parce que je n’avais pas le permis. Je ne pouvais pas me rendre chez eux comme je l’entendais. Georges n’acceptait pas que je parte en train. Il disait que trop d’hommes me regarderai. Il devenait de plus en plus jaloux. De plus, toujours par petites miettes et silencieusement, il me laissait penser que mes parents n’étaient pas si bons à ses yeux. Je lui faisais confiance et même si les viols augmentaient, j’avais la sensation que seul lui pouvait me protéger.
- As t’il tenu sa promesse au sujet des travaux ?
- Non. Et ce fut bien pire. Il n’a jamais eu le courage de me dire qu’il ne parvenait pas à faire quelque chose. Même si j’avais pu lui apporter mon aide. Son ego et sa fierté étaient deux amies intimes pour lui. Les travaux ont pris un retard considérable. Nous étions dans une caravane au fond du jardin. La démolition d’un mur avait mis en lumière un défaut important de la structure. Il fallait faire tomber une partie du toit et le refaire. Nous n’avions pas les finances pour mais Georges m’a fait croire le contraire. Pourtant, je voyais bien qu’aucun travailleurs ne se présentaient sur le chantier et Noel arrivait à grand pas. J’ai fini par oser le questionner... Quelle erreur. Il n’a pas échangé beaucoup de mots ce soir là. Les coups se sont abattus sur moi comme le déluge. Il m’a cassé deux côtes et l’arcade. Trois jours après, mes parents arrivaient.
- Comment avez-vous justifier vos marques à vos parents ?
- Une chute malheureuse dans les gravas. Je sais qu’aucun des deux ne m’a cru. Mais ils ont fait mine de ne pas comprendre. Ma mère m’a sous entendu, lorsque nous nous sommes retrouvée toutes les deux, de rentrer avec eux quelques jours. J’avais très envie de rentrer chez mes parents. Seulement, je savais qu’il ne me laisserai jamais partir ainsi. J’ai donc décliné son offre en essayant de la rassurer un maximum. Je n’ai jamais autant souris que ce week-end là.
- Pouvez-vous me parlez un peu plus de vos parents afin que je comprenne mieux leurs réactions ?
- Mes parents... Comment vous les décrire correctement... Déjà, je peux dire que leurs amours a toujours été profond. Mes parents ne se sont pas vraiment choisis pourtant le temps leurs a permis de faire les choses à leurs façons. Ma mère est une femme haute en couleur. Elle est très actives auprès des autres. Dans un esprit humains et surtout basé sur l’émotion. Pourtant, je n’ai jamais réussi à maintenir le lien entre nous. J’étais proche d’elle tout en creusant des gouffres immenses pour nous séparer. Je ne l’ai pas vraiment rejetée mais j’avais la sensation de devoir me protéger d’elle. Mon père est un homme doux et plutôt effacé. Il est timide sur ses émotions. Ma mère a eu un effet libérateur sur lui et je sais que je l’ai vu de mes propres yeux évoluer encore et encore.
- Que faisaient-ils comme métier ?
- Ma mère était femme au foyer au départ. Quand tout le monde est parti, elle a commencé à devenir active dans des associations. Elle a finit par créer la sienne. Mon père lui était…
- Attendez, je vous coupe. Vous avez combien de frères et sœurs ?
- J’ai trois sœurs et un frère.
- Ils sont plus âgés que vous ?
- Mon frère est l’aîné. Il était le divin sur terre aux yeux de ma mère. Malheureusement, il a eu un accident quand je suis née. Je ne souhaite pas en parler davantage.
- Je comprends. Vos sœurs quant à elles ?
- Elles sont toutes encore de ce monde. Amara a 10 ans de plus que moi. Daphné a 5 ans de plus et Gilda 4 ans. Je ne suis proche d’aucune d’entre elles. Nous sommes toutes les quatre très différentes et complètement opposées. Pourtant Gilda et Daphné sont comme des jumelles. Amara s’est isolée loin de tout des qu’elle a pu, je ne la connais presque pas.
- Je comprends mieux à présent. Vous me parliez de votre père lorsque je vous ai coupé.
- Mon père. Un brave homme en soit. Je l’aime de tout mon cœur et n’oserai pas parler de ses défauts. J’ai perdu tant d’années loin de mes parents. Ma mère aussi me manque terriblement. Avec elle, je n’ai pas eu l’occasion de lui parler. Je n’ai pas pu pleurer dans ses bras. Je n’ai pas pu écouter tout les discours si puissants qu’elle savait donner pour reprendre des forces.
- À quelle moment avez-vous cessez complètement de les voir ?
- Après ce Noël catastrophique, je les ai vu trois fois. En deux ans. Même si j’étais solitaire, je sais que j’avais tout de même besoin de les voir. Comme Georges avait porté ses premiers coups sur moi, il s’est adouci pendant plusieurs mois. Il m’a autorisé à me rendre chez mes parents en train. J’ai passé quatre jours chez eux. J’ai pu me reposer et reprendre des forces. Ma mère a tenté plusieurs fois de me ramener à la raison mais rien ne pouvait changer. Il en été ainsi. L’homme de ma vie était un homme dur. Mon père lui, n’a fait que regarder le sol pendant ses longs moments de querelles avec ma mère. Ce jour-là, quelque chose s’est brisé en moi. Je n’avais plus envie de partager avec elle.
- Vous êtes pourtant retourné chez vos parents deux autres fois. Pour quels raisons ?
Belhara prend une grande inspiration et change de position dans le fauteuil. Elle fixe en silence quelque secondes Clara, le regard sombre.
- Ce que je vais vous raconter là va vous sembler invraisemblable et inexplicable. C’est ce que j’ai pensé aussi lorsque je l’ai vécu. Quand je suis retourné chez mes parents, c’était d’abord pour revoir mon père. J’avais toujours cette amour profond pour lui. Seulement, la journée, lorsqu’il était au travail, il me fallait fuir la maison pour ne pas me retrouver nez à nez avec ma mère. J’ai passé quelques heures au café du village. Village qui avait d’ailleurs énormément changé. Tout devenait plus moderne, plus attractif. Le café avait grandit considérablement. Cette immense salle au plafond trop haut ne m’était très accueillant. Pourtant, j’ai bu un café à l’intérieur chaque jours.
- Je vous vois venir, il s’agit d’un homme ?
- Oui. Un homme splendide. Il était plus beau que Georges sans hésitation aucune. Seulement, ce n’était qu’une pulsion. Une pulsion qui né au creux des reins, me faisant perdre la raison. Cette chaleur si intense produite par les attitudes de cette homme embrasé. Embrasé par ma beauté que je ne pouvait lui laisser embrasser.
- Vous n’avez jamais faibli devant votre attirance plus que explicite ?
- Comment aurais-je pu résister ? Je ne le sais pas. J’ai cherché à me convaincre un moment qu’il ne se passerait rien de plus que des mots et des corps connectés. Il m’a dit de revenir un soir, après la fermeture. Je savais que c’était pour concrétiser tout nos échanges. J’en avais envie. Georges me semblait si lointain. Impossible pour lui de savoir, de m’atteindre. Il suffirait que je lui dise bonne nuit comme tout les soirs au téléphone et je ne serai plus embêtée. Je suis allée le rejoindre. J’avais le cœur qui battait à m’en faire vibrer la poitrine. Dans l’obscurité, dans cette salle qui ne semblait plus si grande, je me suis donnée à lui. Nous avons fait l’amour tendrement. Le souvenir de cette douceur est toujours intacte dans ma tête.
- Que s’est-il passé ensuite ?
Belharra détourne le regard. Elle baisse la tête, joint ses deux mains puis relève la tête.
