Lèvius - 2.1

5 minutes de lecture

La plume richement ouvragée du Baron Devràn glissait sur les épaisses feuilles de papier posées devant lui. Il siégeait à son bureau et avait passé le temps libre qui lui restait avant le dîner à finir les lettres qui n'avaient que trop attendus. Divers documents et notes s'étalaient autour des messages que Lèvius écrivait. Il rangea son stylo dans son support et referma le pot d’encre avoisinant, Lèvius recula ensuite dans son fauteuil en regardant dehors à travers les robustes vitres de son cabinet.

Sa femme, qui était venue plus tôt, avait raison. Quel météo exécrable ils avaient.

Seule la lampe de son bureau était allumée dans la pièce, éclairant les alentours de son halo. Le reste de la salle était quant à elle balayé de temps à autre par l’éclat des orages qui s'abattaient sur Aldius. Lèvius avait coupé presque toutes les lumières pour baigner dans cette ambiance sombre et calme qu’il aimait. Cette atmosphère particulière l’aidait à réfléchir et à prendre ses décisions souvent lourdes de conséquences.

Un bruit étranger aux gouttes d’eau frappant les carreaux ou aux éclairs résonna dans la pièce.

— Entrez, fit Lèvius qui avait tourné sa tête vers la porte du cabinet.

Une femme, jeune d’après les traits de son visage, l'ouvrit pour faire son apparition. Habillée comme tous les employés des Devràn dans son uniforme blanc et noir et arborant la broche de l’ours sur dorée, elle s’approcha du bureau. Malgré tous les efforts qu’elle avait faits, elle laissa s’échapper un léger souffle court montrant sa fatigue et la course qu’elle avait dû faire dans les longs escaliers de la maison.

— Monsieur, dit-elle en faisant une révérence au Baron Devràn.

— Lydia, on dirait que vous avez encore attendu devant la porte pour reprendre des forces, ma femme vous a de nouveau surchargé pour ce « petit » repas ?

La servante affichait un regard confus et ne savait quoi répondre, Lèvius réagit.

— Ma pauvre c’est qu’Alina veut un dîner parfait pour Malden, il faut la comprendre en un sens. Je vous en prie, asseyez-vous donc un instant, finit-il en indiquant le siège face au bureau d’un geste de sa main.

La servante prit place avec un brin de gêne qui était plus amusant qu’autre chose. L'employée continua à écouter Lèvius.

— Est-ce que tout le monde est arrivé ?

— Non monsieur, il manque encore votre fils Malden et Alek a fait parvenir un billet confirmant son absence.

— Je vois, Alina ne doit pas être ravie et a dû relâcher la pression sur la personne qui lui a ramené ses nouvelles, n’est-ce pas ?

— Madame est stressée, c’est compréhensible comme vous l’avez dit et puis…

— Vous avez pris l’habitude, je sais, un verre ? demanda le Baron Devràn qui se servait de sa bouteille en cristal.

La même qui avait été plus tôt vers les canapés. Il se trouvait à présent était sur le bureau avec un niveau déjà bien plus bas.

— Monsieur, vous ne devriez pas gâcher un alco…

— Vous êtes bien trop stressé et faites bien trop de manières Lydia. Fais-je si peur que ça ?

— Non bien sûr que non.

— Bon allons buvez, ça vous fera du bien. Vous ne l’avez pas volé.

— Merci.

lèvius regarda Lydia puis continua.

— Pendant que vous êtes là, j’ai une question, cela remonte un moment que je n’ai pas pu me promener à ma guise. En partie à cause de mon rôle au parlement et aussi celui que je tiens en tant que chef de famille. Mais que pensent les citoyens de nous, que pensent nos gens des Devràn ?

Lydia faisait partie de l’armée de servant de la maison Devràn depuis six ans déjà. Elle était une orpheline, une parmi tant d'autres dans la cité nation. Ce n’était pas les enfants perdus qui manquaient dans la tentaculaire ville d’acier. Lèvius était, depuis quelques bonnes années, coupé du monde extérieur à cause de la politique et cette question d’image le travaillait depuis un moment. Des deux occupants de la pièce, c’était Lydia qui devait être plus au fait de la rue et de sa température. Des nombreux ragots et visions envers les nombreuses maisonnées de l'Empire.

