C'était le plus effroyable des monstres. Il avait les yeux rouges et des gros pattes, il se dépliait et roulait sur lui-même comme un gigantesque crabe. Les cheveux bruns, l'état de ses ongles étaient tout aussi effrayants. Son regard n'était pas dangereux, il semblait seulement vaguement inquiet, comme un chien égaré dans la forêt. Il était vif, il avait une bouche énorme et végétative qui retenait le souffle et sa voix était un grondement mélancolique, un monologue de sourds. L'un de ses pieds, en tout cas, avait l'air de marcher d'un pas régulier. Il passait ses doigts dans sa chevelure, en faisant jouer ses doigts sous les oreilles, pour les faire taire.

D'abord, je pensai qu'il était un aveugle, mais je découvris en fait qu'il était un voyant. Il n'avait pas le sens de la distance, il n'avait pas d'oreille pour écouter, mais il savait quand il était visé.

Au bout d'un moment, il s'approcha de moi et je me sentis légèrement ébranlé par son regard, mais je ne sais pas si c'était l'effroi qu'il m'inspirait ou bien si c'était plutôt ma propre énergie qui était en jeu. Il se pencha vers moi et j'eus la sensation de me transformer en cheveux et de m'envoler en apesanteur, jusqu'à ce que j'atteigne le sol et que j'y reste, tremblant, à quelques centimètres du sol.

Il regarda de nouveau son cœur, son cerveau, ses oreilles. Il ne m'avait pas reconnu. Je n'étais pas le seul à lui échapper.

Et puis il se mit à danser.

Il dansa jusqu'au matin.

Il dansa pendant trois jours.

Il dansa pendant six mois.

Et à la fin, il se mit à danser encore.

Tout ce temps, je dormais à plat ventre.

Un matin, alors que je dormais, il dansa, tout à coup, un dernier tour, le coup de grâce.

Je ne dormis plus pendant deux jours.

C'était la nuit.

Je me réveillai au bord d'une route.

Au bord d'une plage.

Au bord d'une forêt.

Au bord d'un lac.

Et la nuit avait quitté la terre.