- Je suis tombée enceinte.
- Je.... Expliquez moi.
- J’ai compris que j’étais enceinte une fois de retour avec Georges. Il était impossible de le garder. Je ne pouvais pas non plus entreprendre des démarches d’avortement sans qu’il s’en aperçoive. Chez nous, ma liberté n’avait plus d’existence. Je n’était qu’à lui, pour lui, grâce à lui. J’ai demandé à repartir chez mes parents de nouveau. Il n’a pas compris et s’est mis en tête que j’avais vu un homme. Pour le coup, il n’avait pas tort, seulement, je n’avais pas envie de le revoir.
- Je ne comprends pas. Cette homme vous a apporter tendresse et attention et pourtant vous ne voulez pas le revoir ?
- Non. C’était un moment de répit que m’offrait la vie. Je pouvais souffler loin de toute cette violence sans pour autant m’en détacher ou ne serait-ce comprendre. Je n’avais pas notion du temps, ni notion d’amour. Il était impossible qu’en seulement quatre jours cette homme me fasse ouvrir les yeux. Impossible.
- Que s’est-il passé avec Georges ?
- Il m’a frappé. Aussi fort qu’il le pouvait. Il hurlait que j’avais trop besoin de papillonner à son goût. Il allait donc me défigurer pour me faire passer mes envies folles. Ce soir-là, je ne sentais plus mon corps. J’étais recouverte de bleus et je n’ai pas pu sortir pendant trois jours. J’ai perdu beaucoup de sang dans la nuit. J’ai senti que je l’avais perdu.
- Georges s’est rendu compte que vous aviez fais une fausse couche ?
- Non, il n’a rien vu, rien compris et rien suspecté. C’est étrange mais il était capable de s’imaginer des scénarios fous sans pour autant voir ce qui se passait réellement sous ses yeux.
- Vous êtes retourné tout de même chez vos parents ?
- Oui. Aussi surprenant que ça puisse paraître, il m’a donné en récompense la requête qui avait causé les coups. Je suis partie plus longtemps cette fois-ci. Un mois.
- Un mois ? Mais comment a t-il pu accepter une aussi longue séparation ?
- Déjà, pour lui c’est une séparation contrôlée. Il sait que lorsque je ne suis pas sur le chantier, il peut magouiller à son aise pour atteindre ses objectifs. Sans avoir à se cacher de mon regard au travers de la vitre de la caravane. Il se rend compte aussi, je ne le comprends que maintenant, que je suffoque dans cette espace trop petit pour moi. Il garde en tête qu’il faut que je reste suffisamment accroché à lui pour pouvoir me détruire. Reculer pour mieux sauter disons.
- Lors de ce mois auprès de vos parents, comment évolue votre relation avec votre mère ?
- Ma mère tombe malade. Elle le sait depuis longtemps mais physiquement elle ne parvient plus à faire face. Elle perd du poids, son sourire et ses discours enflammés. Aussi surprenant que ça puisse paraître, je vais rester très froide avec elle. Impossible de m’épancher, impossible de la soutenir. Pourtant, je me fais violences et reste tout de même présente pour elle. Mes attitudes n’étaient pas le reflet de ce que je ressentais vraiment au fond. Lorsque je suis rentrée, elle est partie à l’hôpital deux jours après. Je n’ai pas demandé à Georges de revenir. Je ne lui ai même pas dit que ma mère était souffrante. A partir de ce moment-là, je me suis complètement isolée et concentrée uniquement sur lui. Je pense que c’était une solution toute trouvée pour ne pas penser à ma mère et ne surtout pas me remettre en question. Je me suis mis des œillères sur ma situation familiale et sur mon couple. Je me suis mise sur veille. Mode automatique enclenché.
- Les travaux de la maison se sont-ils finis ?
- Non. Il a décidé de revendre le terrain et la maison en cours. Le rachat s’est fait assez rapidement. Nous sommes partis dans une ville à côté, Vaison La Romaine. La maison était déjà finie. Grande, avec une vue sublime sur une exploitation d’oliviers. J’ai eu un vrai coup de cœur pour cette endroit. Une immense haie enveloppée le jardin arrondie. Il y avait des arches dans la maison et une qui ouvre la cuisine extérieure. J’avais l’impression que nous étions riches. Et à l’abri. Sauf que le danger était à l’intérieur. Blotti contre moi.
- C’est pourtant là que vous avez rencontré Kelly ?
- Effectivement. J’avais une routine bien rythmée et remplie. Georges rentrais tout les midis. Il lui fallait un repas maison préparé, le couvert mis, le journal. Pour le soir, c’était le repas mais aussi un massage après. J’avais pas vraiment le droit de faire des activités. Je devais faire ma séance de sport tout les jours. Je devais faire le ménage. A défaut de pouvoir m’occuper des enfants, il fallait que je sois tout le temps irréprochable. Et c’était pas difficile d’après lui. Au final, je n’avais pas de jour de repos. Aucun moment pour souffler vraiment. Le matin, je me lève avant lui pour préparer le petit déjeuner et tout installer. Ensuite, je mange avec lui dans le silence le plus complet. Il déteste les bruits de couverts et de vaisselle. Il se prépare et pars au travail. Je range la cuisine, fais mon yoga et prends ma douche ensuite. Je pars au marché pour acheter le menu du midi et du soir. Comme je n’ai pas d’autre occupation, je préfère acheter au jour le jour.
- Kelly travaille au marché, je comprends mieux à présent.
- Elle est d’une beauté rare, ta tante. Son apparition dans ma vie fut solaire. Elle m’a percée en plein jour. Je savais dans son regard que nos échanges ne pourrai se restreindre à cet étalage. Elle m’a invité au bout d’un mois à prendre un café après son travail. Je n’ai pas osé dire oui. J’ai d’ailleurs fuis son stand pendant une semaine. J’avais peur de ce qu’elle pouvait penser de moi et de mon refus.
- Ma tante est très ouverte. Son empathie est rare. Je sais qu’elle peux lire sans efforts nos émotions à tous. C’est une sorte de don même si ce ne doit pas être simple tout les jours.
- Savez-vous ce qui s’est passé entre votre tante et moi ?
- Non. Elle ne m’a rien dis. Seulement que vous pouviez m’aider à écrire mon livre. C’est vrai qu’elle m’a demander d’être particulièrement à l’écoute et de ne pas juger.
- Hum. Je suis perplexe sur son choix. Je préfère vous prévenir. Votre tante a subi bien plus que vous ne le pensez notre relation. J’ai envie de vous poser tout un tas de questions mais ça échange nos rôles.
- Excusez-moi de devoir m’imposer de la sorte. J’ai pris la décision d’écrire sur les douleurs des femmes. J’ai décidé de prendre de face les histoires de toutes ses femmes. Certes, vous n’êtes que la deuxième. Certes, ma tante est très proche de votre histoire. Je la découvre d’ailleurs à travers vous. Seulement, je n’ai plus dix ans. Je n’ai plus la naïveté d’autrefois. Je n’ai plus le filtre de l’enfance sur les adultes. Ma tante est avant tout une femme. Peu importe ce qu’elle a vécu auparavant. Je ne pourrai pas la juger, la pointer du doigt ou la renier. Elle a prouvé de nombreuses fois et par les actes qu’elle était une femme de parole, de confiance et de justice.
Belhara se laisse tomber sur son dossier avant de dire d’une voix douce.
- J’aime être bousculé par vous. Je comprends pourquoi Kelly vous porte tant d’affection.
- Dans ce cas, continuons. Vous avez pris une routine au côtés de Georges, je pourrai même dire au travers de lui. Ma tante est apparue dans votre vie mais vous n’osiez pas aller plus loin dans la relation. Qu’est ce qui a déclenché le pas ?
