Le plan - 1° partie
Une douleur intense irradiait le bas de son dos. Face contre terre, dans une position inconfortable, José peinait à revenir à lui. Par réflexe, il approcha une main de sa blessure pour la retirer aussitôt. Il tenta de se concentrer sur son environnement, de comprendre ce qui arrivait. Le vent se déchainait au dehors. Le vent… Les cris… Soudain, la mémoire lui revint. La tempête… Les prisonnières… L’agression !
Il tressaillit. Des voix inconnues provenaient de la pièce voisine.
— Ne sortons pas toutes en même temps.
La voix, ferme et claire, fut suivie d’une âpre discussion. Le grincement d’une porte, le vent qui s’engouffrait, le bruissement permanent de la flore environnante l’empêchèrent d’en comprendre le sens.
— Qui, pour d’inspecter les environs ?
Toujours la même voix.
— J’y vais.
La porte grinça.
— Attends. S’il y a vraiment quelqu’un qui nous observe, mieux vaut qu’il te croie encore prisonnière. Mets les mains derrière le dos, comme si elles étaient enchaînées.
— Pourquoi ?
José ressentit la peur dans la voix.
— De la sorte, il ne se méfiera pas. Il croira qu’une de nous est parvenue à se soustraire à la vigilance des leurs, et c’est tout.
Elles s’étaient libérées ! Elles s’étaient toutes libérées ! Et maintenant, elles utilisaient la ruse pour se sauver. Si elles partaient toutes en même temps, rien n’empêcherait le relais de les suivre ou d’appeler les autres.
Plusieurs exclamations sourdes lui parvinrent, puis le silence. Il tenta de remonter le fil des événements. Tout s’était enchainé si rapidement. Les cris qui provenaient de la chambre avaient attiré ses deux acolytes. Il s’était retrouvé seul au milieu de ce cheptel de femmes soumises et inoffensives : un délice. Pourquoi se serait-il inquiété ? Autant continuer à contempler leurs charmes tout en estimant la recette ! Subrepticement, il avait surpris un regard, une expression soudaine, ça l’avait interpellé. Que mijotaient-elles ? La main sur sa lame, prêt à en découdre, il avait tourné le dos au danger. Erreur fatale ! Une douleur aiguë jaillit de son dos. Des coups provenaient de toutes parts. La violence déferlait sur lui sans qu’il puisse lutter. Puis, plus rien. Le vide.
Comment en était-on arrivé là ? Quelque chose lui échappait. Les deux hommes chargés de la captive royale avaient poussé des hurlements. Des cris de souffrance qu’en aucun cas une femme nue et désarmée aurait pu infliger. Que s’était-il donc passé ? Une trahison ?
Il avait lui-même été mis hors d’état de nuire. L’objet qui l’avait blessé avait le tranchant d’un couteau. L’équipe de récupération avait agi avec la plus grande négligence. Quelle bande d’incapables ! Et c’est lui qui en avait pâti…
Mais pas seulement lui. Que restait-il des siens à cette heure ? Étaient-ils tous morts ? Il fallait qu’elles le croient. Ne pas bouger. Ne surtout pas bouger.
— Quelqu’un, j’ai vu quelqu’un !
La voix transpirait de peur. Il écouta avec la plus grande attention. S’il s’agissait de ses compagnons, ils pouvaient encore le sauver. Il maudissait la fureur des vents à chaque mot qu’ils diluaient.
— Comment ça ?
— Combien ?
— Où ?
Les exclamations fusaient, aigües et tremblantes.
— Droit devant, loin. Je crois qu’il surveillait. Il est seul.
— Il t’a vue ?
José reconnut la voix qui donnait les ordres. Ferme et claire, il était persuadé qu’elle appartenait à la princesse. Les problèmes avaient commencé avec elle. Une femme dont il fallait se méfier.
— Oui.
— Comment a-t-il réagi ?
— Il a été surpris, il s’est agité et s’est mis à regarder au loin, derrière lui.
Un silence s’ensuivit. Il retint sa respiration. Il les imaginait apeurées. Qu’allaient-elles décider ?
— Il réagit comme s’il attendait les autres, supputa la princesse.
— Alors, il faut y aller immédiatement !
— Non.
Silence.
— Si les autres ne sont pas loin, reprit-elle, nous sommes perdues.
— Mais ici aussi !
— Non ! Ici nous pouvons nous défendre.
— Et s’ils sont nombreux ?
— Mettons-nous à la place de la sentinelle. Il a aperçu une prisonnière ligotée. Elle était en dehors de la maison, elle y est revenue. Pourquoi ? Il ne sait pas. Il pense lui avoir fait peur.
— Que fait-on alors ?
Silence.
— Écoutez. On lui tend un piège. On renouvelle l’opération. Il va se dire que ses amis sont saouls ou occupés et se verra obligé d’intervenir. Allie contourne la cabane et se sauve en direction de la ville. Pour la rattraper il va passer près d’ici, il me suffira d’une flèche. Il ne pourra plus alerter ses amis et nous pourrons fuir.
Tout à l’écoute, José ne ressentait plus la douleur de sa blessure ni des coups reçus. Comment sauver la sentinelle ? Il s’agit sans doute d’Armand. Il va se précipiter dans le piège. Saura-t-elle viser juste ? Les filles de roi s’entrainent-elles par ici ? Elle semble si sûre d’elle…
Déterminées comme il les percevait, il y passerait s’il tentait quoi que ce soit. La sagesse dictait d’attendre le moment opportun…
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