Ecrire
L’automne est là, Phébus laisse place à Eole, Hypnos prend la place d’Héméra, Perséphone reprend ses quartiers en Enfer. La nature change de couleur, les tenues légères retournent dans les placards quand les manteaux et les bonnets sortent de leur long sommeil ; la pluie s’invite à la fête, inonde la planète, noie les fleurs et les arbres, recouvre la ville d’une onde opalescente. Les rues se vident de leurs occupants, les badauds se ruent sous les porches, s’agglutinent dans les bars et les cafés, les parapluies brouillent la vue, une effervescence folle se répand dans l’atmosphère, la moiteur l’alourdit.
Pourtant bien au chaud dans un recoin de sa maisonnée, un écrivain observe la pluie. Le lent coulis de l’eau qui ruisselle sur les vitres cristallines laisse sourdre son inspiration. Sous ses doigts malhabiles, un personnage prend vie, un paysage se dessine, une histoire se crée. S’agit-il de sa propre vie ? D’une vie qu’il a inventé ? D’une vie qu’il s’invente ? Personne ne le sait, pas même lui-même, car sa préoccupation principale est d’aligner les mots sur sa feuille blanche, de devenir un architecte, de plaire au plus grand nombre. Pourtant, il n’ignore pas que tapis dans l’ombre, les insatisfaits l’attendent au tournant, de pied ferme, prêts à dégainer leur pire arme : la critique. Selon son humeur, cela lui permettra d’avancer ou bien de couler et de se terrer dans sa grotte, de ruminer et de s’imaginer les pires scénarios.
Car dans le fond, il le sait, il veut être aimé, à l’image de Narcisse, l’adulation de tous est sa finalité, son désir profond.
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