Lui
Elle le regarde droit dans les yeux.
Les siens sont sombres et pénétrants. Ça semble une évidence pour elle : Le pendule, cette pointe de pierre noire, va lui dire que nous sommes effectivement jeudi. Il est septique, il n'y croit pas mais pour son reportage et pour cette jeune femme visiblement convaincue, il se concentre.
Il attend, encore. Rien ne se passe. Il rouvre les yeux. Elle le regarde.
Le pendule effectue de légers mouvements en diagonales.
Sûrement dus à ses tremblements, se dit Yvan.
Elle se lève en disant :
- Visiblement, la labradorite ne suffit pas.
Elle passe derrière lui et continue.
- Nous allons faire un exercice de relaxation. Je vais mettre mes mains sur vos épaules : elle joint les actes à la parole. Je vais appuyer sur vos épaules, à ce moment il faudra inspirer. Puis je vais ensuite glisser mes mains vers vos bras. Il faudra expirer. Vous avez compris ? dit-elle joyeusement.
- Je pense oui, répond-il avec sarcasme.
Elle commence.
- Inspirez.
Il obéit.
- Expirez.
Ses mains descendent, une mèche de cheveux tombe dans sa nuque et lui provoque un frisson. Il sourit.
Elle remonte ses mains sur ses épaules.
- Maintenant on recommence, dit-elle doucement en restant dans son dos, les mains toujours sur ses épaules.
Il reprend la petite chaîne.
- Repensez à notre question.
Il s’exécute.
La pierre se met en mouvement. D’abord comme la fois précédente en diagonales mais elle continue. Le pendule fait de petits cercles ensuite des ronds bien francs dans le sens des aiguilles d’une montre. Il pose la pierre, plus brutallement qu'il ne l'aurait voulu.
- J’aimerai tester sur une autre question, lance-t-il intrigué.
- Bien-sûr.
Elle revient à sa place en laissant ses mains glisser sur le haut de son dos.
Comme s'il venait d’ouvrir les yeux, il la regarde en détail. Elle porte une robe vert foncé, simple, longue avec une ouverture sur une de ses jambe. Elle a une trentaine d’années et ses cheveux long et brun tombent en cascade dans son dos. Elle se rassoie face à lui.
- Testons un « non ». Y croyez-vous, par exemple ? dit-elle, sur le ton de la provocation.
Yvan laisse un rictus échapper. Il reprend la chaînette et se remet en place.
La pierre recommence à tourner et donne une nouvelle fois raison à la jeune sorcière. Il tourne d’abord doucement puis plus distinctement dans le sens anti-horaire.
Yvan prend une grande respiration.
- C’est troublant, je l’avoue. Mais je persiste à croire que ce n’est qu’un hasard. Il réagit à mes tremblements et la chaîne à laquelle il est suspendu le fait tourner dans un sens ou dans l’autre. Mais je n’y voit pas un objet pouvant donner une réponse.
Elle le regarde, dans les yeux encore une fois, elle ne réagit pas pour le moment.
- Testons autre chose alors.
Elle se lève et part vers le petit bureau de bois, tout en continuant :
- Mais d’abord, je vais essayer de vous connaître un peu mieux.
- Les fameuses questions desquelles découlent toutes les réponses de voyance, dit-il de façon moqueuse.
Elle se retourne, un sourire narquois sur le visage.
- Je me fiche de vos paroles.
Yvan, surpris, s’interroge : d'abord, son comportement à changé et ensuite, les différents mediums, voyants ou marabouts qu’il a pu voir avant elle portent une grande importance aux questions/réponses ceux à quoi il s’attendait avant d’entamer son reportage.
Elle revient à la table avec un gros carnet à la couverture en cuir noir. Elle se rassoie et ouvre celui-ci à une page précise à l’aide d’un des nombreux marqueur.
A l’intérieur, les pages couleur crème sont recouvertes de schémas et d’écritures dans un alphabet qu’il ne reconnaît pas. La sorcière parcourt le papier du bout des doigts, suivant les lignes une à une, dans le silence.
- Qu’est-ce que c’est ?
- Mes notes, répond-elle encore plongée dans la lecture. Donnez-moi votre main s’il-vous-plaît.
Voyant maintenant ce qu’elle veut faire, il demande avec arrogance :
- La dominante j’imagine.
- Peu m’importe, répond-elle sans plus de réaction.
Il s’exécute sans broncher en donnant sa main droite. Il tente de se plonger dans l’expérience, malgré la myriade de questions qui lui trottent dans la tête.
Elle saisit sa main avec douceur, ce qui étonne Yvan, aux vues des airs presque sardoniques qu’elle montre depuis peu.
Du bout de l’index, elle parcourt les sillons et différentes lignes de sa paume.
