Alek - 7.2
Une fusillade avait pris le quartier.
Le secouant de ses détonations qui se trouvaient bien plus effrayantes que les feux d’artifice des enfants. Bien plus meurtrières aussi. Cela empira quand les miliciens investissaient la traîtresse ruelle sous le couvert de leur bouclier d’acier comme des chevaliers bravant la mort qui fauchait le moindre inconscient resté à découvert.
Alek se joignit à l’un de ces groupes.
Il avançait épaule contre épaule tandis que les impacts de balles ébranlaient les plaques tenues par les soldats. Mais bien vite, les agresseurs ne furent pas les seuls à tirer. Les hommes de Braggs répliquèrent avec efficacité. Les longs fusils autour d’Alek libéraient leurs projectiles en choquant son ouïe de leurs puissantes déflagrations.
Le magister qui progressait une main posée sur le milicien devant lui avait attrapé son pistolet. Quand l’individu à sa gauche s’effondra toucher à l’épaule, Alek saisit l’occasion pour faire feu à son tour.
Lorsqu’il se décala hors de la protection des boucliers, il dut se concentrer pour calmer ses tremblements, sa respiration. Son excitation. L’usine Paoli et ses abords étaient défendus par de nombreux combattants et le magister n’eut que l’embarras du choix comme cible.
Il visa et tira.
Une première fois, une seconde fois jusqu’à ce que les munitions de son arme soient épuisées face à l’action erratique de ses doigts. Sous l’empressement de la situation, nulle balle ne trouva d'ennemis et il se concentra alors sur le rechargement de son pistolet.
Son groupe continuait de se rapprocher de l’usine occupée par DeWriss. Ils étaient venus pour le Dükhess ainsi que des réponses. Mais aucun de ces deux objectifs n’allait leur être donné facilement.
Les miliciens progressèrent non sans difficulté face aux tirs nourris des hommes de DeWriss.
Parmi les quelques regards que le magister lançait en arrière, il pouvait voir le capitaine Braggs invectiver ses combattants qui étaient de plus en plus nombreux à ouvrir le feu face à la résistance qui leur était opposée.
Amicia avançait elle aussi avec des soldats.
Elle était appliquée, quittant son groupe pour se mettre à couvert derrière un porche de brique qui fut bien vite la cible des balles.
Alek l’imita.
Il abandonna les miliciens pour bondir derrière une flopée d'escaliers. Un corps jonchait le sol proche de sa position. Rengainant son pistolet, Alek tenta de saisir le fusil du mort. Mais le sifflement des projectiles se transforma en claquements tandis que l’une d’elles frôla l’arme en faisant reculer le magister. Il pesta en invoquant les trois saints alors qu’il secouait instinctivement sa main.
Le cuir de son gant avait été fendu et quelques gourdes rouges perlaient.
À la vue d’un groupe de miliciens qui avançait en captant les balles tel un aimant, Alek essaya à nouveau de récupérer l'arme. Saisissant la crosse, il se carapata à couvert en entraînant cet objet tant convoité avec lui.
Le fusil était pesant, Alek actionna le mécanisme et éjecta la douille vide pour en engager une nouvelle. Il se mit ensuite à genoux sur les dures briques du sol et cala son arme sur le relief des escaliers.
Son cœur n’avait pas cessé de battre la chamade. Reniflant en frottant son nez de son gant, Alek enroula la bandoulière autour de la main qui serrait le corps de bois.
Sa vue sur l’usine était totale. Un haut mur prenait place derrière de nombreuses caisses où se tenaient les hommes de DeWriss. Quelques intrépides ou inconscients s’étaient hissés à couvert cette protection, d’autres encore avaient investi une frêle plateforme d’acier qui prenait appui contre l’édifice et les maisons les plus proches.
Les soldats du capitaine Braggs possédaient une bonne renommée au sein de l’Empire. Mais même ces habiles combattants se trouvaient freinés face à l’impressionnant effort fourni par les défenseurs de Taille-pierre.
Ce fut alors un duel qui voyait s’affronter la discipline de fer des miliciens face à la sauvagerie et courage de leurs adversaires du jour.
Alek tentait de se calmer. De se donner le sentiment de tranquillité malgré le chaos ambiant qui régnait. Les cris, les ordres. Les détonations. Son cœur battait fort, sa respiration était anarchique.
Il soufflait et apaisait son corps.
Il pouvait observer les combattants de DeWriss se relayer derrière leurs protections. Quand il fut enfin dans de meilleures dispositions, Alek choisit sa cible.