— Je pense, monsieur, que parmi les familles vous êtes celle qui est la moins néfaste.

— Selon votre point de vue et votre position.

— Je dirais que les nobles ne sont pas bien vus en général. Le rationnement, les pénuries.

— Et la guerre.

— Oui, en effet (son manque de confiance était certains). Mais si ça peut vous rassurer, personne dans le peuple ne vous déteste au même point que la faction portée par la famille Kardoff .

— J'espère bien. Merci en tout cas de parler franchement Lydia.

— Merci à vous, fit la servante en se relevant. Et merci pour le verre, je dois retourner en bas, Monsieur.

— Avant que vous ne partiez, votre fils va-t-il mieux ?

— Oui merci encore de l’avoir accueilli dans la dépendance des employés. Il se remet tout juste du poumon noir grâce au médecin du manoir.

— C’est tout naturel, vous devriez savoir que l’on récolte ce que l’on sème Lydia. Et je ne connais personne d’aussi appliqué que vous.

— Je m'excuse encore, mais je crois que si je fais trop attendre Madame, je vais le regretter, répondit Lydia d’une petite voix gênée. Monsieur, fit-elle en effectuant une nouvelle révérence avant de partir.

Les dires de la servante confirmaient ce que Braggs lui avait appris. La situation était plus explosive que jamais en ville. Le vote de l’assemblée s’il passait allait pousser la population dans ses derniers retranchements. Que voulaient les Kardoffs ? Provoquez le chaos pour s’élever ?Qui était derrière eux ?

— LEVIUS ! fit une voix qui résonnait dans la montée d’escalier, arrachant le Baron Devràn à ses songes.

Nous verrons bien ce que l’avenir nous réserve.

Il prit sans plus attendre sa canne et se releva. Le Baron se mit en marche pour rejoindre la salle Vallius pour le dîner. Sa femme venait de l’appeler et il ne valait mieux pas la faire réitérer la chose sous peine de conséquences bien fâcheuses pour lui.

Lèvius ferma la porte de son bureau, il commença à descendre les escaliers en s'arrêtant en chemin pour observer le temps et surtout effectuer une pause pour son genou.

Malgré le climat extérieur, Lèvius pouvait pendant son répit épier le Manoir. Ou plus exactement le domaine des Devràn. Les maisonnées nobles avaient chacune leur partie de la ville dans ce niveau supérieur. Ces « manoirs », comme on les appelait, étaient en réalité des portions bien grandes comparables aux quartiers d'habitations des autres étages, des petites propriétés en soi. Chez les Devràn l’édifice principal occupé par la famille était entouré de nombreux jardins et dépendances. Une foule de servants et de miliciens assuraient ainsi le bon déroulé des choses tandis que les Devràn, eux, menaient leur vie dans l’imposant bâtiment central.

Ces manoirs n’étaient d’ailleurs pas les seules possessions des nobles. Chaque maisonnée se partageait les niveaux et quartiers inférieurs. Ils se divisaient la ville comme si elles leur appartenaient, c’était ainsi que fonctionait la cité nation. De cette manière qu’elles avaient toujours tourné, les aristocrates aux commandes et la masse de citoyens en dessous. Et ce, depuis des temps bien anciens et pourtant. Vadim Kardoffs à force de tromperie et complots mettait en danger l’équilibre précaire d'Aldius et de ses dirigeants.

Soit par envie destructrice ou par calcul, Lèvius ne pouvait guère le dire pour le moment. Il savait toutefois ce qui attendait les familles déchues et se battait de toutes ses forces pour garder les siens à l'abri. Les gens de la ville les considéraient bien, il fallait que cela dure, car à l’assemblée le contrôle du Baron devenait vacillant.

Quelque chose couvait et Lèvius allait bien découvrir ce qui se tramait dans l’ombre.

Annotations

Vous aimez lire Kost . ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0