1. Première fois
La première fois que je l’ai rencontrée, elle portait une petite robe d’été et un joli sourire sur son visage grave. Elle m’attendait toute droite dans sa silhouette élancée. Je me suis approché, elle m’a légèrement souri sans se dévoiler. Pas plus que moi.
Nous avons déjeuné au soleil dans la rue piétonne juste à la sortie du métro. Comme moi elle semblait réservée quand elle ne connaissait pas. Je voulais la séduire. Elle voulait me charmer. De quoi avons-nous parlé ? De nos goûts, de nos hobbies. Du vin, de musique. Je vivais en couple. Elle ne savait pas si elle pouvait se considérer toujours en couple. Elle avait un léger accent que je n’arrivais pas à définir.
Je la trouvais charmante, j’étais irrésistiblement attiré par ses lèvres. Charnelles. Elle avait les joues qui rosissaient en me parlant, mais elle semblait déterminée et le regard qu’elle posait sur moi était sans équivoque. Ses yeux clairs, son grand sourire, ses pommettes hautes, son nez légèrement épaté et sa peau bronzée, j’avais envie de la croquer. Son visage était imparfait mais il m’émouvait.
Après le café, je lui ai proposé de nous promener ensemble. Elle a accepté aussitôt. Nous avons remonté la rue piétonne. J’ai soudainement pris à gauche sous un porche, pour l’emmener dans un square caché. Une parenthèse dans la ville : une cour d’immeuble aménagée en square par la mairie avec des bacs pour les arbres. Peu en soupçonnaient l’existence… Cela nous convenait.
Nous nous sommes assis sur un banc, le soleil nous chauffait le visage. Il n’y avait pas grand monde malgré la douceur de l’air.
- On peut se tutoyer ? lui demandai-je.
- Bien entendu, dit-elle dans un grand sourire, cette fois.
- J’aime beaucoup quand tu souris en vrai, dis-je.
- Merci, dit-elle, si tu veux, on peut diner ensemble ce soir, tu m’invites au resto et je t’invite à l’hôtel, ça t’irait ?
- Oh… oui, oui, je ne m’attendais pas à cela si rapidement, mais avec grand plaisir, tu me plais aussi beaucoup…
J’étais complétement sous son charme. Elle avait un accent que je ne savais définir. J’adorais cela. J’approchais ma main de son visage et lui caressais la joue. Elle approcha sa bouche incandescente de la mienne et nous nous embrassâmes, nos deux langues se mêlèrent aussitôt. Je ressentis une forte excitation de mes sens. Nos désirs se répondaient. Tout le reste disparut autour de nous.
Ma main se posa presqu’indépendamment de ma volonté sur sa cuisse. Sa cuisse nue. Sous sa jupe. Je sentis sa peau frémir. Nos baisers redoublèrent d’intensité.
Dans un éclair de lucidité, elle se saisit de la veste que j’avais enlevée à cause de la chaleur et posée sur mes genoux. La déposa par-dessus ses jambes. Et ma propre main.
Cette invitation à la découverte de sa peau était si naturelle que je ne ressentais aucune gêne. La chaleur de sa peau frémissante à l’intérieur de ses cuisses… Ma main glissant plus haut, remontant sous sa jupe, elle écartant imperceptiblement les jambes.
Le carré de ciel découpé par les immeubles autour de nous n’était qu’un décor de théâtre dans une pièce où nous jouions pour nous même en ayant oublié la présence des autres, ces spectateurs invisibles et muets de quelque chose qui les dépassait. Pour notre part, nous ne nous sentions pas dépassés, mais transcendés par nos envies, en état d’apesanteur, de transe sans doute. Mon doigt avait glissé sous l’élastique de sa culotte et pénétré dans la chaleur moite et intime de son sexe humide que je caressais. Elle haletait à mon oreille en gémissant de petits oui timides mais encourageant à ma seule adresse. Mon érection était complète mais je n’avais pas le désir qu’elle me touche, son plaisir à elle me ravissait et comblait toute envie, tout autre désir, comme si nous n’étions qu’un seul corps en fusion.
Soudain une nuée de pigeons sortie d’on ne sait où piqua en plongée sur le square et survola nos têtes en nous frôlant comme le font ces balourds volatiles. Elle sursauta comme sortie d’un rêve et j’eus un frisson involontaire. Ce brusque retour à la réalité nous figea et nous rouvrîmes les yeux, semblant découvrir que nous n’étions plus seuls dans ce square. Personne n’était venu sur notre banc, mais tous les autres s’étaient remplis de travailleurs en pause méridienne. Ils étaient à une certaine distance, mais nous sentîmes le poids de leur attention et leurs regards comme une atteinte à notre bulle. Un charme était rompu et sans rien dire nous nous levâmes d’un commun accord pour sortir dans la rue piétonne.