- Je l’ai croisé dans un autre contexte. A la poste. J’avais un colis à retirer au guichet. Elle était juste derrière moi dans la file. Je ne l’ai pas vu entrer mais j’ai tout de suite reconnu sa voix. J’étais tétanisée et je ne me suis pas retournée. Elle n’a pas forcé le pas. Nos regards se sont croisés quand j’ai fais demi tour pour ressortir. Je me suis sentie si bête avec mon énorme colis dans les mains. Je l’ai salué timidement avec la tête puis j’ai baissé les yeux. En sortant, j’ai pas pu partir pour autant. J’ai attendu qu’elle sorte à son tour. Elle m’a demandé si tout allait bien. Je lui ai demandé si elle avait du temps devant elle. Elle m’a dit oui, m’a pris le paquet des mains et s’est mise à marcher. Je l’ai suivis et puis au bout de la rue, elle m’a demandé avec un grand sourire si je voulais venir chez elle. J’ai préféré aller chez moi.
- C’était un peu fou d’oser la ramener chez vous, non ? Georges aurait pu le découvrir. Comment aurait-il réagit ?
- Sur l’instant, je n’ai pas réfléchi à Georges. C’était instinctif comme choix. Je me disais aussi que c’était une femme et une amitié qui se profilait entre nous. Il serait peut-être plus indulgent et capable de l’accepter. Tant que je respecte les règles de bases. On a rit toute l’après-midi vous savez ? Je ne lui ai pas parlé des coups, de Georges ou même de la fausse couche. Je n’ai pas dis un mot mais je savais encore une fois qu’elle avait déjà tout compris. L’essentiel. Ma douleur, ma solitude immense, ma routine. En quelques heures, elle avait fait disparaître toute la poussière déposées sur mes émotions. J’étais à nouveau vivante. Mon rire était vrai, intacte. Le soir, j’ai fais un repas divin, j’ai vu les choses en grand. Je voulais couvrir Georges d’attention. Je voulais qu’il soit fière de moi. Je voulais reprendre un nouveau départ avec lui. Retrouver l’amour des débuts. Tourner la page sur les douleurs.
- Quand il est rentré, il était de quel humeur ?
- Assez plat. Il avait l’air pensif et un peu préoccupé. Mais pas plus que d’habitude. Je ne l’ai jamais vraiment vu serein depuis que nous vivons ensemble. Il a fait des critiques sur le ménage. Je n’avais pas bien fermé le placard de l’entrée. Sur la table de la cuisine, il n’y avait pas sa soucoupe de prête pour sa montre et ses bijoux. Le repas n’était pas assez chaud, bien qu’il est complimenté le goût. Il n’a pas remarqué de différences sur moi puisqu’il ne m’a quasiment pas regardé. J’avais la sensation d’être invisible à ses yeux.
- Vous lui avez parlé de Kelly quand même ?
- Non. J’aurai dû lui dire. Comme tu le sais, ta tante avait les cheveux courts pendant toutes cette période. Elle était habillé de façon disons masculine et on l’a prenait souvent pour un homme. Un collège de Georges était à la poste. Il m’a vu partir avec Kelly. Il l’a su le lendemain. Si j’avais parlé d’elle ce soir là, j’aurai évité un quiproquo.
- Il aurait très bien pu se dire que vous aviez inventé une amie pour couvrir une aventure.
- C’est vrai.
- Quel a été votre « récompense » pour reprendre vos mots après ces violences ?
- Je suis retourné chez mes parents. Seulement trois jours. La veille de mon départ, je suis allée malgré mes blessures au marché. J’ai demandé à Kelly de me rejoindre dans une ville voisine de celle de mes parents. Georges m’empêche de sortir après les coups. Il n’aime pas qu’on puisse le voir. J’ai très peur dans ses moments d’isolement. Je me sens seule, et j’ai même parfois de la colère en moi. J’aimerai me sortir de cette enfer. Mais il suffit d’un moment d’amour pour que j’oublie tout. Enfin, en surface. Suffisamment pour garder espoir. Pour croire en un changement heureux. De la poudre aux yeux.
- Qu’avez vous fais avec Kelly dans la région de vos parents ?
- Nous avons parlé. Des heures et des heures. Des jours entiers et même des nuits. Le temps s’est étiré à ses côté. J’ai vécu chaque seconde avec intensité. J’ai tout dis. Tout. Qui j’étais, ou plutôt qui je croyais être, mes origines. Elle m’a écouté, a vécu chacune des mes émotions avec intensité. C’était un instant de partage immense. Elle ne m’a pas donné de conseils, elle ne m’a pas questionné. J’étais très à l’aise. Elle m’a aussi parlé d’elle bien sûr. Kelly sait parler pour rassurer ou faire rire sans tout ramener à elle ou être trop intrusive. C’est subtil.
- Je comprends très bien ce à quoi vous faites allusion. Quand j’étais adolescente, elle a usé plusieurs fois de ce pouvoir pour tout savoir de les tracas. Elle était très bonne conseillère sans jamais en prononcer un seul.
- Cela ne m’étonne pas d’elle. Je suis ravie de vous rencontrer. Je tiens à vous le dire tout de même.
Les deux femme se regardent souriantes. Dans l’atmosphère reside un goût pétillant de sororité allant au-delà de l’âge, de la vie et des envies
- Je suis ravie de vous rencontrer. J’ai deux de vos sublimes spécimens chez moi. Je les aime d’un amour profond. Votre discours en terme de botanique a toujours fais écho en moi. C’est pour cela que j’ai insisté auprès de Kelly pour vous rencontré.
- Ce sont ceux de la première serre ou de la deuxième ?
- La deuxième. J’ai mis du temps à me décider mais je ne pouvais me résoudre après les avoir vu tout les deux.
- Maintenant que j’y repense, vous avez en effet envoyé des photos ! J’adore la mise en scène autour d’eux et la convivialité qui se dégage de ce patio. J’aimerai beaucoup les voir là-bas si ça ne vous importune pas.
- Avec joie. Après l’interview si vous le voulez bien ?
- Faisons cela. Nous pourrions allez au restaurant également.
- Très bien. Je vous présenterai mes enfants. Excusez-moi mais continuons. Je sais que nous sommes encore loin de votre rupture.
- Malheureusement, en effet. Mais ce qui s’est passé en rentrant à Vaison n’a rien de rocambolesque. La routine a repris le pas avec une exception. Georges a rencontré Kelly à la maison à l‘heure du déjeuné. Il savait qu’elle allait venir et prouver qu’elle était avec moi à la poste. Kelly a été remarquable avec lui. Un caméléon. Elle a analysé et compris très rapidement. Toutes ses remarques, sa gestuelle laissaient croire à Georges une totale emprise. Elle riait fort à ses blagues douteuses et se laisser presque séduire lorsque j’allais chercher les plats. Il l’avait accepté pleinement. Elle était sienne à présent. Je le voyais dans ses yeux. Seulement je n’en mesurait absolument pas les conséquences à ce moment précis. J’ai camouflé la vérité sous une simple sympathie et un soulagement de pouvoir jouir de notre amitié ouvertement.
- Si Georges ne l’avait pas accepté vous l’auriez vu quand même ?
- Je n’aurai jamais pu abandonner Kelly. Je n’aurai jamais pu lui tourner le dos.
- Je sais que vous vous voyez régulièrement pendant cette période. À quelle fréquence ?
