Chapitre 11 (Lucie)
Lucie
Je suis morte. Une photo de moi avec Julien a été publiée. Au moment où elle a été prise, je suis en train de le repousser mais on a l’impression que j’agrippe son tee-shirt et que c’est moi qui l’embrasse. En plus, il avait déjà une petite amie. Lorsque je rentre dans le lycée, je baisse la tête et frôle les murs. J’ai appris ça ce matin en allumant mon téléphone alors que je partais pour le lycée. Leïa, que j’avais tenté d’éviter durant toutes les vacances m’avait envoyé un message pour me prévenir.
Toute la journée, j’attends l’explosion, le moment où tout me reviendra à la figure. Je sens des regards peser sur moi. Ma poitrine est comprimée, je n’arrive plus à respirer. A chaque inspiration, une pression sur mon diaphragme m’empêche de continuer et je souffle un air que je n’ai même pas. Je me cache derrière mes cheveux et tente d’ignorer les quelques insultes qui parviennent à mes oreilles. En cours, je garde le nez plonger dans mes notes, je ne lève pas le doigt et ne parle que quand je ne peux strictement rien faire d’autre. A midi, ma gorge se serre quand j’entre dans le self. Mes oreilles sifflent et mes joues me brûlent. Des frissons me parcourent toute l’après-midi. Pourtant, il n’y a pas plus de remarques. J’ai de la chance, on a dû faire plus attention à Julien qu’à moi.
- Alors les jeunes, vous avez passé de bonnes vacances ?
Thomas, comme à son habitude, grogne. Depuis que je suis arrivée -soit cinq petites minutes- il ne m’a pas adressé une seule fois la parole. Bon, pourquoi le ferait-il me direz-vous. Bein, parce qu’avec la photo sur moi qui circule en ce moment, c’est l’occasion rêvée pour me critiquer, me rabaisser et me foutre la honte : ses passe-temps favoris.
- Il n’y avait pas grand monde cette année non plus à notre merveilleuse fête de Noël. Enfin, vous n’aviez pas eu longtemps pour tout préparer alors ce n’est pas grave. Mais… je souhaiterais que les choses s’améliorent pour votre vie étudiante à vous tous donc je serais enchanté que vous deux vous fabriquiez de succulents desserts, gâteaux et biscuits à vendre afin de récupérer le plus d’argent pour des voyages lors de la vente de mi-janvier.
J’ai tellement cru que sa phrase ne s’arrêterait jamais que je ne suis pas sûre d’avoir compris ce qu’il voulait. Cependant, le temps de ré oxygéner mon cerveau et il était déjà parti. Devant mon visage ahuri, Thomas me parle pour la première fois depuis chez Binn’s.
- Pour lui, toutes les occasions sont bonnes pour « nouer des liens entre parents, élèves et professeurs ». Quitte à vendre des petits cookies lors de la Chandeleur.
- Qu’est-ce que tu as contre les cookies ? C’est délicieux les cookies !
Je vois son coin de lèvre se soulever et je me retrouve partagée entre deux sentiments : d’un côté, qu’est-ce qui me prend de parler comme ça ! D’habitude je ne suis pas si expressive. Et d’un autre, je l’ai fait sourire ? Moi ?
- Je n’ai rien contre les cookies. Par contre, j’avoue, les cookies pendant la Chandeleur, jour des crêpes, j’ai du mal.
- Bah ça tombe bien, la Chandeleur c’est en février !
- Oui mais bon, ce n'est pas très loin non plus…
- On n'aura qu’à faire les deux.
- On ?
Tout à coup, je ne suis plus sûre de rien. Pourquoi voudrait-il faire de la pâtisserie avec moi ? Après tout, je suis non seulement une petite seconde sans rien d’intéressant, mais en plus une trainée aux yeux de la société lycéenne.
- Non, laisse tomber.
***
Lorsque j’arrive enfin chez moi, je ne peux retenir mes larmes. Je m’effondre sur moi-même. La journée a été éprouvante. Même si j’aurai cru que ç’aurait été bien pire, le stress que j’ai accumulé tout le long de la journée m’a fatiguée. J’ai besoin de parler à quelqu’un. Mais évidemment, il est hors de question que je dise à mes parents que j’étais à une fête privée à Noël. On toque à ma porte, je sais déjà que c’est Leïa. Je me souviens bien de ce que m’a dit son amie mais j’ai besoin de quelqu’un auprès de moi, là, tout de suite.
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