Lèvius - 1.3

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Lèvius enfin libéré du chaos de l'assemblée avançait dans les couloirs du bâtiment parlementaire. Il marchait d’un bon pas, aidé par sa canne hautement ouvragé qui rythmait chacune de ses foulées. Ses chaussures martelaient le sol, presque en continuité des sentiments qui bouillonnaient en lui.

Arrivés devant les imposantes portes de l’entrée, les gardes en poste, habillés de leurs uniformes de parade, les ouvrirent après avoir salué le baron lors de son passage. Lèvius Devràn suivit par le flot de nobles de sa faction apparu sur la grande place face au batiment.

L’endroit était parmi les plus hautes constructions de la cité nation. Le dôme du parlement s’inscrivait dans la continuité des spires de la ville haute pour créer les sommets d’Aldius. Chacune de ces flèches était travaillée, elles entouraient la plus élevée des tours du palais de Sa Majesté qui, quant à elle, se retrouvait coiffée d’un aigle impérial visible depuis le lointain, depuis les imposantes murailles d’acier de la ville.

L'assemblée était un édifice à l’allure disproportionné. Impressionnant de l’intérieur et encore plus de l’extérieur. La structure était toute blanche et nettoyée pour ce qui était des parties inférieures. Le dôme, lui, était une œuvre à part entière qui finissait le bâtiment et couvrait l'endroit de son ombre pesante. En face de cette construction se tenait une grande place circulaire. Puis enfin plus loin d’importants escaliers menant au palais impérial qui toisait la ville entière de sa hauteur. L’espace se remplissait de nombreuses berlines à chevaux qui attendaient leurs nobles propriétaires pour les reconduire à leurs demeures justes en dessous. Les bêtes frappaient les pavés de leurs sabots, entourés d’une foule d’hommes en armes ou de valets aux costumes raffinés.

Les destriers étant chers, peu communs, leur utilisation strictement réservée aux institutions supérieures et autres nantis de la cité. Ce qui ne manquait pas de rehausser le prestige des transports qui guettaient les parlementaires. Ces bêtes sauvegardées du monde ancien servaient ici à faire avancer les berlines ou occupaient le rôle de montures pour les miliciens qui escortaient leurs seigneurs. Les chevaux n’étaient d’ailleurs pas les seuls présents. Un bon nombre de gardes se déplaçaient jucher sur des automates d’aciers. Des machines hautes et effilées d’où leurs passagers pouvaient narguer les hommes au sol.

Arrivé en bas des marches du parlement, sous les statues qui encadraient l’entrée, Lèvius s’arrêta tandis que les nobles les plus importants de sa faction l’entouraient, salués également par les multiples délégations des familles affiliées qui quittaient l’endroit pour rejoindre leurs transports. Les membres de ce petit groupe étaient bien habillés comme tous leurs acolytes de l'assemblée. De différents costumes noirs et blancs sur mesure ou de redingotes richement taillées. Certains tenaient des hauts-de-forme ou arboraient d’autres couvre-chefs sombres.

Je crois que nous avons évité le pire, commença Horace Ryther.

Je pense surtout que notre cher Lèvius s’est vu battre par ce maudit Kardoff, reprit l’un des gentilshommes du cercle qui s’était formé. Dans les règles de l’art qui plus est.

Le baron Devràn ne pouvait lui en tenir rigueur. L’homme avait raison, il avait fait confiance au gouverneur et ce dernier l’avait poignardé dans le dos. Nul honneur ou noblesse en politique, c’était l’esprit le plus retord qui gagnait. Mais Vadim avait utilisé son pion en premier. À présent Lèvius comptait bien lui rendre la pareille bien qu’il ne savait pas encore comment. Il se trouvait maintenant à l’initiative.

N’avait-il pas juré de nous aider ? reprit un autre des parlementaires présents.

Tu es bien sot mon cher Limandre si tu crois que la parole a toujours du poids de nos jours. En tout cas plus que Lèvius, se permit Horace d’un ton sarcastique.

Nous l’avons appris à nos dépens, fit Lèvius la mine désabusée. Que vaut une promesse aujourd’hui contre un pot-de-vin ?

Et aux vues des Kardoff un sacré dessous de table à n’en pas douter, en conclut le parlementaire Ryther.

Quelle bande de misérables, fit l’un des hommes présents. Que l’ombre les emporte, eux et leurs maudites idées autodestructrices. Ils n’ont donc tiré aucun enseignement de la presque fin de notre monde !

Comme pour donner corps à ses mots, les nobles des Kardoff et leurs alliés avaient fait irruption devant les portes de l'édifice. Croisant du regard le groupe du baron Devràn, ils n’avaient nul besoin de parler pour leur faire comprendre leurs ressentis. Ils dévalèrent les volées de marches pour rejoindre leurs berlines sans plus de cérémonie. Sans plus de paroles et de faux semblants.