Il attendit le bon moment et pressa lentement la détente. Le coup partit en imprimant douloureusement la crosse dans l’épaule du magister.
Le tir avait trouvé sa cible et l'homme, touché, s’écroula à terre une main sur sa blessure.
Actionnant le verrou de son arme, Alek éjecta la douille encore fumante pour répéter l’opération.
La défense même courageuse ne put réprimer la force de l’assaut qui s’abattait sur elle. Les miliciens progressaient. Certes lentement, mais les unités de tête finirent par atteindre les abords de l’usine Paoli. La fusillade fut alors menée à courte distance. Là où les regards et les tirs s’échangeaient entre adversaires.
Alek saisit l’occasion que représentait un nouveau groupe de miliciens qui passait à côté de lui pour se joindre à eux. Il rangea le fusil dans son dos et ressortit son pistolet. Il avançait tête baissée.
Quand il fut enfin proche de l’usine, la palissade branlante qui officiait au rôle de porte s’ouvrit brusquement, laissant les renforts de Taille-pierre investir les nombreuses caisses ou le reste des défenseurs tentait de tenir tête aux hommes de Braggs.
Ce ne fut cependant pas ce premier arrivage de combattants qui stoppa les miliciens. La plateforme au-dessus du mur ne fut pas oubliée et vit l’une de ces pesantes armes automatiques être installée pour commencer sa litanie de morts.
La mitrailleuse faucha les assaillants les plus avancés en un bruit qui glaçait jusqu’au sang. Les hommes de la pègre avaient joué leur atout le plus précieux et il se trouvait être de taille.
Nombreux furent les miliciens à être tués ou blessés et ce fut quand la bande de munitions se tarit que les soldats de Braggs chargèrent.
Leur élan aurait pu être facilement stoppé si l’arme avait été réapprovisionnée, mais ce ne fut pas le cas. Le pilier, porteur de toute la structure, fut comme désolidarisé d’une de ses frêles et vieillissantes attaches au sol. La surface grise se contorsionna alors par endroit et la construction fut secouée tel un navire chavirant dans la tempête. Les faiblesses rompirent la matière en entraînant la plateforme ainsi que ses occupants dans la rue en s’effondrant dans un grand fracas.
L’acier chuta en brisant les caisses et les hommes qui prenaient place juste en dessous en un nuage de poussière.
Alek sourit, Amicia était à l'œuvre.
Durant un court instant, les tirs avaient cessé. Les défenseurs hébétés se relevaient et déposaient les armes face aux miliciens qui les encerclaient, les canons de leurs fusils pointés sur eux.
Il fallait maintenant investir le bâtiment…
Les détonations reprirent lorsque les soldats de Braggs entrèrent dans la cour de l’ancienne usine.
Alek se joignit à l’effort en dépassant le mur d’enceinte. L’aspect abandonné de l’extérieur n’avait rien en commun avec l’espace dans lequel Alek s'engouffra.
Des caisses siglées, prêtes à l’envoi, couraient sur l’aire de stockage. Des automates éteints parsemaient également la cour en mimant d'inertes statuts d’acier. Les nombreux couloirs qui étaient formés par tous ces objets se transformaient en de difficiles chemins ou le combat faisait à nouveau rage.
Les boucliers des soldats ouvraient toujours la voie. Tout était fait pour les ralentir, mais les hommes se rendaient avec plus de facilité qu’à l’extérieur. Surtout quand les voix annonçant la maison Devràn résonnaient ainsi entonnée par les sous-officiers de Braggs.
Les sens en alerte, Alek progressait, entouré des miliciens, dans le véritable labyrinthe qui l’enveloppait. Il fut cependant surpris quand un des combattant de la pègre surgit de sa cachette une lame à la main. Durant un instant, Alek put se concentrer pour arrêter son agresseur dans sa lancée, puissant dans son art d’arcaniste qu’il sentit se réveiller. Ses pouvoirs prenaient possession de son corps, comme en un fourmillement dans ses membres. Il le stoppa net, juste assez longtemps pour que les miliciens autour puissent se saisir de l'individu en le plaquant durement au sol.
La majorité des groupes qui avaient écumé la cour se rejoignirent ensuite face à la porte du bâtiment.
Amicia était là ainsi que Braggs, le sabre au clair.
Ses ordres furent donnés et l'entrée forcée par les hommes qui s’équipèrent d'un pensant bélier d'acier. Les soldats attaquèrent les battants avec agressivité de nombreuses fois. Au crac sonore du bois, la foule de combattants pénétra dans les anciennes chaînes de production.
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