Laure avait parfaitement conscience d’avoir la folie de lutter contre le bon sens. La détermination d’aller jusqu’au bout de ses idées l’habitait. Elle songea à faire demi-tour mais elle était possédée par l’envie de se détacher du commun des mortels, de ces jeunes Thibaults qui n’ont pas la curiosité d’expérimenter leurs limites. Elle imaginait mal son amie Claire s’être ainsi aventurée dans un égout après une mise en scène si lugubre. L’égout était propre et semblait ne véhiculer aucun déchet censé terminer dans un égout ce qui était plutôt rassurant. Les couloirs parcourus de conduites et gaines diverses impressionnaient par leur longueur et Laure les explora avec assurance jusqu’à déboucher enfin sur la petite fête. Celle-ci se tenait sur un hall de caillebotis, légèrement aménagé en contrebas, dans lequel plusieurs dizaines de personnes mangeaient, riaient, et s’adonnaient à des pratiques orgiaques sans retenue. Elle descendit sur les caillebotis et s’approcha d’un groupe de personnes prélassées sur un tapis, orné de quelques peaux.

« Bonjour…, lança-t-elle

_ Enlève tes fringues la nouvelle, viens nous rejoindre, s’exclama une femme de dos sur un ton grave. »

Cette femme remuait, empalée par l’arrière sur une épaisse branche d’arbre qui tenait presque du rondin de bois. Elle se cambrait vers l’arrière, basculant sa tête à l’envers de sorte à faire face à Laure.

Laure n’était pas venu jusqu’ici pour se défiler, et bien qu’elle n’eut pas l’habitude de se dévoiler d’un coup devant autant de monde, elle s’exécuta et pris l’initiative de s’allonger avec les autres. Elle s’approcha de la femme qui lui avait, à sa façon, souhaité la bienvenue. Laure s’allongea sur un homme assis nu, à terre, observant de face le spectacle forestier se tenant devant lui, tout en sirotant un thé. Laure posa son séant sur ses jambes en tailleur, en prenant garde de ne pas renverser sa boisson et termina d’allonger son buste sur une autre jeune femme assise à côté. Cette dernière retira sa main de l’entrejambe du monsieur calme pour explorer celui de Laure. Avant de s’abandonner au savoir-faire de ces inconnus, Laure ne put s’empêcher de remarquer que celle qui prenait du plaisir avec une branche était équipée d’un pénis fendu dans le sens de la longueur. Ses va-et-vient tremblotant faisait claqueter son sexe tel deux tentacules jumeaux et autonomes. Le spectacle n’était pas tout à fait du goût de Laure. Si elle avait été parfaitement honnête avec elle-même, elle l’aurait probablement qualifié de sordide, mais qui était-elle pour juger ce qui était beau ? Alors qu’elle prenait sur elle pour ne pas fuir en courant, l’homme parcourait ses orteils avec sa langue tandis que la jeune femme sentait ses aisselles. « Tu sens bon » lui dit-elle en goûtant sa sueur. C’est alors qu’à bout de souffle, et peut être aussi de douleur, l’amie des arbres s’exclama « un peu de lait dans ton thé Sam ? » avant de laisser le poulpe cracher ses embruns au gré des vents et déclenchant l’hilarité générale. Pas celle de Laure en tout cas qui était exposée et fut aspergée en de suffisamment nombreux endroits pour qu’elle ne fût pas sûre, après s’être levée, d’avoir tout essuyé. Octopus, c’est ainsi qu’on la nommait, ayant terminé son affaire, se leva également laissant son écorce ensanglantée au sol. Elle passa son bras autour du cou de Laure, l’invitant de ce fait à marcher un peu avec elle…