- Tout les jours. Elle finit le travail et me rejoint. Je viens tout juste de finir la vaisselle et Georges est déjà parti au travail. Elle boit le café avec moi puis nous parlons pendant que je m’affaire aux tâches de la journée. Le menage, de la couture, des papiers, vernir ses chaussures... La liste est longue, il trouve toujours des activités pour m’occuper. Avec sa présence, je tolère de plus en plus Georges et ses bizarreries et devient de plus en plus attachée à lui. Comme je suis à la ligne chacune de ses attentes, il est gentil presque tout le temps. Les attentions se multiplient et nous recommençons à faire l’amour. C’est très étrange toute cette période vue avec du recul. Je sais que Kelly avait pour volonté de me faire sortir de son emprise. Pourtant, la nouvelle sécurité qu’elle m’avait offerte ne m’a pas donné des ailes. Elle m’a au contraire conforté dans l’idée que j’avais besoin d’être épaulée pour être parfaite pour Georges. Pour moi, grâce à Kelly, mon couple reprenait un second souffle et j’étais maintenant à l’abris des coups.
- Combien de temps durant cette période d’accalmie ?
- Pas plus de deux mois. Georges est devenu de plus en plus présent auprès de Kelly. Il retardait son départ pour le travail dans le but de la croiser. Il a insisté de nombreuses fois pour qu’elle vienne manger à la maison et se permettait d’ailleurs de l’inviter lui-même. Kelly avait compris son manège et retardait parfois son arrivée. Elle patientait sagement dans le bosquet près de notre entrée. Dès qu’il avait quitté les lieux, elle apparaissait.
Belhara se stoppe soudainement. Le regard triste, nostalgique. Elle regarde Clara droit dans les yeux, prends une grande inspiration et poursuit.
- Je suis allée au supermarché. Pour la première fois depuis que j’avais emménagé. Je savais que Kelly venait à la maison et je voulais lui faire un gâteau qui sort de l’ordinaire. Mais ce n’est pas important. Lorsque je suis sortie du magasin, j’ai perdu connaissance pendant une dizaine de minutes. Personnes dans le milieu médical ne sait m’expliquer pourquoi mais le fait est que j’ai été transporté aux urgences. Une fois dans le camion, lorsque j’avais repris connaissance, j’ai donné le numéros de Georges. Il est arrivé quasiment en même temps que nous aux urgences. Après des oscillations, des examens, le médecin décide de me garder en observation quelque jours. Georges rentre à la maison pour prendre des vêtements pour moi. Entre temps, Kelly était rentré comme à son habitude, avec ses clés, ce qu’il ne savait pas, par la porte de derrière. Elle m’attendais très certainement, souriante dans la cuisine. Sur sa chaise favorite.
Belhara retient ses larmes. Elle ne parvient plus à regarder Clara dans les yeux. Ni à parler d’ailleurs.
- Qu’est-ce qu’il lui a fait Belhara. Dites moi. S’il vous plaît faites cessez cette attente.
Il est clairement visible dans les yeux de Clara qu’elle est incapable de retenir son souffle. Son cœur bat la chamade, les épaules avancées vers Belhara légèrement incliné vers le bas. Elle est prête à tout entendre. Imaginer est terriblement atroce.
- Il lui a fait le pire Clara. Je n’oserai jamais te décrire ce qu’il lui a fait. Depuis tout à l’heure je pense à ce que ta tante me confie ici. Parler d’un acte si barbare qui ne l’a concerne qu’elle. J’ai été amené à lire sa déposions. C’est elle qui me l’a donné. Elle était incapable de me le dire en face. Et je comprends. J’en suis incapable à mon tour. Comment pourrais-je te donner toutes ses images sur cette femme si pure. Si douces, presque magique. Comment Clara ? Dites le moi.
Clara relâche toute la pression que son attente avait produit. Appuyées sur le dossier, elle détourne complètement la tête, presque posée sur son épaule. Sans changer de position, elle dit froidement.
- Vous parliez de l’importance de dire les choses telles qu’elles sont.
Elle se redresse, droite comme un i. Dans son regard tout a changé. La passion, la bataille.
- Lorsque vous avez évoqué votre premier viol, vous n’avez pas mâché vos mots. Je comprends par vos sous-entendus que Kakou s’est faite violée. Et très certainement battue. Ce qui explique maintenant cette cicatrice boursouflée qu’elle a dans le dos.
Clara ne retient plus son émotions, les larmes coulent abondamment sur ses joues, elle mange ses mots devenant presque inaudible. Belhara se lève pour se mettre à genoux devant elle. Elle lui relève les cheveux, passe sa main sur sa joue.
- Chut... Calme toi... Clara écoute. Je vois bien que tu es submergée par tes émotions. Avec du recul et du calme, tu peux voir les choses différemment et comprendre. Je ne vais pas risquer de briser mes cicatrices parce que tu ressens une injustice. Il n’est pas question de juge ou de lois. Il n’est pas question de bien ou de mal. Il est question de vie. De complexité, de multiples facettes, de multiples réalités.
Clara se calme au fur et à mesure tout en détournant le regard. Belharra reprends sa place en silence. Elle regarde le sol embêtée. Il est facile de voir dans ses yeux qu’elle cherche une solution.
- Que faisons-nous ?
Clara fixe Belharra dans les yeux, le regard noir. Impossible d’aller plus loin aujourd’hui. Elle se redresse, prends une grande inspiration.
- Je ne vais pas pouvoir en entendre plus aujourd’hui Belhara. Je pensais que son implication n’était pas aussi forte. Je ne comprends pas pourquoi nous n’en avons parlé parler ensemble avant notre rencontre. Je dois prendre du recul sur tout cela, parler à ma tante. Mais je ne compte pas laisser de côté notre échange. Je pense que votre histoire devient plus importante que je ne l’avais pensé. Je me dois de rendre grâce à ma tante au travers de votre histoire commune.
- Je suis impressionnée par votre comportement. Merci de ne pas me fermer la porte. Combien de temps voulez vous prendre pour réfléchir ?
- Une semaine.
- Très bien. Encore une fois votre détermination est déconcertante. J’ai hâte de vous revoir. Bonne fin de journée à vous. Vous avez mon numéros.
- Merci de votre venus, je vous recontacte.
Belhara quitte le salon sans se retourner. Clara reste assise encore de longues minutes sans bouger. Elle promène son regard dans toute la pièce.
Elle attrape son dictaphone, le coupe, le range dans sa malette et en sort son téléphone. Après une manipulation brève, elle met le téléphone à son oreille.
- Nico ? Je te dérange pas ? T’es rentrée ?
Clara se repositionne sur son fauteuil, impatiente de pouvoir reprendre la parole.
- Je ne vais pas rentrer tout de suite ce soir. J’étais avec Belhara comme prévu aujourd’hui. Il faut que je vois Kelly (surnom). Tu peux gérer ?
Clara se lève et prépare ses affaires en même temps.
- Merci, je t’aime. Je t’écris, bisous.
Dans sa voiture, les gestes sont mécaniques. Le corps connaît le trajet par cœur jusqu’à chez sa tante. A peine un quartier à franchir et le pavillon ouvre ses portes.
Clara connaît cette maison depuis sa naissance. Etroitement liée à sa tante, elle passera des heures à jouer dans ce jardin immense. Immense pour ses yeux d’enfants.
Aujourd’hui, le jardin a rétréci mais l’amour qui s’en dégage est mille fois plus fort.
C’est le cœur lourd qu’elle franchi le portail en fer, remonte l’allée pavée et entre sans même frapper. Elle traverse l’entrée, le salon et entre sans parler dans la cuisine. Kelly, dos à la porte, s’affaire à laver un énorme faitout en fer. Sans même se retourner, elle reconnaît Clara.
