L'après-midi était déjà bien entamé. Myriam faisait encore une petite sieste, aux heures les plus chaudes, et elle était maintenant réveillée. Elle aurait bientôt trois ans et comme pour sa mère avant elle, la Casa de los Naranjos était son univers et un merveilleux terrain de jeux. Don Felipe avait tenu sa promesse de faire aménager et décorer la chambre voisine de celle de Luna et d'Alex pour son arrière-petite-fille. Oiseaux colorés, petits singes malicieux et végétation luxuriante ornaient désormais les murs autrefois blancs.

Elle prenait plaisir aussi à jouer dans le patio où donnaient les deux pièces et s'endormait bien souvent en étant bercée par le chant de la fontaine. Cet après-midi-là, elle se trouvait aux côtés de sa grand-mère, Sonya, à l'ombre du premier oranger qui marquait la limite de la partie du jardin donnant sur la cour. Le portail était ouvert et si quelqu'un en franchissait le seuil, même en étant un peu loin, Sonya et Myriam pourraient le voir. Elles pouvaient aussi entendre, par moments, rouler quelques charrettes et passer les voitures des propriétaires voisins.

Sonya ne se lassait pas de voir sa petite-fille grandir, se développer. Myriam avait gardé le caractère facile qu'elle avait depuis sa naissance, et même si elle commençait à s'affirmer, elle n'était pas capricieuse. Contrairement à Roy qui faisait tourner sa mère en bourrique, surtout quand son père était absent. Et pourtant, Sonya le savait bien, Sophie ne se laissait pas faire. Mais Roy avait hérité d'un caractère têtu et Sophie, qui voyait arriver avec soulagement la fin de sa deuxième grossesse, commençait à fatiguer de son comportement. A côté de son entêtement, Roy était cependant un petit garçon déjà généreux et curieux, toujours à l'affût de son environnement.

L'allure d'un cheval passant du trot au pas résonna le long du mur d'enceinte, jusqu'à franchir le portail. Myriam et Sonya levèrent la tête en un bel ensemble et la petite fille se mit aussitôt debout, puis à courir en criant :

- Papa !

Alex descendit aussitôt de cheval, fit quelques pas pour s'accroupir et attraper sa fille. Il se redressa alors qu'elle nouait ses petits bras encore potelés autour de son cou.

- Mon bel oiseau ! dit-il en souriant avant de faire claquer deux bises sur ses joues.

- Tu es rentré !

- Oui. Et pour un moment. Tu étais au jardin ?

- Avec Grand-Mère...

Alex tourna alors la tête et vit sa mère s'avancer lentement, longer le grand carré de fleurs et se diriger vers eux.

- Te voilà de retour, mon fils, dit-elle avec un grand sourire. C'est que tu as manqué à notre petite perle... Tout s'est bien passé ?

- Oui. Le calme revient peu à peu... Et la confiance aussi. C'est un travail laborieux, mais qui finit par payer. Dans certains villages, c'est plus aisé, car j'étais connu, avant le soulèvement. J'avais déjà œuvré en ce sens. Mais la zone qui m'incombe est plus vaste qu'auparavant. Et ici, tout va bien ?

- Oui. Nous avons connu des journées bien agréables. Il y a deux jours, nous nous sommes rendues auprès de Sophie. Elle va bien, mais il était temps que William revienne. Je pense que la naissance est proche...

Alex sourit.

- Voilà donc de quoi nous réjouir...

A ce moment-là, Satya apparut en haut des marches, tenant un plateau avec des fruits frais et une boisson qu'elle réalisait à partir du jus des oranges du jardin.

- Oh, Sahib ! Vous êtes rentrés ! Bonjour à vous !

- Bonjour, Satya. Oui, me voilà.

- Je vais apporter d'autres rafraîchissements, dit la jeune femme en se dirigeant vers le jardin.

Elle déposa son plateau sur la table proche des fauteuils où Sonya et Myriam étaient assises l'instant d'avant, puis retourna rapidement dans la maison. Myriam glissa des bras de son père et suivit Satya en criant :

- Maman ! Maman !