Malden - 6.2

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L’armée impériale avait quitté en entièreté son couvert pour se lancer dans une glorieuse charge. Les hommes couraient, les officiers montraient la route, sabre au clair, suivis par une masse de chenillards.

La réaction adverse ne se fit pas attendre.

Les quelques canons qui avaient survécu au déluge d’aciers se mirent à clairsemer les rangs des assaillants en se trouvant accompagnés par de nombreux tirs de fusils.

Des personnes touchés à la tête s'écroulaient et restaient sur place, figés à jamais au point qu’ils avaient atteint. D’autres, seulement blessés, mêlaient leurs cris aux chants de batailles entonnés par leurs camarades.

Les chenillards suivaient de près les premiers groupes des soldats. Malden voyait les victimes jusque-là isolées chuter à présent par paquets. Un aumônier continuait ses psaumes tandis que tous les hommes étaient tombés autour de lui. Une scène irréaliste perdue dans le chaos de l'assaut

L’ennemi se dissimulait dans un robuste couvert, les unionistes se trouvaient perceptibles par les flashes de leurs armes qui illuminaient leurs positions. Ils harcelaient les impériaux.

Les balles fusaient tout autour de Malden, nombreuses furent celles qui ricochèrent contre les parois du chenillard. Un engin voisin ne fut, lui, pas atteint uniquement par des munitions de petit calibre. Il se vaporisa dans un grand brasier qui coucha les soldats proches. Les obus adverses commençaient leur dîme vengeresse.

Les mitrailleuses autour de Malden le tirèrent de cette vision en tonnant à côté de lui. Elles assourdissaient ses sens de leur bruit vif et continu. Elles répondaient à celle des lignes de l’union avec une cadence similaire à celle d’une machine à coudre.

Un univers inconnu encadrait le jeune officier, encore plus effrayant que celle qu’il avait expérimentée lors de la sauvegarde des défenses de l’Empire. Cette fois, sa section courait à l’avant du danger, chargeait face à la mort qui fauchait en quantité les soldats. Les chenillards n'étaient pas plus protecteurs que le terrain où progressaient les coloniaux. Les blindés attiraient les balles comme des aimants. Une grêle de plomb sifflait tout autour du lieutenant.

Malden n'avait jamais été porté autour des trois cultes de l’Empire. Mais en ce lieu, à cet instant précis, il fut forcé de prier. Il espérait ne pas connaître les obus adverses, ne pas finir comme les hommes des véhicules qui explosaient tout autour de lui. Le tress le gagnait à nouveau.

L’avancée se transforma en une longue apnée pour l'officier.

Son cœur battait vite.

Un tapis de douilles courait sur l’acier du toit, les tireurs se relayaient contre les protections du chenillard en matraquant les positions ennemies. L'effort était constant, un groupe approvisionnait les tireurs. Les fusils, mitrailleuses et autres armes de poing poursuivaient leur litanie de morts. Mais l’adversaire faisait payer cher chaque progrès des impériaux. Les troupes versaient les prix du sang.

Tout se compliqua lorsque des formes sombres et importantes bougèrent autour des défenses. Des automates se joignaient aux fantassins. Cet élan de fraîcheur permit aux unionistes de tenir face aux innombrables projectiles des brigades lancées contre eux.

Malden conscient du danger en voyant les nombreuses armes qui hérissaient ces engins ne perdit pas un instant.

— AUTOMATES ! cria-t-il.

Plusieurs de ses hommes se tournèrent vers lui et relayèrent l'alerte. Une agitation prit le second étage du chenillard en se propageant bien vite dans ses tréfonds d’aciers. D’autres véhicules volèrent en éclats et transformèrent l’effort de la section de Malden en un empressement généralisé.

L’un des transports avoisinants s'était stoppé, il avait maintenant une brèche béante dans son flanc qui laissait échapper du carburant en feu. Une cascade de flammes s’écoulait le long de son versant en formant une mare ardente sur le sol.

— ALLEZ !

Malden haranguait ses hommes. Plusieurs soldats se démènent pour amener depuis les écoutilles de l’engin un long et puissant fusil. Un outil au canon effilé dont les pesantes cartouches ne donnèrent que peu de doute sur leur cible.

Tous ne réagirent pas aussi vite aux ordres de Malden. Certains blessés gémissaient, leur sang rendait le sol glissant. D’autres, de simples jeunots apeurés, étaient recroqueviller en pleurant. Malden ne pouvait leur prêter attention ou les réprimander. Il devait s’assurer de la survie de leur transport. Préserver ses hommes.

— Fixez l’arme !

Trois soldats s’activaient pour déplier le trépied. Les bras rechignaient au début et les combattants durent y mettre toute leur force et concentration malgré la tempête alentour.

— Allez, allez, allez !

Malden s’était porté à leur rencontre en se tenant aux créneaux d'aciers, le terrain n'était pas tendre avec la machine ou l'équipage. Les coups de boutoir se succédaient et l'équilibre était difficile à garder. L’arme qui s'installait enfin dépassait en longueur la plupart des soldats présents.

L'un des hommes de Malden cala la crosse contre son épaule, un autre glissa l’une des cartouches dans la chambre de l’arme.

— Chargé et prêt ! cria le servant.

Malden avait saisi ses jumelles et surveillait les crabes d’aciers qui avaient fait leur apparition sur la ligne de crête que composaient les tranchées.

