Alek - 4.1
Les sept heures venaient tout juste d’être atteintes que la tour d’horloge non loin sonnait ses coups en parfait accord et sans retard. La journée démarrait tout juste et Alek se trouvait déjà proche de son collège.
Amicia avait dû passer la nuit à se remettre de sa « dépense » d’énergie dans les sous-sols des lieux. Les magisters, de par leur métier, étaient amenés à dépasser leurs limites et l’arcanisme n’épargnait pas les pratiquants qui repoussaient toujours plus les frontières de leurs pouvoirs. Les frontières de leurs propres corps.
Les servants de Vilaniùme allaient sûrement sermonner les deux jeunes magister qu’étaient Alek et Amicia. À nouveau, mais l’état dans lequel Amicia s’était mise n’avait pas été vain. Ils avaient pu mettre la main sur un suspect, ou tout du moins une personne pouvait leur faire comprendre le mystère dans lequel les deux magister s’étaient entraînés.
La garde avait dû confier l’homme en question au collège et il allait bientôt connaître les interrogatoires des arcanistes, des moments qui avaient mauvaise réputation dans toute la cité nation. Pas qu'ils soient foncièrement malfaisants car c’était là un moyen de garder les criminelles et autres scélérats des niveaux inférieurs dans le rang. C’était là une manière dissuasive pour maintenir un peu d’ordre dans cette ville qui en manquait.
Dévalant l’escalier d’acier en colimaçon qui opérait une jonction avec la rue, le magister quitta la gare et la navette qui l’avait amené pour s’aventurer dans la grouillante avenue en contrebas. Sa destination n’était qu'à quelques pas et dans ce niveau intermédiaire, la population ne percevait pas les arcanistes comme des curiosités ou anomalies de la nature, ou tout du moins le cachait bien mieux que les habitants des niveaux inférieurs. Ils devaient simplement les considérer en tant que rouage supplémentaire dans l’impressionnant mécanisme qu’était l’Empire. Celui-là même qui les protégeait et maintenait leur petit confort si profitable.
Ce fut au détour de sa rue qu’Alek vit sa destination. Dans la clarté plus que relative du matin, il vit face à lui se dresser fièrement l’ancestral collège de Vilaniùme. Le bâtiment était une austère construction s’étirant tout en hauteur avec des murs lisses et de longues fenêtres.
Franchissant la volée de marches menant à la porte du collège, Alek fut gratifié d’un signe de tête par deux hommes en factions. Ces derniers, habillés de leurs tenues noires à l’insigne du collège, saluèrent l’arrivant en lui ouvrant le passage comme pour ajouter encore plus de respect envers le magister qui s’approchait.
Dépassant les battants en bois rare et plaqué or des portes d’entrée, Alek fit alors son apparition dans la pièce d’accueil du bâtiment. L’endroit, de bonne taille, était composé d’une allée principale délimitée par un tapis et de longues colonnes. De nombreuses personnes, affiliées au collège discutaient çà et là en formant des groupes sur les abords de cette dite allée. Progressant dans cette voie centrale, Alek fut bientôt proche des tables utilisées pour l’accueil et les gratte-papiers juste derrière qui étaient déjà sur le pied de guerre avec leurs livres et autres documents officiels.
Le collège était une institution de grande taille. Outre ses précieux arcanistes, qu’ils soient magister, maîtres d’armes ou simples étudiants. Le collège employait une foule d’auxiliaires qui permettaient au lieu de fonctionner, de vivre. Ainsi, ces hommes et femmes occupaient des places aussi diverses que variées comme en témoignent les rencontres d’Alek. Cela pouvait aller du rôle de garde, de soigneur jusqu’à celui de secrétaire. Nombreux étaient les aides des magister, car leur tâche était en conséquence. Ils étaient clef pour la cité nation, pour la sécurité de celle-ci.