Voilà que s'en va le cancer qui gangrène cette ville, dit Horace d’un œil mauvais.

Ce n’est pas leurs fils qui décideraient de gagner le front, Ryther votre enfant part demain avec celui de Lèvius non ?

En effet, fit l’intéressé. Ils vont combattre la fleur aux fusils vers un champ gorgé du sang de leurs compatriotes.

N’a-t-on pas fait de même à notre âge cher ami ?

C’était bien différent de notre temps, dit Ryther la mine renfrognée.

Tant que ça ? Une guerre reste une guerre. Toutes se ressemblent et ont la même finalité, dit Limandre d’un ton bien sombre.

Un cycle de violence qui nous empoisonne bien la vie, hein Lèv, conclut l’un des nobles. Je ferais une offrande pour ton fils et le rejeton de Ryther à la maison des ombres.

Salué par des signes de tête approbateurs qui prirent le groupe, Horace Ryther décida de changer de sujet

Parlons de choses plus joyeuses. Le bal de l’empereur se tiendra dans quelques semaines, non ?

En effet, reprirent certains dans le cercle.

Sera-t-il seulement là ?

Rien n’est moins sûr. Ça fait un bout de temps que personne n’a vu sa gracieuse majesté en public. Même toi tu ne l’as pas aperçue depuis des lustres Lèvius ?

Je ne saurais compter, de nombreuses années en tout cas. C’est sa vipère de conseiller qui gère les choses à n’en point douter. Il est sa voix et maintenant son esprit. Un homme bien effacé, mais au pouvoir trop grand si vous voulez mon avis. D’ailleurs serez-vous tous présents ? ( demanda le Baron qui eut réponse à sa question dans l’instant par les signes de tête qui balayèrent le groupe de nobles). Parfait, car les Kardoff ne manqueront pas l’occasion de se pavaner devant le gratin de la ville.

Alors il serait de bonne guerre de faire de même, conclut Limandre.

Je n’aurais pas dit mieux, bons messieurs. Loin de moi l’idée de vous laisser comme ça, mais je dois rentrer, annonça Lèvius qui se permit le luxe de serrer la main à chacun de ses plus grands soutiens dans une sorte de tour d’honneur. Dans tous les cas, nous nous reverrons au bal impérial, finit-il d’un signe de respect. Prenez soin de vous, nous nous dirigeons vers des temps bien troubles.

Je vais raccompagner notre cher Lèvius, messieurs, fit à son tour Horace en enfilant son chapeau avant d’emboîter le pas au Baron Devràn.

Tandis qu’ils distançaient le groupe, les deux hommes arrivèrent près de la berline au blason de l'ours. Les membres de la milice avaient déjà grimper sur leurs selles et l’un des aides tenait ouverte la porte du transport. Lèvius montait à bord et Horace permit au servant de reprendre sa place sur la plage en le remplacant. Debout contre la fenêtre, il conversa une dernière fois avant que le convoi ne soit en état de partir.

On dirait que l’énonciation des enfants a suffi à te mettre à cran Lèv.

C’est tous ces précédents mois qui l’ont été. Les choses changent trop vites. Et pas dans le meilleur sens mon ami. Tu n’es jamais à cran pour ton fils qui s'en va ?

En tant que Ryther c’est notre destin. Il se trouve que le mien est ici avec toi, le sien au front. J’aime à penser que cela sert à quelque chose. Après tout, il suffit de l’inaction de certains pour que le mal prenne place. Enfin c’est ce qu’on dit. Tant que nous lutterons, le bien triomphera n’est-ce pas ?

— À moins que nous ne soyons le mal que nous croyons combattre.

Et puis quoi encore, tu réfléchis bien trop, répondit Horace qui refermait maintenant la porte du transport. Et tu as des pensées bien sombres à présent.

C’est l’âge et l’expérience qui me font parler comme ça Horace, finit Lèvius.

Si tu le dis… Tu salueras, madame, de ma part.

Je n’y manquerais pas, elle te fait peur à ce point ?

Ho ! commença Horace en s’éloignant de la berline. Plus que toi ou tout autre parlementaire, se permit-il en rigolant.

Lèvius qui esquissa un sourire tapa ensuite sur la porte de l’engin qui partie au petit trop. Saluant au passage le baron Ryther d’un geste de main par la fenêtre tandis que ce dernier faisait de même en levant son chapeau face à la troupe qui quittait les lieux.

Le convoi de Lévius composé de son transport personnel, ainsi que de ses nombreux miliciens, filait dans les rues menant aux niveaux inférieurs.

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