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On sort pour aller dans la remise. J’allume la torche et je lui montre mon VTT, celui de mon anniversaire. J’y tiens trop, mais il a l’air si malheureux…
— Il est où ?
— Mais devant toi !
— Il est drôle ton vélo. Très futuriste. Il n’a pas de vitesses ?
— Bien sûr que si ! Dix-huit !
— Mais il n’y a pas de mannettes !
— Au guidon ! D’où tu sors ?
— Non, il est trop beau. Je ne saurais pas m’en servir. Je vais rentrer à pied. Tant pis. Merci quand même.
Au moins, il est poli. Il me parait quand même un peu bizarre. Quand il sort, en le voyant de dos, je m’aperçois que ses vêtements sont déchirés et qu’il saigne aux bras.
— T’es tombé ?
— J’sais pas ! J’étais en vélo, à descendre à fond la caisse à cause de la flotte et puis, je sais plus. Après, c’est quand tu m’as ramassé.
— Écoute ! De toute façon, tu ne peux pas rentrer comme ça ! Tu vas te laver, je vais te soigner, je vais te prêter des fringues et tu vas rentrer chez toi.
— C’est sympa, mais je ne veux pas abuser !
— Tu vas commencer par te laver pour retirer la terre. La salle de bain est au fond du couloir et tu as des serviettes dans l’armoire.
Il part. Au bout de cinq minutes, comme j’entends que rien ne se passe, je frappe à la porte.
— Ça va ?
Pas de réponse. Je pousse la porte et je le trouve planté au milieu de la salle de bain, immobile, toujours dans le même état.
— C’est quoi, tout ça ?
— Ben, une douche, un lavabo. C’est ma salle de bain ! Tu veux voir celle de mes parents ?
— Mais, y a pas de robinets !
— Ben si ! T’es con toi ! La molette de gauche pour l’eau, en bas pour la douchette, en haut pour la pomme, et à droite, le thermostatique !
— Le quoi ?
— Le thermostatique, pour régler la température ! T’es tombé de la Lune ?
— Je n’ose pas ! Tu me montres ?
C’est la première fois que je vois un mec qui a peur d’un robinet. Vraiment zarbi. Il me fait un peu peur, même s’il n’a pas l’air méchant. Je règle l’eau et quand je me retourne, il est à poil devant moi ! Putain de surprise. Je me recule en évitant de le regarder. Il passe, se met sous la douche et attend.
— Eh ! Il faut fermer la porte ! Tu vas tout inonder !
— Comment ça ferme ?
Je suis tombé sur un débile de chez débile ! Je lui ferme la porte en lui criant :
— Je te sors une serviette. Je vais te chercher des habits.
Je reviens et je le trouve dehors, dégoulinant, alors que la douche coule toujours derrière. Je lui balance la serviette et je vais stopper l’eau. Il m’énerve vraiment ! En me retournant, je vois qu’il est égratigné de partout.
— Attends ! Il faut mettre des pansements ! T’en fais pas, je suis fils de toubibs, je sais faire !
En fait, non, c’est toujours papa ou maman qui me le font. Mais j’ai l’habitude. Je sors la trousse et commence à désinfecter à la Bétadine, puis je lui pose des compresses enduites, du sparadrap. Je dois lui en mettre dans le dos, sur les coudes et les bras, sur les genoux et les cuisses : un vrai bonhomme de neige ! Heureusement que cela ne semble pas trop grave. Il est devant moi, sa bite à l’air, pas plus gêné que ça, alors que j’évite toujours de regarder…
Il prend les vêtements, les regarde, étonné :
— Il est marrant ton calbut !
— Ben non, c’est un boxer normal !
— C’est Superman ?
— Wesh !
J’ai compris : c’est un Kryptonien ! Mais non, puisqu’ils connaissent les robinets…
— Ah ! Et ça, c’est le maillot de corps ?
— Oui, un t-shirt !
Calbut, maillot de corps ! Il parle comme mon grand-père !
— Waouh ! un bloudjinne !
— Oui, un jeans, quoi !
Comme je ne vois pas ce qu’il y a d’extraordinaire, je ne relève pas ! Il s’étonne de voir un jeans et il appelle ça un « bloudjinne » ! Jamais entendu. Il doit être étranger, même s’il a l’air de bien parler français.
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