Relevant la tête des tables d’accueil, Alek pouvait voir la série de tableaux qui recouvraient le mur juste au-dessus. Ils étaient tous peints à la main et représentaient les différents Haut-Recteurs qu’avait connus le collège. Des images de couleurs rehaussées par un cadre d’or qui témoignaient de l’histoire longue des lieux et des illustres anciens dirigeants de cette antique institution. Des Haut-Recteur qui surveillaient ainsi toujours leur lointain domaine et employé.
Saluant les ronds-de-cuir face à lui qui relevaient la tête de leur paperasse, Alek s’aventura ensuite sur sa droite pour rejoindre les couloirs adjacents à la salle d’accueil.
Ce bâtiment officiel, ce collège avait bien sûr un aspect imposant et grandiose comme tout organisme au service de Sa Majesté. Mais au-delà de ça, c'était son intérieur antique, presque vieillot, qu’Alek aimait le plus. Les murs impressionnants et lisses de dehors, de l’entrée, avaient fait place au bois laqué et aux décorations diverses allant des sabres de cérémonie aux archaïques armures de décennie bien lointaines et oubliés.
Cet organisme, ce collège de Vilaniùme, était le lieu d’entraînement et de vie des arcanistes qui avaient prêté allégeance au Haut-Recteur. De l’extérieur, ces derniers pouvaient passer pour des mages et illusionnistes entretenant leur image mystérieuse. Mais la réalité était toute autre. Alek comme tous ses pairs après avoir découvert ses pouvoirs, au grand étonnement de ses proches, avait dès lors été cédé aux institutions impériales qui avaient fait de lui ce qu’il était. Collège, qui l’avait éduqué, entraîné lui et les membres de son engeance.
Chaque collège était différent, presque unique et les mystères qui les entouraient n’étaient pas là juste pour impressionner, mais bien pour garder un savoir-faire, des traditions qui se transmettaient de génération en génération.
Ils n’étaient pas de simples citoyens enrôlés, comme la garde, pour faire respecter la vision de l’Empereur à coup de matraque, ni des soldats qui tuaient les ennemis de la patrie sur des champs de bataille bien lointains. Ils étaient des arcanistes. Des hommes et femmes aux pouvoirs surnaturels entraînés à agir face à toute situation et cet allant du combat au suivi d’enquêtes plus obscures les unes que les autres.
Voilà ce qui faisait d’Alek quelqu’un de spécial. Mais tout aussi habile ou puissant qu’il était, il n’avait pas su protéger sa coéquipière. Tout aussi intelligent et préparé qu’il était, il n’avait su progresser dans son investigation comme il l’aurait voulue. Il se torturait ainsi l’esprit depuis le dîner familial et tant qu’il ne reverrait pas Amicia, ces idées sombres continueraient de le tourmenter.
Heureusement pour peu de temps encore.
Après avoir déambulé dans les couloirs du collège, Alek vit un escalier qui descendait. Une sorte de passage obscur et peu engageant qui quittait ce premier étage lumineux pour l’emmener dans les mystérieux sous-sols du bâtiment. Vers les tortueux corridors en coulisse emplie des énigmes de son institution.
Il devela ainsi ces escaliers, le magister fit alors place nette dans sa tête en chassant ses questionnements et son sentiment coupable.
Les longs couloirs du collège dans lesquels avait progressé Alek s'étaient maintenant substitués par des passages plus restreints et toujours plus sombres à chaque allée qui succédait aux marches. L’aspect imposant de l’extérieur et la minutie des décorations des niveaux supérieurs avaient fait place, ici, à une ambiance obscure presque pesante.
Des lampes à pétrole éclairaient bien sûr le chemin de leur halo orangé. Mais ces quelques points de lumière illuminaient de manière bien éparse les voies et surtout les nombreuses portes d’aciers qui les bordaient. Mais les cellules du collège et leurs occupants qui se faisaient entendre du nouvel arrivant n’étaient pas ce qui intéressait Alek, tout du moins pas encore.
Il se dirigeait ainsi toujours plus profondément dans ce qui était à présent bien un complexe tentaculaire. Un espace bien plus grand que le bâtiment qui dominait pourtant en surface. Ces lieux étaient ainsi comme la face cachée d'un iceberg, des parties importantes et pourtant insondables de l’extérieur.
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