Douce nuit.

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Minuit sonne, seule le clic clac de l’horloge au-dessus de la cheminée l’indique, sans pour autant sonner les douze coups. La lune est pleine et brillante. Sans le feu dans l’âtre, elle pourrait illuminer le salon à elle seule, malgré par moment, des nuages noirs venant l’envelopper. Les flammes dansantes dans le foyer m'hypnotisent, prenant en otage ma conscience. Le temps, en pleine nuit, paraît une éternité, lente et douce, pourtant, ce sont les instants que j’affectionne particulièrement. Ils sont là, silencieux, nous enveloppant d’une peur certaine en nous troublant la vue, laissant seule notre imagination jouer son rôle. Oui, la nuit à tous ses mystères que le jour ne pourrait dévoiler.

Minuit et cinq minutes, sonnant régulièrement au clic clac de cette horloge. Je m’approche de la fenêtre. Pratiquement aussi grande que le mur de l’appartement, elle offre une vue plongeant sur la rue parisienne qui côtoie le bâtiment haussmannien. Longue et large, elle demeure pourtant sombre, éclairée d’un seul et unique lampadaire se trouvant face à ma fenêtre. Seul éclat lumineux qui permet de laisser un tant soit peu notre imaginaire au placard. Pas un chat est de sortie ce soir, le silence lourd encombre les environs. Cette nuit me semble pourtant plus légère que les autres, malgré le manque des bruits nocturnes qui nous incite à réveiller nos peurs les plus profondes. Je ferme une seconde mes yeux, prends une respiration… Oui, cette nuit est belle et sonne un nouveau départ, je le sais, je le sens.

Minuit et dix minutes, clic, clac. Une régularité que seule une horloge possède. Une porte se referme, laissant glisser dans le silence un bruit métallique de charnières mal huilé. Le silence redevient calme quelques instants avant qu’une marche d’un bois ancestral ne vienne grincer sous un poids. Grincement qui se fait successivement entendre selon les marches. Le silence, de nouveau, celui-ci devenant plus long, plus tendre. Pas un seul son de clé dans une serrure, pas un seul son de porte qui s’ouvre, ni de parquet qui couine sous les premiers pas qui l’assiège. Non, la présence est là, silencieuse dans l’obscurité du bâtiment. On tape par deux fois à ma porte. Je tourne la tête dans sa direction, restant près de ma fenêtre. Une erreur peut-être ? Trois autres coups viennent rompre de nouveau le silence nocturne. Non, cette fois-ci, ce n’est pas une erreur. Resserrant la bande de tissu qui sert de ceinture à mon kimono, je m’avance doucement jusqu'à l'entrée. Pas la peine de regarder par le judas, mon inquiétude me sermonne assez dans ma tête pour être certaine de savoir qui se trouve derrière cette porte. Je tourne le verrou, puis la clé afin de libérer toutes les entraves qui retiennent cette porte fermée. Une fois ouverte, c’est une silhouette large qui se présente dans l’embrasure. Une main tenant une petite lanterne se relève jusqu’au visage masculin aux traits fatigués. Cet homme a toujours eu une tendance pour l’atypisme.

Il était l’heure du verdict. Je lui fis place en ouvrant un peu plus largement la porte afin de le laisser entrer dans mon logis. Je ne pouvais cacher l’angoisse qui me nouait l’estomac, sa venue pouvait annoncer le pire comme le meilleur. Pas la peine de lui montrer où s’installer, ses lieux, il les connaissait aussi bien que moi. Une fois qu’il s’installa sur l’un des sièges et éteignit sa lanterne de poche, j’attendais, planté là devant lui, les bras croisés, nerveuse. Il releva le regard sur moi, et de mon air aussi impatient que terrorisé, il m’offrit son plus pitoyable sourire. Soupirant, je me retournais pour aller sur le petit plateau-table qui me servait de bar. Je pris une bouteille de cognac et me servit un verre. Il était hors de question que je le fasse boire quoi que ce soit sans réponse convenable. Prélevant une gorgée de ce liquide puissant, je lui lâchais.

  • Bon, où en est-on ?

Il ne me répondit pas tout de suite, préférant prendre un temps pour enlever ses gants puis prendre le sac de cuir qu’il portait à l’épaule. Doucement… Tellement doucement, il en sortit trois objets. Mon cœur cessa un instant de battre, mes mains se crispant sur le verre, mes yeux détaillant le moindre de ses mouvements. Il déplia le tissu qui recouvrait l’un des objets et en dévoila un petit lingot d’or. Mon cœur se mit à battre une fois. Du deuxième objet, il sortit une photographie d’une enveloppe marron. Mon cœur se mit à battre une seconde fois. L’adrénaline commençait à battre dans mes tempes un rythme effréné. Le troisième objet, il me le tendit. Un instant, je le regardais, sans bouger, détaillant son visage et l’objet qu’il me tendait à tour de rôle. Je posais mon verre, puis pris l’objet qui se révéla être une alliance. L’intérieur était gravé d’une date “21 juin 2018” et d’un prénom “Anne”. Mes lèvres s'étiraient en un sourire de satisfaction, l’angoisse qui nouait mon estomac s’estompa et une libération totale envahit mon corps entier. Je me risquais alors à lui demander, simplement pour combler ma curiosité.

  • Ce fut long ?

D’un geste il la comblait, secouant négativement la tête. Je posais alors mon ultime question.

  • Et elle ?

Cette fois-ci, il me répondit de sa voix grave et basse.

  • Elle lira la nouvelle demain dans les journaux. Un bien beau cadeau de mariage.

La phrase me fit ouvertement rire. Je ne pouvais lui offrir de meilleurs cadeaux de mariage que la mort de son futur mari.

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