- Quelque chose ne va pas ma douce ?
Clara assise à table n’ose pas ouvrir la bouche. Elle quitte sa tante du regard et met sa tête entre les mains pour se retenir de pleurer.
- Clara. Tu étais avec Belhara aujourd’hui, c’est ça ?
N’ayant toujours pas de réponse, Kelly repose son faitout et se retourne enfin. Elle prends le temps de s’essuyer les mains, de replier proprement son torchon, et le ranger à sa place avant de rejoindre Clara à la table. Sans la serrer dans ses bras, elle se lance instantanément.
- Je ne sais pas ce que Belhara a pu te dire aujourd’hui. Je ne sais pas à quelle point tu as découvert mon histoire. Le jour où tu es venue, les yeux remplie de rêves, de forces, de révolte, en me parlant de ton livre, debout dans cette même cuisine, je n’ai pas pu m’en empêcher. Je savais qu’en parlant avec mon amie, tu allais tout apprendre de moi. Je savais que tout ce qui m’a construit ne serait plus obscure à tes yeux. Je n’avais pas la capacité de le faire moi-même. Je n’ai pas réussi à parler à Belhara. J’ai dû lui écrire. Ce texte, aujourd’hui, est enterré proche de la maison de l’horreur. Je ne veux pas aller le chercher ni en écrire un nouveau. Et je ne veux pas en parler. Seulement, je t’aime. Tu as le droit de connaître mon passé, ton passé. Nous sommes si fusionnelle toi et moi.
Clara peine à croire ce qu’elle entend. Les larmes ont déjà troublés sa vue. Elle peine à parler avec ce noeud dans la gorge.
- C’était violent d’apprendre tout cela sans être préparée. Je ne l’ai même pas laissé finir. Que vais-je découvrir Kelly ?
Elle reste silencieuse face au désarroi de sa nièce. Après une grande inspiration, elle se lève et quitte la cuisine. Clara ne bouge pas laissant s’échapper ses larmes. Au bout de quelques secondes, Kelly réapparaît dans l’encadrement de la porte avec dans les mains une boite en carton toute simple.
- Rentres chez toi et prends cette boîte avec toi. Tu as tout ce que tu as à savoir à l’intérieur. Enfin, tout les éléments de l’enquête. Je me répète mais je ne peux pas parler de tout cela.
- L’enquête ?
- Belharra est loin de t’avoir tout dit Clara. Ce ne va pas être facile pour toi d’entendre la suite de son histoire puisqu’elle devient mienne. S’il te plaît, ne me force pas à t’en dire plus.
Kelly dépose la boîte sur la table juste à côté de Clara. Sans rajouter un mot, elle se remet à son évier et continue sa vaisselle. Malgré son occupation, sa nièce ne quitte pas la maison. Clouée sur sa chaise, elle ne parvient plus à bouger et la colère augmente petit à petit.
- Pourquoi tu me fais ça ? Pourquoi comme ça ? Tu sais pourquoi je me lance dans l’écriture de ce livre. Je savais que j’allais être remuée par tout ses récits partagés. Mais pas comme ça, pas te concernant toi. Je comprends pas pourquoi tu agis comme ça. Je comprends pas que tu es été la première à me pousser à parler, à porter plainte. Je comprends pas Kelly.
Les épaules de Clara baisse à la fin de sa phrase. Elle abandonne de nouveau sa tâche et dans un mouvement identique au premier, elle se remet face à Clara.
- Écoute, tu parles sans savoir. Tu ne sais pas pour quelle raison je me tais. Non. Et tu es incapable de l’imaginer deux secondes. Comment peux tu être si catégorique alors que justement si je t’ai poussé à parler c’est parce que ça a toujours été dur pour moi. Je suis forte, ah ça oui, et vous avez toujours su me le rappeler. Tout comme Belhara. Elle qui comptait sur moi alors que je m’enfonçais de plus en plus dans le néant. Je ne sais pas ce qu’elle a dit à mon propos. Je ne sais pas le regard qu’elle porte sur moi aujourd’hui. Je ne suis une héroïne. Je ne suis même pas capable de revoir Belhara. Rentre chez toi maintenant et regarde le contenu de la boîte. Lorsque tu reverras Belhara, tu sera prête à entendre la suite. Je te le promet.
Avec le regard noir, sans jamais quitter celui de Kelly, elle attrape fermement la clé de ce mystère et quitte la cuisine. Une fois dans sa voiture, elle met la clé sur le contact, roule à peine cinq cent mètre et se gare au bord d’un pré. Il fait nuit, la pluie fais un bruit assourdissant sur la carcasse de sa voiture. Peu importe, elle ne l’entends même pas. Hors de question d’attendre encore trente minutes avant de pouvoir comprendre ce qui se trame. La boîte, posée sur le siège passager perd rapidement son couvercle. Son regard se pose en premier sur une photo. Un homme, de pieds, devant une maison provençale. Ses cheveux bruns sont épais, son regard très particulier. Il est habillé comme dans les années soixante-dix et son col pointu bariolé ne passe pas inaperçu. En arrière plan, au loin, elle peut apercevoir une jeune femme blonde. Assise sur une chaise, penchée en avant comme pour se refaire un lacet, il est impossible de voir son visage. La maison paraît immense et le jardin arrondi est arboré d’oliviers. Aucune inscription derrière la carte, à part la date : 17 juillet 1972.
Sous la photo, une petite boîte à bijoux fleuris est bien fermée. Clara peine à l’ouvrir. Avec la pression, le contenu se déverse dans la voiture. Des perles. Blanches, magnifique, sûrement des vraies. Tout au fond, un papier usé et griffonné s’est collé au velours bleu de l’intérieur. Elle peut encore lire : « Pour mon amour. Pardonne moi mes révoltes. »
Un dossier bleu cartonné porte une étiquette complétée à l’écriture manuscrite de sa tante : Chronologie.
La première feuille est une lettre écrite, selon la signature, par Belhara. Sans même la lire, elle regarde les suivantes. Encore deux lettres mais cette fois-ci, il s’agit de Georges. Juste derrière se trouve un dépôt de plainte pour coup et blessure, un acte de vente d’une maison à Vaison la Romaine, un acte de décès au nom de Georges, un acte d’achat d’une petite maison à Ussel et pour finir, des photos de membres et corps tuméfiés.
Clara les postes, face vers le siège pour ne plus les voir. Elle a des frissons dans tout le corps. Finalement, elle ne peut pas lire ça dans sa voiture. Elle replace tout rapidement et reprends la route pour rentrer chez elle. Une fois arrivée dans sa maison endormie, elle se prépare un thé, une bouillotte et s’installe dans le canapé. Elle entame la lecture de la première lettre de Georges, selon les dates.
« Mai 1972, Vaison la Romaine.
Chère Kelly,
Je prends aujourd’hui ma plume pour te partager mon émotion. Celle de t’avoir à présent dans nos vies. Je suis rassuré de te savoir proche de Belhara qui malheureusement n’a pas toujours autant de lucidité. Tu ne l’a vois pas tout les jours. Je peux t’affirmer que la vie n’est pas toujours simple à ses côtés. Cette maladie va finir par la rendre folle. J’aimerai te proposer de venir plus souvent la voir et lui tenir compagnie, même en ma présence. Ce ne serait pas une gêne de te savoir présente même à notre table. Tu es une femme de goût et de caractère. Insurmontable et puissante, ainsi je te perçois.
Dans l’attente d’une réponse,
Tendrement,
Georges. »
Clara est sidérée par cette lecture. Il faut qu’elle dorme. Enfin, du moins, qu’elle tente de dormir quelques heures.