- Votre paume est jaune, vous êtes anxieux ? Je ne vais pas vous la couper, ne vous inquiétez pas.
Il ne répond pas. Elle continue. Elle saisit ses doigts dans sa main et fait quelques flexions et extensions. Elle consulte son carnet et fait une moue et un rire léger lui échappe.
Yvan fronce les sourcils mais ne dit toujours rien.
Elle prend ensuite son pouce et tente de le fléchir vers l’arrière. Cette fois, elle n’a pas de réaction.
Elle continue la danse de ses doigts sur sa paume. Elle trace d’abord des ronds suivant le contour. Elle s’arrête ensuite sur une des bosses de sa paume, qu’elle pince légèrement puis une autre. Elle jette des coups d’œil à son carnet de temps à autre.
Cette scène dure encore quelques minutes avant qu’elle referme son carnet et se lève tout en prenant sa tasse de thé : sûrement pour la remplir de nouveau.
Yvanne dit rien, il attend sagement le verdict.
- Que voulez-vous essayer ? dit-elle comme si rien ne s’était passé.
- Vous ne me parlez pas de ce que vous avez constaté ?
- Ca vous intéresse ?
- J’aimerai bien savoir ce que ma main vous a révélé, oui.
- Je ne suis pas sûre que vous le voulez. Vous avez dit tout à l’heure : Troublant mais c’est un hasard. Et maintenant que j’en sais plus sur vous, je pense que vous n’y croirez pas. On peut tester autre chose, pour votre reportage, pour pouvoir comparer les différentes pratiques. Ça ne me pose pas de problème.
- Je n’y crois pas c’est vrai. Avant ce reportage, je vous prenais tous pour des arnaqueurs et baratineurs. Et vos confères que j’ai vu avant vous : certains m’ont paru fiable et d’autres moins.
- Qu’entendez-vous par fiable ? dit-elle, sur l’offensive, appuyée sur son comptoir près de la bouilloire.
- Que leur volonté est honnête, ils veulent aider les gens, les guider. C’est ce que j’ai ressenti en vous rencontrant, vous n’avez pas essayer de me sortir tout un arsenal de phrase bateau pour m’embobiner, vous avez tenté de me comprendre et de vous faire comprendre.
Il tente de déchiffrer son expression mais il n’y parvient pas. Il aimerait se rattraper, la rattraper. Tout son environnement lui pose tellement d’interrogation et il sait que s’il ne fait pas d’effort, elle ne fera aucun effort. Elle l'interresse.
- Je vois bien que mon comportement hostile vous a contrarié. Repartons sur de bonnes bases. Je suis sûr que vous pouvez me convaincre, parce que vous même vous y croyez fortement.
- Les autres ne vous ont pourtant pas convaincu, déclare-t-elle simplement tout en se servant du thé.
- J’ai un ressenti différent avec vous.
Elle se retourne vers lui et le regarde une nouvelle fois dans les yeux. Comme pour sonder son esprit et savoir la vrai réponse.
- J’ai l’impression en tout cas.
Elle lève la tête et regarde vers les lucarnes : seules sources de lumière extérieur de la pièce, situées au-dessus de la table où il est installé.
- Comment puis-je vous convaincre ? Donnez-moi une piste.
Son expression optimiste de tout à l'heure revient peu à peu, il le sent.
- Vous avez lu des choses dans ma main, vous n’avez pas d’infos sur moi autrement et vous ne m’avez pas posez de question. Selon les informations, ça peut m’épater.
- Vous épater, dit-elle dans un rire en venant s’asseoir.
Elle rouvre son carnet.
- Votre mont de lune est très bas ce qui veut dire que vous préférez la structure et la routine.
Celui de pluton cependant est très haut : vous avez eu un gros changement de vie. Je dirai une rupture, car votre mont de venus est bas donc vous ne tombez pas facilement amoureux mais vous aimez passionnément.
En plus de ça votre ligne de cœur remonte vers le majeur donc vous avez eu une peine de cœur mais cela peut concerner d’autres domaines que l’amour car votre travail prend une très grande place dans votre vie. Je le vois à votre ligne de vie, elle est profonde et à votre mont de jupiter qui est très bas lui aussi.
Votre ligne de tête est toute droite et légèrement inclinée vers le bas : vous avez une pensée logique, et vous aimez la rigueur ce qui fait de vous quelqu’un de confiance, mais aussi que dans notre cas, que vous avez du mal à croire au monde spirituel. Ça nous confirme le mont de lune : la structure.
Oh et votre ligne du destin est entrecoupée par de nombreuses autres lignes, vous avez ou aurez à vivre des changements et vous n’avez pas beaucoup de fourches donc pas beaucoup d’options associées à ces changement.
Elle porte sa tasse à ses lèvres et boit une gorgée de son thé fumant.
Annotations
Versions