Travaux Pratiques d'Humanologie

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    Le professeur entra dans la pièce, nous étions tous installés sur nos sièges accoudés sur nos paillasses. Il s’installa devant nous et commença à écrire au tableau en nous expliquant la séance du jour…

—Aujourd’hui nous allons travailler sur un modèle particulier, quelqu’un peut me le nommer ?

—Homo sapiens ! répondit Julie sans lever la main.

—On lève la main avant de parler ! la réprimanda le professeur. Néanmoins c’est la bonne réponse.

—Vous savez pourquoi nous choisissons ce modèle et pas un autre ? demanda l’enseignant ?

Le silence se fit dans la salle de travaux pratiques de biologie animale. Personne n’avait d’idée à ce sujet. L’enseignant reprit la main et continua à interroger ses élèves.

—Pour la suite nous parlerons d’humain plutôt que d’Homo sapiens. Quelqu’un sait quelle est la particularité de l’humain du point de vue du système nerveux ?

Cette seconde question fit se lever de nombreuses mains dans la salle. Julie, au premier rang s’était même levée tellement elle avait envie de répondre.

—Pas toujours les mêmes s’il vous plaît ! demanda le professeur en faisant signe à Julie.

Une petite main timide s’éleva au fond de la classe, c’était Marc qui parlait. L’enseignant profita de cette exceptionnelle intervention pour l’interroger.

—Oui Marc ?

—Son système nerveux est plus simple que le nôtre et permet de le comprendre plus facilement ? essaya Marc.

—C’est exactement ça !

La salle avait perdu son calme, les bavardages commençaient en particulier au fond où Thomas et Angélique se regardaient en discutant visiblement de leur weekend.

—Vous avez bientôt fini de récapituler votre weekend ? leur demanda l’enseignant.

—Oui monsieur !

—Reprenons !

Le professeur commença à dessiner une colonne vertébrale d’humain sur un schéma très réussi. Il ajouta quelques mots de légende : encéphale, cervelet, moelle épinière… Puis il expliqua comment étaient innervées les différentes parties du corps de l’humain.

—Maintenant que vous avez bien compris, vous allez tous aller chercher un petit humain dans la cage au fond.

Les élèves n’avaient pas fait attention à ça avant mais on entendait en fait de petits cris venant de l’arrière de la salle. La cage était petite et on y trouvait une trentaine d’humains. Les élèves formèrent spontanément une file d’attente pour récupérer un humain chacun. Dans la cage, les humains se bousculaient pour ne pas être attrapés.

—Monsieur ? ils ont peur ? demanda Antoine.

—Non ! c’est un réflexe de fuite rien de conscient ne vous en faites pas ! répondit l’enseignant.

Une élève se mit à pleurer en arrivant devant la cage pour attraper son humain. Le professeur s’approcha d’elle et attrapa un humain pour elle.

—N’aie pas peur, ils n’ont que de petites pattes et de minuscules dents, tu ne risques rien ! Au pire il va s’agripper à toi un peu ! Si cela arrive plonge ton doigt dans l’eau et maintien le au fond quelques minutes le temps qu’il se calme ! expliqua l’enseignant.

Ces paroles n’avaient pas rassuré le moins du monde la gamine. Elle se sentait toujours partir. Ce n’était pas possible de faire cela à des petites choses si mignonnes…

—On a le droit de faire ce genre de choses à des êtres vivants ? demanda la petite.

L’embarras pouvait se lire sur le visage du professeur, il avait bien entendu ce genre d’histoires à propos d’étudiants qui refusaient de disséquer mais il avait toujours pensé que ce n’étaient que des balivernes pour stresser les futurs enseignants… Désormais il connaissait la vérité, il y en avait une dans sa classe… Il déposa l’humain dans une cuvette à dissection et planta deux épingles dans les petits appendices latéraux de la petite bête qui couinait de plus en plus fort.

—regarde ! c’est comme ça qu’on fait pour la fixer sans se faire attraper. Expliqua le professeur. Il faut bien enfoncer entre les deux os de l’avant-bras pour éviter que les chairs ne se détruisent.

—Vous êtes bien certain qu’elle ne souffre pas ? demanda la jeune étudiante.

Le professeur soupira et prit une profonde inspiration avant de tenter une nouvelle approche plus directe.

—Regarde cet appendice tout petit entre ses jambes ! c’est la preuve qu’il s’agit d’un spécimen mâle. Il est encore tout juste pubère regarde il n’a que très peu de poils ! expliqua le professeur en désignant un petit appendice ridicule.