Dans sa chambre, sous sa couette volumineuse, elle retrouve son homme. Il s’est déjà assoupi mais son corps connaît le chemin. Il vient se blottir contre elle en déposant un bisous dans son cou.
La nuit porte conseil, du moins pour Clara. Reposée, elle décide de prendre la situation autrement. Elle doit revenir à l’essentiel de sa démarche : écrire un livre. Pour écrire sur cette histoire, il lui faut du recul, de l’observation et beaucoup d’écoute. Seulement, jusqu’ici, les émotions ont largement pris le dessus.
Le matin offre une lumière très agréable. Attablée avec ses enfants et son mari, elle reste de marbre. Impossible de déceler cette lutte en elle.
Clara se doit d’être concentrée sur ses enfants jusqu’à l’arrivée du bus scolaire. Après cela, elle va pouvoir lire les autres lettres en imaginant que ce n’est pas de sa tante dont il s’agit.
Une semaine plus tard, Clara est assise dans son fauteuil en cuir rouge. Elle attend sagement l’arrivée de Belhara. Contrairement au premier rendez-vous, elle aborde cette rencontre sereinement. Elle finit d’installer son dictaphone lorsque l’invité fait son entrée.
- Clara ! Comme je suis heureuse de vous revoir ! Comment allez-vous ? Vous êtes splendide !
- Je vais bien et vous ? Vous m’avez l’air vraiment en forme…
- Oui, j’ai une excellente nouvelle ! Mais, je nous la réserve pour la fin de l’entretien.
- Bon, bon, commençons sans plus attendre alors, installez-vous.
Une fois assise, Belhara ne semble plus si joyeuse. Ramenée brutalement à la situation de leur échange, elle réalise ce qu’elle s’apprête à faire.
- A…Avez-vous parlez à Kelly ?
- J’ai fait mieux que cela. Elle ne semble toujours pas prête à verbaliser son histoire. Elle m’a cependant donné de quoi comprendre une partie. Ce moment de pause m’a permis de prendre du recul. Je suis là pour écouter votre histoire afin de la retranscrire aux lecteurs et lectrices qui en ont besoin. Je pense aussi vous permettre de vous délester ou de partager un message. Vous avez surement une raison pour avoir accepté cet échange, non ?
- J’ai accepté parce que je trouve votre cause importante et je voulais participer à cela. Le fait que vous soyez de la famille de Kelly facilite bien entendu notre échange. Je suis moins sauvage qu’auparavant mais tout de même.
- Je comprends, nous en avions d’ailleurs déjà parlé la première fois. Pour résumer, vous m’avez parlé de votre chute et cette hospitalisation soudaine qui a permis à Georges d’abuser de Kelly. Que s’est-il passé ensuite ?
- Vous ne trainez pas, vous. Je vous sens plus déterminée… Ensuite… ensuite… ensuite c’est le plus compliqué. Pas à expliquer mais à faire comprendre.
- C’est-à-dire ?
- Kelly n’a pas pu sortir de la maison après le viol. Il l’avait enfermée dans la chambre. Comme je vous l’ai dit la dernière fois, elle avait dès la toute première rencontre donné l’impression à Georges de pouvoir la contrôler. C’était une longueur d’avance sur lui, mais à quel prix… Je pense qu’en choisissant ce plan, elle ne se rendait pas compte de la durée du calvaire… Quand je suis sortie de l’hôpital, j’ai rapidement appris que Kelly était dans la chambre. Georges n’a pas pris le temps de faire un enrobage chocolat sur l’énormité qu’il devait me faire avaler. Il m’a dit les yeux dans les yeux, qu’à partir de maintenant, nous formions un couple à trois. Personne ne devait savoir pour Kelly. Je devais m’occuper d’elle sans jamais la détacher en journée. Bien entendu, si je n’étais pas obéissante, je serais alors punie sévèrement et Kelly doublement.
- Il vous séquestrait donc toutes les deux ?
- Oui et non. Ma vie n’a pas changé à part les quantités sur la liste de course. Je pouvais faire le peu que j’avais le droit de faire avant.
- Vous étiez séquestrée. J’ai du recul sur votre histoire à présent. Je repense à nos derniers échanges. J’ai la sensation qu’au fond de vous, vous êtes persuadée d’avoir vécu un moment de votre vie, pas si difficile.
- Pas si difficile ?
- Par rapport à Kelly. Depuis qu’elle est entrée dans votre vie, elle a effacé toutes les années déjà passées aux cotés de Georges. Vous avez une énorme culpabilité en vous.
Belharra reste silencieuse. Le regard perdue dans ses pensées, elle tâtonne d’une main son sac à main blottit contre sa cuisse. Elle sort son paquet de cigarette, en prends une. Au moment de la porter à sa bouche, elle demande très calmement :
- Je peux fumer ici ?
- Oui.
Elle l’allume en prenant la plus grande des bouffées que ses poumons offrent. La fumée grisâtre et épaisse se déverse le long de ses narines, pour venir rejoindre le flot immense de ses lèvres. Elle fixe Clara, semble étrangement paisible.
- Qu’avez-vous appris sur mon histoire. Que savez-vous vraiment ?
- J’ai lu des lettres, de Georges, de vous, des papiers administratifs. Notamment, l’acte de décès de Georges et l’acte d’achat de votre maison. Enfin, celle de Kelly.
- Je suis ravie d’être ici, maintenant, avec vous. Il est clair que vous soulevez un réel point sur ma vie, mon histoire. Je ne peux pas vraiment en prendre pleinement conscience, comme ça, d’un coup. Mais, soudain, les éléments, ont bougés d’un degrés dans ma tête. Ma vision s’est comme… éclaircie.
- Kelly vous aime.
- Oh, je le sais. Vous avez certes lu ma lettre mais pas la sienne. Elle m’a répondu le cœur grand ouvert. Par écris, tout est plus simple pour Kelly.
- Continuons à parler de votre histoire. En déroulant le fil, vous parviendrez à faire basculer un peu plus votre vision.
- Dans ce cas, j’aimerai tout de même revenir en arrière sur mes propos. Quand vous avez parlé de séquestration, j’ai tout de suite comparé ma situation avec celle de Kelly. Enfermée toute la journée, poignées liés, sévices sexuelles toutes les nuits, les coups… J’avais le droit de sortir, de marcher librement à l’extérieur. D’ailleurs, son intérêt pour moi, même pour les mauvais actes, avait grandement diminué depuis que Kelly était prisonnière. Au fond de moi, j’avais ce soulagement, et toute cette impuissance. Toutes les nuits, j’entendais tout. Tout. C’était une torture psychologique. Il ne me touchait plus mais y parvenait à travers elle. Je culpabilise de ne pas avoir parlé lorsque j’étais à l’extérieur. Seulement, j’avais l’intime conviction qu’il pouvait nous tuer. Il en été capable.
- Dans votre lettre, j’ai compris que c’est Kelly qui a alerté quelqu’un. Comment est-ce possible ?
- L’enfermement a durée cinq mois. Votre tante a réussi une réelle prouesse en lui faisant croire qu’elle était amoureuse de lui. Il est devenu doux comme à nos débuts. Il s’est mis à la chouchouter, à sa façon. Ils sortaient beaucoup tout les deux. Que tout les deux. Elle a donc développé un plan, qui par la même occasion devait me permettre de me soulager moralement. Georges voulait passer le plus de temps possible avec Kelly. Il était vraiment éperdument amoureux. Il s’absentait de plus en plus de son travail, rentrait plus tôt par surprise. Elle s’est dis qu’elle devait prendre les devants rapidement. Un soir, ils ont beaucoup bu et elle lui a proposé de vendre des citrons au marché.
