Une semaine après leur dernière entrevue, Yvan revient rendre visite à Esmé. Il entre dans la boutique, sa mère n'est pas au comptoir. Il s'apprête à descendre mais une paire de chaussures est déjà au pied de l'escalier.

Ayant vu le bouton de la lampe la première fois qu'il est venu, il le cherche puis appuie dessus. Une latence puis du bruit dans l'escalier. Esmé arrive toute souriante en l'apercevant.

- Hey, lance t-elle, radieuse.

Elle s'approche et lui fait la bise. Yvan est surpris mais s'adapte, il passe la main dans son dos et répond.

- Tu es occupée ?

- Oui, je suis avec une cliente, mais j'en ai pour quinze minutes encore et j'aurai fini je pense, tu as le temps d'attendre, demande t-elle inquiète.

- Bien sûr.

- Tu peux t'installer dans la petite pièce là-bas, s'empresse t-elle.

Elle le guide jusqu'à une porte, à côté de celle de la petite pièce d'eau. Elle l'ouvre et une salle de pause apparaît. Une table, deux chaises et un frigidaire sur lequel repose une machine à café.

- Fais comme chez toi, il y a de l'eau dans la salle de bain et appelle-moi si tu as besoin de quoique ce soit.

- Ne t'inquiète pas, ça va aller, dit-il en lui pressant l'épaule.

Elle repart en trottinant.

Pendant ce temps, il observe la pièce. Une dizaines de livres reposent sur une petite étagère. Il en saisit un sur les bouteilles de sort et en commence la lecture. Il en sort, réveillé par des bruits dans la boutique. Il range le livre, plus captivant qu'il ne l'aurais cru, et sort de la pièce. Une dame d'une cinquantaine d'années sort de la boutique, accompagnée par Esmé. Celles-ci se remercient mutuellement puis la femme sort enfin.

Esmé se retourne raidement, faisant voleter le voilage de son ample robe rouge-orangée.

- Que puis-je faire pour...toi, lance t-elle joyeusement.

Son hésitation fait sourire Yvan.

- En fait je m'ennuyais de toi, tente t-il, attendant impatiemment sa réponse.

Elle sourit, les joues roses, mais lève les yeux au ciel. Elle pense probablement que c'est une blague.

Elle s'avance vers lui, passe devant et se dirige vers l'escalier.

- Viens.

Yvan hume le parfum de noix de coco qui suit ses mouvements puis s'exécute. Il se déchausse et descend.

Elle l'invite à s'asseoir et elle part vers ses étagères fournies.

- As-tu senti du changement dans ton état après la méditation ? demande t-elle.

Il lui relate ses ressentis des derniers jours, très positifs, l'esprit tranquille. Pendant ce temps, elle revient à la table avec une petite boîte en bois.

- C'est sans doute grâce à toi, finit-il.

À l'intérieur de sa boîte, des petites pièces, elles-aussi en bois, avec des signes gravés dessus. "Des runes" le reprend-elle, avant de lui expliquer ce qu'ils vont faire.

- Je me suis entraînée, dit-elle fièrement.

- Ce n'était pas nécessaire, j'en suis sûr.

- Je ne voudrais pas que... tu me prenne pour une amatrice.

Il sourit sans vraiment répondre. Il l'observe, elle s'affaire, ouvre son carnet et dispose les runes. Elle ne se doute pas de tout ce qu'elle fait ressentir à Yvan. Elle finit son installation, prend une grande inspiration, pose son menton sur ses mains jointes puis le regarde, les yeux pétillant.

- Je suis prête !

Il met un temps avant de se reprendre.

- Allons-y alors.

Il comprend que si il veut quelque chose, il doit être plus clair. Il réalise ce qu'elle lui a expliquer tout à l'heure, il pioche des pièces pensant à sa vie, son avenir, son passé, et cetera. Il lui donne dans la main chaque pièce qu'elle dispose ensuite selon un schéma griffonné sur son livre. Elle est très concentrée, mais pas lui.

Une fois le schéma des quinze runes terminé, elle sourie.

- C'est amusant, à chaque fois que nous faisons de la divination, les résultats tournent beaucoup autour de l'amour, des relations humaines. Vous avez beaucoup de mal à faire confiance,vous aimez beaucoup voire même pationnément quand c'est le cas. C'est beau, dit-elle en souriant.

Elle lui fait la retranscription littérale exacte de son tirage. Une fois fini, elle range les pièces.

- Vous êtes bien calme aujourd'hui, dit-elle tout en rangeant la table.

Il rit, elle le vouvoie de nouveau. Elle se lève pour remettre la boîte à sa place.

- Le résultat du tirage ne te plaît pas ? s'inquiète t-elle.

- Non non, c'est juste que je n'étais pas venu pour ça, mais je tente d'intégrer tout ce que tu m'as dit.

Elle se retourne vers lui mais reste appuyée contre son étagère.

- Oh ! Pourquoi tu ne m'as pas arrêté dans ce cas ? rit-elle.

- J'aime ton entrain, confie t-il doucement tout en la regardant.

Elle rougit de nouveau, baisse le regard vers le sol. Il se lève et vient vers elle.

- En fait, je voulais t'inviter à dîner.

Elle rit nerveusement.

- Tu aimes que je te renverse de la nourriture sur les vêtements ?

- On a qu'à dire ça, répond-il en riant lui aussi nerveusement.

Elle regarde vers les lucarnes.

- Cette fois, nous aurons un peu plus de choix dans l'adresse.

- Oh, je voulais t'inviter chez moi. Pour être plus tranquilles. Je ne voudrais pas t'embêter avec des fans ou des détracteurs à nouveau.

Elle fronce les sourcils.

- C'est que c'est un peu loin chez toi. Je n'ai plus de voiture.

- C'est pas un soucis, je nous emmène et je te ramènerai.

- Tu es sûr que ça ne te dérange pas ? demande t-elle doucement.

- Oui sûr, dit-il en lui attrapant la main.

Elle rougie.

- Il faut que je passe chez moi, pour me changer, et prendre quelques affaires.

Quelques minutes plus tard, Yvan l'attend au bas de sa résidence. Elle en sort, habillée d'un élégant corset noir assorti d'une jupe mi-longue bleu canard et chaussée d'escarpins noir brillant.

- C'est une soirée tranquille chez moi, tu le sais ? rigole Yvan.

- Je ne sors pas souvent et j'aime m'habiller, c'est l'occasion. Ça ne te plaît pas ?

- Tu es magnifique.

Elle monte et ils se mettent en route.

Sur la route, ils discutent de pleins de choses, de sa célébrité et surtout des mauvais côtés : les fans et le manque d'intimité, l'impudeur des gens face à quelqu'un de connu, les détracteurs qui osent dire en face ce qu'ils pensent. Les menaces, les photos, et cetera.

Puis ils arrivent à la maison d'Yvan.