— Feu sur mon ordre, visez l’automate proche du bunker effondré.

Le lieutenant étudiait sa cible, son canon tirait sans interruption sur les chenillards de la brigade.

— Feu !

L’arme tonna en créant un nuage noirâtre. Le son surpassait jusqu'aux mitrailleuses, mais Malden continuait d’observer l'automate. Il ne se déconcentrait pas. La munition avait filé en un éclair pour pénétrer le blindage en laissant un trou. Il fallait persévérer.

— Feu à volonté sur la cible !

Le tireur répéta alors l’opération, son arme consommait les cartouches avec voracité jusqu'à ce que l’un des projectiles fasse mouche. L'automate prit feu et Malden observait son équipage fuir l’engin.

— Et d’un ! crièrent les soldats de Malden tout heureux de la première marque à leur tableau de chasse.

Ils n'eurent pas le temps de se féliciter plus qu’un obus frappa le blindage du chenillard en étant dévié vers le sol.

— SECONDE CIBLE, SECONDE CIBLE ! s'époumona l’un des hommes présents.

Malden balayait la défense de ses jumelles à la recherche de la machine en question.

Un second tir échoua dans la terre proche éclaboussant de boue l'équipage.

Trouvé… se réjouit Malden en tombant sur l'automate adverse.

— Engins à proximité de la brèche gauche.

Les soldats de Malden réagirent comme d’un seul homme et firent pivoter l'arme.

Un nouveau projectile passa cette fois au-dessus du chenillard, la vitesse du transport protégeait pour l'instant son équipage, mais les calculs des unionistes allaient finir par payer.

— Armée et prêt, fit à nouveau le servant.

— FEU ! FEU !

Les tirs s’abattirent en réponse contre l’automate adverse.

— Visez la partie droite, beugla Colm en s’approchant. Leur réserve de munitions s’y trouve.

Le tireur s'exécute, motivé par un obus qui s’écrasa  juste devant le chenillard.

Les projectiles finirent par percer le blindage du crabe d’acier qui explosa en emportant les tranchées avoisinantes dans une nappe de flammes. Les soldats exultèrent, cette fois accompagnés par Malden qui se laissa sourire.

— Colm continue de guider les tirs et toi, dit Malden en désignant l’un des combattants proches de lui. Dits au reste de l'équipage de se tenir prêt, nous y sommes presque.

Les hommes de Malden s’activaient. Agenouillé sur le toit, le lieutenant Devràn sortit son arme de poing et vérifia les munitions. La brigade Kempfer abordait les tranchées adverses.

Les soldats se cramponnaient à leurs armes quand ce n'était pas aux véhicules. Les tirs continuaient à tonner et ce fut au moment ou le chenillard percuta les premières défenses en un grand fracas que tous cessèrent d’agir pour ne pas tomber.

Les barbelés cédèrent, les sacs de sable et planches volèrent en éclats.

Le chenillard s'échoua dans la première tranchée adverse tandis que le moteur de la machine s'éteignit. Plusieurs de ses homologues le rejoignirent et les bêtes de somme de l'Empire se multiplièrent. Malden, qui attirait tous les regards de ses hommes, se contenta de hocher la tête.

— Maintenant !

Les écoutilles du transport s’ouvrirent en vomissant un flot de combattants, Malden et les soldats du toit sautèrent dans les défenses en s'écrasant dans la boue. Rien que les premiers mètres se transformèrent en une lutte barbare.

Malden courait, tête baissée, pour rallier des gravats proches de son chenillard. Très vite différents groupes se formèrent, les fantassins des colonies se joignirent à leur frère d’armes pour investir les positions de l’union.

Même les dirigeables d’observation qui dominaient les tranchées ne furent pas épargnés. L’un d’eux, touché par un projectile, s’écrasait telle une boule de feu venue des cieux.

Malden, les armes à la main, regarda les nombreux soldats adossés aux ruines qui n’attendaient qu’une réaction de sa part pour se lancer. Malden bondit hors de son couvert et prit la tête d’une des colonnes de combattant qui s'enfonçait dans les lignes. Ces tranchées n'avaient rien de si différent des leurs, elles étaient tristement comparables. À la différence que chaque embranchement menait à une dangereuse rencontre avec ses occupants.

Les fusillades étaient acharnées.

Le lieutenant Devràn s'arrêta net dans sa progression lorsque des tirs arrosèrent sa position. Il tournait la tête pour éviter les copeaux de bois qui volèrent tout autour de lui.

— Grenade ! cria Malden.

Le combattant le plus proche se saisit d’un des nombreux explosifs en forme de poire qui garnissaient son ceinturon et le lança avec force. Une détonation secoua la tranchée en un nuage de poussière face à Malden qui actionnait la détente de son arme de poing.

Il se jeta suivi de ses hommes dans le passage.

Quelques soldats de l'union gisaient morts au sol, mais plusieurs de leurs compagnons sortaient de leur cachette pour accueillir l'ennemi. Cette partie de la défense était plus large, de nombreuses caisses composaient des barricades. Les balles sifflèrent autour de Malden. La première personne à l'avoir succédé s'écroula juste à côté de lui, touché par plusieurs projectiles. Le lieutenant Devràn plongea contre une portion éboulée de la zone d’affrontement. Les tirs déchiraient l'air tout autour de lui en soulevant la terre.

L’ennemi ne déméritait pas. Il s’accrochait bec et ongles à ses défenses.

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