- Comment ça des citrons ?
- Elle voulait produire des citrons et faire des limonades parfumées pour les vendre sur son ancien lieu de travail.
- Je viens de réaliser. Comment se fait-il que personne n’ait cherché ma tante ? Son patron était un bon ami de son père. Il n’aurait jamais abandonné sa fille adoptive !
- Georges n’était pas trop idiot tout de même. Il lui a fait garder contact par téléphone avec sa mère et son patron. Ils pouvaient se parler qu’en présence de monsieur, bien entendu. Voilà pourquoi, elle n’en a pas parlé avec eux. Elle savait une chose, il fallait que son patron la voie. Tu sais, Kelly t’a parlé de lui comme un homme formidable mais il n’était pas si incroyable. Crois-moi. Il n’a jamais fait de mal à ta tante. Mais aux femmes en général, beaucoup. S’il s’est occupé d’elle après la mort de son père, c’est uniquement parce qu’il se sentait responsable ! Il était avec le père de Kelly et c’est le dernier à l’avoir vu en vie. Mais nous ne sommes pas là pour parler de ça.
- Alors pourquoi voulait-elle le voir ?
- Elle avait perdu dix kilos. Il se poserait forcément des questions. On ne fait pas deux fois la même erreur.
- Je comprends mieux. Georges a accepté de vendre des citrons dans un marché alors qu’il était responsable dans une boîte renommée ?
- Eh oui. Complètement aveuglé, il a foncé tête baissé dans le projet. Il a vu les choses en grand. Il allait être le roi de son propre empire au bras de sa reine. Il n’avait pas pour perceptive de rester longtemps derrière l’étalage ! Il a eu une idée, absolument suggéré par Kelly : me donner le poste de productrice. Je ne savais rien du jardinage, encore moins de la production mais j’ai vu dans les yeux de votre tante qu’il fallait que je la suive sans réfléchir. J’ai accepté. Une semaine après, j’avais trois citronniers immenses dans le jardin et un petit cabanon rien que pour moi. Pour faire des boutures, des recherches, des tests. En réalité, pour souffler. Dans le silence apaisant du grand jardin, loin des bruits de la maison.
- Un coup de maître de ma tante. Elle m’impressionne ! Mais, encore une fois, je ne diminue pas votre peine. Elle est immense et vos traumatismes sont bien réels. Je ne vous mets pas en compétition malsaine de chagrin.
- Je comprends. Je l’entends dans votre voix…
- En combien de temps avait vous amassé suffisamment de citrons pour prétendre à une place ?
- Pff. C’était si long. J’ai mis presque trois ans à me stabiliser. George avait des attentes immenses, je le répète. Je ne m’en veux pas du tout pour cela. Je pense que Kelly non plus. Elle savait que je partais de zéro et que rien n’allait être facile. Bref, nous avons tout de même réussi à vendre au marché. Je ne rendais jamais sur place. J’étais tout le temps avec mes citronniers. Je me suis calmée, reconstruit, si on peut le dire. J’ai commencé à rassembler les morceaux. La sortie pouvait prendre forme dans mon esprit… Pendant que Kelly était au front. Seule.
Belharra saisie son paquet de nouveau, en sort une cigarette et reprends le même rituel. Après plusieurs bouffée, elle lève le silence.
- Quand elle est arrivée sur place le premier jour, son patron n’était pas là. Le soir même, elle a appris qu’il était cloué au lit. Malchance. Tout nos espoirs auraient pu s’évaporer, mais elle n’a rien lâché. Le lendemain, un commercial qui l’avait longuement dragué de longues années auparavant est passé la voir. En dehors de son attirance pour elle, il avait une vraie relation amicale avec Kelly. Quand il a su qu’elle était de retour, il a voulu la revoir. Elle n’a pas pu lui parler et puis l’attitude de Georges a donné le ton. Mais il n’était pas dupe. Impossible qu’elle soit bien avec cet homme. Il n’a ressenti que des mauvaises énergies s’échapper de son être.
- Comment le savez-vous ?
- Nous nous sommes vus quelques jours plus tard. De retour à la maison, lorsque nous avons pu nous retrouver seule un court instant, elle m’a glissé à l’oreille le nom d’une ancienne et une heure. Je ne savais pas quoi ou qui j’allais retrouver sur place. Il était vraiment très protecteur. Même si je n’aime pas ce mot à présent, j’avais ressenti une vraie sérénité à ses côtés. J’ai tout raconté dans les moindres détails, depuis l’arrivée de Kelly dans ma vie. Il a écouté religieusement puis s’est levé d’un bon de sa chaise de bureau. Il est sorti de son bureau sans se retourner. Je suis restée sans rien faire pendant de longues minutes. Ne le voyant pas revenir, je me suis décidé à sortir pour le rejoindre. Il n’était même plus dans le bâtiment. Je suis rentrée. Bredouille.
- Etrange comme réaction. Vous savez ce qu’il a fait après son départ ?
- Il est allé chez nous. Je ne sais pas ce qui s’est passé dans sa tête. A mon arrivée, Georges ne bougeait plus, allongé sur le ventre au milieu de la cuisine. Il était intact. Pas de bleus, pas de sang. Kelly était assise sur le canapé, le visage enfoui entre ses mains jointes. Son ami, était comme tétanisé, à moitié appuyé sur la table du salon. J’ai avancé ma main vers le cou de Georges quand Oihan m’a stoppé.
- Comment ?
- Il m’a dit qu’il était mort. De ne pas le toucher. J’ai paniqué, je suis sortie de la maison pour rejoindre le jardin. Dans mon petit cabanon, je me suis mise en boule. J’ai pleuré jusqu’à d’épuisement, je m’écroule. Je me suis réveillée le lendemain, en fin de matinée, dans mon lit, un pyjama. Je me suis levée, j’étais angoissée à l’idée d’ouvrir la porte. J’allais voir le corps de Georges en premier, s’il était encore là. Heureusement, il n’était plus là. J’ai demandé à Kelly qui été dans la cuisine en train de manger, qu’avez-t-il fait du corps. Elle a ri, comme je ne l’avais pas vu rire depuis des années. Je l’ai revue dans un flash, sur la petite terrasse de notre maison de location lors de nos vacances. Cette nuit a été si forte en émotion. Elle était sublime, drôle, à l’écoute, forte comme un roc. Je lui ai parlé de lui cette nuit-là. Je l’ai mis sur son chemin…
- Il était où Belharra ? Ils ont fait quoi de George ?
Belharra se met à rire, écrase sa cigarette pour reprendre le regard rieur.
- Le samu l’a emmené ! Personne n’a enterré Georges cette nuit-là. Il a fait une crise cardiaque. Quand s’est arrivé, il allait vers Oihan pour le frapper…
- Ils n’ont pas tenté de le réanimer… C’est un meurtre juridiquement parlant. Non ?
- Et bien, oui. Mais personne ne le sait. A part nous, et vous maintenant. D’ailleurs, ça ne devra pas formuler dans votre retranscription. Dites que nous avons tout tenté.
- Vous vous rendez compte de la position dans laquelle vous me mettez ?! Je suis vraiment très surprise par vos réactions par moment. Vous êtes si…
- Paradoxale ?
- Oui ! Contradictoire même ! C’est épuisant émotionnellement de vous suivre. Même si cette homme était un monstre, appeler les pompiers n’auraient rien changé. Vous aviez une occasion de fuir après leurs départs. Oihan aurait pu monter dans le camion avec lui pour que ce ne soit pas suspect et par la même occasion suivre ses mouvements. Ça laissait du temps pour vous enfuir réellement loin !
