Chapitre 6
La chevauchée finit d’épuiser Dame Noylen. Ses membres endoloris n’aspiraient qu’au repos, dans sa demeure, au pied de la capitale. Mais le commandant ne lui donna pas cette chance. Lorsque la capitale fut en vue, il fit une pause, donnant ordre à ses hommes de se mettre sur leur trente et un. Seul le Seigneur Auziras ne put que chasser la poussière de son visage et de ses vêtements. Puis le commandant prit la parole :
- Je ne pense pas nécessaire que toute la compagnie vienne voir le Roi. Seigneur Auziras, désignez trois volontaires pour nous accompagner chez nos Majestés. Seigneur Arez, Dame Noylen, venez avec nous.
- Commandant, ma femme est épuisée, permettez qu’elle repose en notre demeure, tenta Arez.
- Seigneur Arez, votre épouse a enfreint la loi en suivant un soldat en mission. Seul le Roi peut juger de sa punition, répondit sévèrement le soldat.
Noylen soupira. Effectivement, l’idée de suivre son amie n’avait pas été sa meilleure idée, loin de là. Compatissant, son époux lui prit la main avant de l’aider à remonter en selle. Puis les sept compagnons partirent vers le palais, alors que le reste de la compagnie rejoignait la caserne. Le castel des Rois d’Olfondor datait de l’Aurore du Monde, construit par le trisaïeul de l’actuel souverain, lorsque Palandar fut choisie comme capitale d’Olfondor. Majestueux, il dominait la ville, sa superficie recouvrant tout le haut de la colline tandis que le bas était enfermé dans de vastes murailles. Son toit bleu-roi reposait sur des murs crèmes, finement taillés autour des fenestres et des balcons. Au dessus flottait l’oriflamme d’Olfondor, fierté des habitants du pays. Ses jardins étaient aussi finement entretenus et les allées constituaient une promenade agréable pour tout résidant du palais. Les cavaliers pénétrèrent dans une cours carrées où des laquais les accueillirent et emmenèrent les destriers prendre un repos bien mérité.
Une damoiselle, vêtue de blanc et pieds nus se présenta à eux pour les mener au Roi qui semblait être au courant de leur arrivée. Ils suivirent l’Elfe à la chevelure de feu dans maints couloirs, et gravirent de nombreux escaliers avant de se trouver devant la salle du trône. La porte s’ouvrit et le Roi sur son trône apparut. Sa chevelure brune parsemée de fils d’argent flottait librement sur ses épaules tandis que sa main gauche jouait négligemment avec son alliance. Son sceptre était tenu fermement par sa dextre. Aramion, Roi d’Olfondor régnait depuis plus de mille ans sur son pays et en mille ans, jamais il n’avait eu à tirer l’épée de son fourreau car sa contrée était en paix. Enfin, le Roi ne comptait pas la rébellion des Elfes Lunards qui avait été rapidement calmé par un brillant lieutenant.
Si Aramion régnait sur les Elfes, la Dame Atadras régnait sur les cœurs. Elle avait les yeux de son mari, gris comme un ciel de pluie mais doux comme le rayon de soleil au dégel du printemps et sa chevelure d’or, ramenée sous un voile, portait avec grâce la couronne des Reines d’Olfondor. Assise, au pied de son époux sur un coussin de pourpre, son joli visage montra de la surprise à la vue de Dame Noylen. Son époux l’avait aussi remarqué, aussi ses premières paroles lui furent adressées.
- La seule femme de l’armée, celle que j’attendais n’est point ici, et mon cœur en est affligé. Qui êtes-vous donc, madame ?
Trop intimidée par la voix puissante de son souverain, elle ne put répondre et fixa ses pieds. Ce fut le Seigneur Auziras qui lui vint en aide, son mari ne sachant pas que répondre au Roi sans provoquer sa colère. S’avançant d’un pas, il salua le souverain.
- Salut à vous, Seigneur Aramion. Dame Noylen, épouse du Seigneur Arez est une grande amie du lieutenant Achéhis, et c’est pour cela qu’elle est ici. Je suis bien conscient que vous auriez dû être le premier informé de ce malheur mais la gente dame s’est précipité en nous voyant et nous n’avons pas eu le cœur à la faire languir. Oui Monseigneur, Dame Achéhis n’est point ici. Me sauvant d’une mort certaine, elle est tombée aux mains des ennemis. Nous ignorons ce qu’elle est devenue.
A ces mots, le Roi s’était levé, et Noylen avait relevé la tête, surprise par l’explication de son compagnon de route. Son émoi n’échappa guère au regard scrutateur de la Reine qui cependant garda le silence, un doux sourire passant furtivement sur ses lèvres roses. Aramion n’y prêta point attention, trop peiné par ce qu’il venait d’entendre. Il interrogea Auziras sur sa mission et les raisons de son silence sans plus accorder la moindre importance à Dame Noylen qui en fut bien soulagée. Droit, l’éclaireur rendait compte de sa mission à son Seigneur comme un élève récite sa leçon à son maître, les mains derrière le dos. Son cœur se serra quand il évoqua sa rencontre avec le lieutenant, prenant garde de ne point parler de la plaisanterie de sa compagne envers son amie Noylen. Son esprit gardait en mémoire le regard franc, le sourire large, le rire frais et les mèches folles d’Achéhis. Cette image lui nouait le ventre ; quel sort lui avait-on réservée ?
Passèrent ensuite le Commandant et Arez. Il fut décider d’envoyer une troupe à la frontière orientale mais quand à envoyer une compagnie au secours du lieutenant, le Seigneur Arez s’y opposa fermement, plaidant que déclencher une guerre pour aller secourir un lieutenant, fut-il le meilleur d’Olfondor, n’en valait pas la peine : qu’aurait-on gagné si la guerre engagée, on se rendait compte que la Dame Achéhis avait déjà été tuée ? Arez sentait le regard courroucé de son épouse posé sur lui tendit qu’il convainquait le Roi et ses supérieurs de l’inutilité de cet acte. A lui aussi, cette décision transperçait son cœur mais ils n’avaient pas le choix. La sécurité du Peuple avant tout.
- C’est ce que le lieutenant aurait souhaité, dit-il en guise de conclusion, quand ses supérieurs se rangèrent de son avis.
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