Nous nous embrassâmes et elle me confirma le rendez-vous pour le soir.
« Je t’envoie un texto pour te donner l’adresse de l’hôtel et tu trouves un resto dans le coin
- D’accord, obtempérai-je, en reprenant mon souffle comme si j’avais traversé sous l’eau toute la longueur de la piscine olympique.
Un dernier baiser, je la regardai descendre dans la bouche du métro, en goutant sur mes lèvres le souvenir de sa bouche à elle, et m’éloignant l’air rêveur vers mon bureau. Incapable de travailler cet après-midi-là…
Le soir est arrivé lentement, trop lentement à mon gout.
- J’étais impatiente de te revoir, a dit Mélina, en buvant un verre de rouge pour l’apéro.
Je souris de connivence.
- Ton accent… tu es de quelle origine ?
- Mon père est brésilien, ma mère est française.
- J’adore… ton accent et ta voix.
- En vrai, je m’appelle Mélina.
- Enchanté Mélina !
Elle m’a laissé choisir le rouge avec un petit sourire ironique : « c’est à l’homme. »
- Et que fait la femme ?
- Elle laisse croire à l’homme que c’est lui qui décide tout…
Nous avons mangé rapidement et sans vraiment goûter ce que nous mangions. Nous avions d’autres appétits en tête. Nous buvions goulument et sans presque apprécier. Un rouge de Loire, léger et floral. Nous avons fait mine de humer le premier verre, de faire tourner le liquide pour en admirer la robe et le fumet, j’avais humecté mon palais avec une petite gorgée que j’avais longuement laissé tournoyer pour m’imprégner et fait claquer ma langue à la fin. Mais après j’avais enchainé les verres comme si je buvais de l’eau fraiche. Et Mélina faisait de même.
Elle a murmuré : "j’aime beaucoup quand tu fais claquer ta langue, ça me donne des envies."
J’ai ouvert la bouche sans rien répondre et mon visage s’est empourpré, mais comme j’avais déjà chaud avec l’alcool ça ne se vit pas. Au lieu de parler, j’ai passé ma main sous la table pour la glisser entre ses cuisses, sous la serviette blanche et l’étoffe de sa jupe.
Elle a respiré fort en disant : "j’ai chaud au visage, on sort se rafraichir ?
On a fumé une cigarette sur le trottoir devant la vitrine du restaurant, avalant avidement la fumée comme si la fin du monde arrivait.
- Je n’ai pas faim de dessert », ai-je dit en la fixant du regard
- Tu as faim de moi… Moi aussi, allons-y » a-t-elle confirmé.
Nous avons marché dix minutes depuis le bas de la rue Monge en remontant le boulevard des gobelins. Elle en jupette sur son vélo, moi suivant à pied le dandinement de ses fesses devant mes yeux, tout sourire. Se retournant pour m’observer, elle se jouait de mon regard dardé sur son cul. Elle a tourné à droite dans la rue Croulebarbe sans ralentir. Cette promenade impromptue était très agréable.
Elle a accroché son vélo le long d’un grand mur et nous sommes rentrés dans l’hôtel. La chambre donnait au Rez de chaussée et s’ouvrait sur un jardin clos privé. Face à la porte-fenêtre nous attendait un banc dans la pénombre. Plus loin à droite les lumières de la salle à mange diffusaient une clarté diffuse sur la pelouse. A cette heure le jardin nous appartenait. Les étoiles veillaient sur nous dans cette nuit d’été. Nous nous sommes contentés du banc pour fumer et boire un dernier verre. Elle avait pris le temps de déposer une bouteille de pétillant naturel dans le mini bar avant de venir au resto.
Je l’ai regardé inhaler sa dernière bouffée tête vers les étoiles et me suis assis par terre à ses pieds. Posé ma tête sur ses cuisses. Et ma bouche a commencé à picorer sa peau. Son corps était entièrement détendu, elle a étiré ses bras derrière elle comme une chatte et ses jambes se sont naturellement écartées pour faire de la place à mon visage. Mes lèvres ont embrassé le velouté de sa culotte blanche. J’ai senti la sensation d’humide contre mon visage comme le sel des embruns lors d’une sortie en mer.
Un bruit de volet a claqué au-dessus de nous, et nous avons sursauté. Elle s’est levée d’un coup et m’a tendu la main pour que je la suive à l’intérieur de la chambre.
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