- C’est bien beau de faire des plans, maintenant, assise tranquillement dans votre fauteuil. Si vous aviez été Kelly ce jour-là, vous auriez fais la même chose puisque vous auriez été elle.
- Je ne crois pas.
- Vous devriez vous intéresser à la sagesse de Alexandra David-Néels. C’est elle qui a tenu ses propos.
- Je regarderai, je ne connais pas.
- Elle a été une grande aventurière…
- Je vous coupe, restons concentré sur votre histoire.
- Elle est finie mon histoire. Lorsque Georges est décédé, le point final été posé.
- Et les traumatismes, les blessures psychologiques, qu’en fait vous ?
- Je n’ai pas accepté de parler avec vous de ma guérison. Il me faudrait bien plus de deux après-midi pour me confier sur ce point. Je ne sais même pas si j’en suis capable. Chacun se reconstruit à sa manière. Il est vrai que du point de vue de votre projet, il est bon de redonner aussi de l’espoir à tout.es celleux qui vont se reconnaitre. Mon travail m’a permis de réellement me reconstruire. Même si j’ai commencé à produire des citrons dans cet enfer, c’était un réel coin de paradis. Maintenant, c’est mon affaire, que je considère comme une énorme pouponnière. Vous le savez très bien puisque vous possédez deux de mes bébés.
- Je comprends. Mais le travail n’est pas un échappatoire pour ne pas avoir à affronter vos réels symptômes ? Avez-vous consulté un psychologue pour parler de tout cela ?
- Non, jamais. Je me suis isolée, j’ai pris soin de moi et de mes plantes et j’ai prie le temps nécessaire pour m’écouter. Kelly m’a acheté une maison, après la mort de son patron. Elle était en partie héritière. Elle a aussi participé pour l’installation des serres et les frais de déplacement des citronniers encore enracinés dans le jardin. Je n’avais pas à me plaindre de ma situation. Georges étant mort, je n’avais pas la peur qu’il me cherche, la sensation d’être en cavale. Certaines femmes vivent des années très difficiles rien que pour vivre simplement après avoir fuis un homme violent !
- Les peines ne sont pas graduables. Il n’y a pas vraiment de « pires » ou de « moins pire ». Toutes les douleurs existent et doivent être entendues. Cependant, je m’interroge… vous ne pensez pas que j’ai plus de choses à savoir sur vos échanges après la mort de Georges ? J’ai la sensation que ce n’est pas vraiment fini.
- Il me semble vous avoir fais remarquer la dernière fois que votre tante avait plus sa place que moi en face de vous pour vous raconter la fin de mon histoire. C’est toujours le cas aujourd’hui. Nous avons échangé une seule fois sur le sujet par écrit. Vous avez lu ma lettre, je ne donnerai pas la sienne. Je sais que Kelly a besoin de temps, de distance pour parler vraiment. En vous orientant vers moi, elle a clairement mis un coup de pied à son propre fonctionnement pour enfin vous parler de toute cette partie d’elle. Je ne sais pas ce qui s’est passé avant sa mort, ni après. Pour les papiers, la justice, je n’ai rien suivi et j’ai toujours été représentée. Ta tante a participé à tout. Elle m’a complètement écarté de toute cette partie de notre histoire. Elle ne voulait pas que je me détruise.
Clara ne sait que dire, elle éteint son dictaphone, le range dans son sac, puis se lève pour lui serrer la main.
- Je vous remercie d’avoir pris de votre temps pour me parler le cœur ouvert de votre expérience.
Belharra est interloquée par ce geste, mécaniquement sa main à rejoint la sienne mais l’attitude lui semble déplacée. Clara se rassoit face à elle, croise les jambes, sourit.
- C’était une façon de marquer la fin de notre échange professionnel. Maintenant que nous ne sommes plus que deux êtres face à face, j’aimerai vous dire quelque chose. Découvrir le contenu de la boîte de ma tante ne m’a pas pris beaucoup de temps. Le reste de la semaine a été plutôt l’occasion pour moi de comprendre pourquoi elle voulait se confier de cette façon. Votre remarque tout à l’heure réponds en partie à la question. Seulement, il ne s’agit pas d’une histoire du passée, complètement effacé. Attendez, je m’explique. Oui, elle a surement fait son travail et a refermé ses plaies. Ce que je souhaite. Mais je parle de votre relation. Vous ne vous voyez pas alors que vous êtes à peu de distance l’une de l’autre. Elle suit votre vie avec attention puisque vous fréquentez les mêmes endroits. Nous sommes en 2020, depuis 1989, vous n’avez entretenue aucune relation réelle. En chair et en os, l’une avec l’autre.
- Je suis d’accord avec vous, et d’ailleurs, j’observe votre tante autant qu’elle peut le faire. Je ne me sens pas capable de faire le premier pas vers elle. Elle a toujours tout contrôlé et je pense que c’est vital pour elle. Je ne veux pas la perturber, lui faire remonter des émotions qu’elle ne veut pas affronter… Enfin, vous comprenez, c’est complexe.
- C’est là que j’interviens. Je pense que je suis le pont entre vous deux. Votre retour est proche. Seulement, j’ai encore besoin de temps pour prendre du recul sur ce que je sais à présent. Je garde votre numéros et vous appelle dès que j’en sais plus. Vous êtes d’accord ?
- Bien sûr. Je n’avais jamais envisagé de retrouver votre tante comme lors de notre rencontre. Je ne vais pas trop me faire d’illusions mais je reste à votre disposition.
- Merci. Je vais vous libérer, j’ai un autre rendez-vous. Il va bientôt arriver. A très vite…
Quelques semaines plus tard, alors que Clara vient de déposer ses enfants à l’école, elle reçoit un coup de téléphone de Kelly. Elle aimerait qu’elle lui rapporte la boîte et lui annonce qu’elle a autre chose pour elle. Elle prend directement la route vers la maison de sa tante. Dans sa tête, elle a complètement dépassé le fait de vouloir comprendre à tout prix. Elle tourne plutôt dans tout les sens des scénarios pour rapprocher de nouveau les deux amies du passée. Si ce fameux paquet pour elle révèle des secrets, la satisfaction de voir la confiance de sa tante dans la confession lui suffira. Rester présente pour elle, être dans une relation d’adulte à adulte. La naissance de ses enfants a bien sûr donné le ton dans leurs échanges mais il s’agit là de sa vie de femme. Comme si elle était maintenant au même rang.
Sur place, Kelly reste très silencieuse comme la première fois. Elle est plutôt souriante, mais le sourire est crispé. Clairement crispé. Clara ne cherche pas à insister et demande simplement à récupérer le paquet. Ce qu’elle lui tend n’est pas volumineux, mais semble bien plus précieux. Une enveloppe. Taille standard, toute blanche avec une écriture tremblante sur le dessus. « Clara ».
Contrairement à la première fois, elle s’avance vers sa tante pour l’enlacer en lui chuchotant un « merci » à l’oreille. Elle reprend son manteau en toute hâte et rentre chez elle.
Une fois dans son cocon familiale, bien à l’abri dans son lit, elle est enfin prête à découvrir le contenu de cette lettre. Elle retourne l’enveloppe, l’ouvre délicatement pour savourer chaque instant. Elle aperçoit le papier à l’intérieur. Visiblement quatre pages d’écriture manuscrites. Elle les sort de l’enveloppe, la pose sur la table de nuit et s’enfonce dans son grand coussin. Elle déploie les feuilles et commence à lire.
« Clara,
Georges n’est pas mort d’une crise cardiaque. Je vais te raconter dans les moindres détails tout ce qui s’est passé avec Oihan. Je commence par la fin, nous l’avons tué. »
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