Le regard de la jeune fille ne montra pas la curiosité qu’espérait créer l’enseignant. Ce dernier déposa une feuille de protocole de dissection sur la table. Il était très long et manquait d’illustrations qui étaient projetées au tableau. Les plus rapides avaient déjà commencé à découper les humains dans une symphonie de petits couinements provenant des cuvettes.

L’enseignant circulant entre les paillasses s’assura que tout le monde avait bien fixé son humain et commença à guider activement le groupe.

—Une fois votre spécimen épinglé pensez bien à lui remplir la bouche de résine pour éviter qu’il ne couine trop.

Les étudiants s’amusaient bien à remplir les bouches de résine qui se solidifiait au fur et à mesure qu’elle refroidissait au contact des muqueuses des humains. Les petits humains se débattaient épinglés sur les cuvettes et semblaient souffrir le martyr.

—Monsieur ! Ils ont vraiment l’air de souffrir ! cria une étudiante.

—Je vous répète que l’on n’a pas prouvé qu’ils souffrent comme nous. Continuez !

Le rythme de travail s’accélérait, tous avaient réussis à arracher proprement le tube digestif des humains après avoir effectué des ligatures permettant au sang de continuer à circuler sans hémorragie.

—C’est du bon travail ce que vous avez fait là ! je ne vois aucune hémorragie mortelle, vous devez absolument me garder vos humains vivants pour la suite de la manipulation.

L’enseignant continuait de circuler entre les tables et d’observer ce que faisaient ses élèves. Il arriva sur la paillasse du fond et vit alors qu’un étudiant avait sectionné l’artère aorte de son spécimen.

—Comme ça il ne va pas vivre bien longtemps ! ressaisissez-vous !

L’étudiant tout penaud reste immobile devant l’enseignant qui continue à le regarder en grognant.

—Allez-donc chercher un autre spécimen ! On ne va pas y passer la nuit je compte rentrer pour dormir !

—Oui monsieur ! je prends un mâle ou une femelle ?

—Peu importe nous allons regarder le système nerveux !

Le nouveau spécimen se débattit à la vue de l’état du premier. La panique pouvait s’imaginer dans son attitude. Il tentait désespérément de sortir de la cuvette sans aucun succès, celle-ci était trop lisse et grande.

—Monsieur ? si l’humain refuse de s’immobiliser je le mets dans l’eau ? demanda l’élève.

—Oui ! tu le laisse sous l’eau jusqu’à ce qu’il ne se calme.

La seconde qui suivit, l’humain était plaqué contre le fond d’un verre d’eau et commençait à faire des bulles en se débattant plus encore que dans la cuvette. Une minute plus tard l’humain s’était calmé et ne bougeait plus.

La séance se déroula bien jusqu’à la pose des sondes pour vérifier les influx nerveux parcourant la colonne vertébrale. Plusieurs postes d’expérimentation révélaient des ondes étranges, comme des signaux périodiques … Cela attisa la curiosité de certains étudiants.

—Monsieur ? c’est normal ces signaux quand on coupe ou touche un point du corps ?

—Oui ! c’est un stimulus de récepteurs sensoriels liés à la perception de l’environnement.

—à la douleur vous voulez dire ?

—Absolument pas ! je vous ai dit pourtant qu’ils n’étaient pas conscients comme nous ! ILS NE RESSENTENT PAS LA DOULEUR ENFIN ! cria le professeur.

La suite des expériences se passait bien, certains élèves durent aller chercher d’autres humains pour finir les mesures du fait de mort prématurées mais cela faisait partie des risques de la manipulation. L’enseignant, lorsque la sonnerie retentit, indiqua quelques consignes…

—Jetez bien les restes des spécimens dans la poubelle pour déchets biologiques, pas dans la poubelle normale. Et pour la semaine prochaine vous lirez les chapitres d’un ouvrage concernant la reproduction chez les mammifères, en particulier chez l’humain qui sera à nouveau notre modèle la semaine prochaine !

Les élèves sortirent de la salle de travaux pratiques après avoir tout nettoyé correctement et en saluant le professeur. Certaines conversations faisaient sourire l’enseignant…

—Tu as vu comme ce cours était cool ? demanda un premier.

—Oui ! c’est génial que l’on puisse travailler sur des individus vivants. Dommage qu’on les traite comme ça sans savoir si ils souffrent …

—Mais enfin ! le professeur l’a répété plein de fois, ils ne sentent pas la douleur ! Ce ne sont que des humains ! renchérit le premier.

Le professeur mit un terme aux derniers bavardages en annonçant quelque chose.

—La semaine prochaine nous étudierons les mécanismes de mise en contact des gamètes et la structure des appareils reproducteurs avant de regarder comment est organisé le corps d’une femelle humain gestante ! Amenez bien vos trousses à dissection car le compte rendu sera noté !

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