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Quand je me réveille, je suis seul et je l'entends en bas. J'ai ma petite tension, mais ce matin, je n'ai pas envie de la faire disparaitre. J'ai juste envie qu'elle soit plus forte.

Il ne faut pas que j’écrive ça ! Encore un truc à effacer. D'abord, je ne sais pas ce que je veux dire et je ne sais pas pourquoi je l'écris. Mais c'est vrai.

Avant de nous habiller, il faut que je refasse les pansements. On a oublié hier soir. Je le regarde tout nu, sans ses pansements.

— Tu me regardes ? Tu n'es plus gêné ?

— Non ! C'est vrai ! Je te trouve tellement mieux foutu que moi.

— Mais non, t’es un peu maigrichon, mais t’es mignon !

— Tu espères pas que je vais me mettre à poil devant toi !

— Fais comme tu veux. Je m'en fous. Bon, je vais me laver.

Là, je tilte ! Il ne s'est jamais lavé. Juste mouillé, puisqu'il ne prend pas de gel.

— Eh, savonne-toi bien !

— Gros malin, y a pas de savon !

— Et le gel ?

— Tes produits qui puent ? Pas question.

Je sais où il y a un savon dans la maison : dans les toilettes. Il a toujours été là. Comme on utilise que le pousse, il ne bouge jamais. Je le lui balance par-dessus la paroi.

— Frotte fort, faut que ça brille.

— Ah, merci ! Enfin un vrai truc. Mais il pue aussi ! Vous êtes obligés de foutre du parfum partout ?

Après les pansements et l’habillage, je lance :

— Qu’est-ce que tu veux faire ?

— Et toi ?

— Je ne sais pas. On peut continuer à discuter…

— Si tu veux ! J'aime bien t'écouter quand tu expliques tout, comment vous vivez.

Sauf que moi, je voudrais parler avec lui d'un problème qui me chauffe. Je n'aime pas y penser, car je n’y arrive pas : les filles et l’amour ! Lui, il doit savoir.

Je veux dire, je sais tout sur le sujet, mais en fait, je sais rien. Ça me fait peur. Je sais pas comment m’y prendre. J’ai peur d'être nul quand ça arrivera. Maintenant, je me dis que ça doit être facile, car tout le monde y arrive. C’est comme mourir, ça fait peur, mais tout le monde y arrive aussi. Enfin, je crois que ce n’est pas la même chose.

Comme je sais pas comment commencer, je joue avec mon phone. Il me fait :

— Et la pomme mangée dessinée sur tes machins, c'est rapport à Blanche-Neige ?

— T'es con ! Non, c'est encore Turing. On dit qu'il s'est empoisonné avec une pomme parce qu'il allait être emprisonné à cause de son homosexualité, après tout ce qu'il avait fait pour son pays.

— Ah bon ! Ils ont pris ça comme symbole ? C'est bizarre.

Comme je vois qu’il s’embête, on sort le vélo et le skate. Le plus incroyable, c’est qu’il me dit pourquoi je n’y arrive pas ! Et ça marche vachement mieux.

Quand on se pose, j’attaque avant de réfléchir :

— Et avec les filles, comment ça se passe ?

Je savais pas qu’on allait partir pour des heures sur le sujet. Je ne vais pas tout vous mettre, car c’est vraiment compliqué. Si je résume, c’est exactement pareil et c’est complètement différent.

Toumaï est comme moi. Il a entendu beaucoup parler de la chose, mais il n’a aucune expérience. Ce qui est bien, c’est qu’avec lui, je peux parler librement. Pas comme avec Momo ou Gaby ! Avec eux c’est aussitôt la foire. Apparemment, c’est un sujet facile. Ça me fait du bien.

D’abord, les garçons et les filles ne sont pas mélangés. Les écoles, les lycées, les colonies : on sépare les filles et les garçons. C’est beaucoup mieux, car on a moins à faire attention. Mais pour rencontrer des filles, c’est beaucoup plus difficile. Les mecs, ils sont plutôt en bande et c’est comme ça qu’ils draguent. C’est bien, mais tu es toujours poussé par les autres, même si tu n’as pas envie. Plus vieux, ils ne parlent plus que de ça, de leurs « exploits ». C’est à celui qui aura couché le plus ! C’est débile, parce que, en face, les filles, elles subissent ! Elles ont du mal à résister, alors que si, elles ne sont pas vierges au mariage, c’est le drame.

Avec tout ça, il y a souvent des « accidents » et là, c’est le drame ! Une fille enceinte, t’es foutu ! Ils ne savent même pas que la contraception existe ! Ils n’ont pas de cours d’éducation sexuelle ! Ce qu’ils savent, c'est parce qu'ils en ont parlé entre eux. C'est difficile de vraiment savoir en fait, car on ne peut pas savoir si le vantard qui parle dit la vérité.

Toumaï me dit que c’est en train de changer, que les filles, maintenant, elles veulent qu’on les « séduisent ». Comme nous, quoi ! La meilleure façon, ce sont encore les boums (il m’explique : des partys !), quand on danse des slows, parce que là, on peut être tout contre la fille, mais il faut faire attention.

Ce que je comprends, c’est que t’es vachement forcé par les autres et que, finalement, tu ne sais pas plus comment connaitre les filles et comprendre comment elles fonctionnent !

Je trouve qu’il sait quand même beaucoup plus de choses que moi.

— Comment tu sais tout ça ?

— Parce qu’on en parle entre nous. Comme il y a de plus grands, on les écoute pour apprendre. Et puis, aussi, je suis allé à une boum !

— Moi aussi, ça fait longtemps qu’on fait des boums !

— Ah non ! Il faut être grands ! Au moins seize ou dix-sept ans !

— Comment t’as fait ?

— Ma sœur était invitée, mais les parents n’ont pas voulu qu’elle y aille toute seule. Trop risqué. Ils ont exigé que je l’accompagne ! C’était super pour moi. On s’était mis d’accord que je ne raconterais rien aux parents. J’ai tout regardé. Il y a eu beaucoup de twists, de rock’n’roll…

(Petite interruption, car je ne sais pas comment ça s’écrit et que je veux écouter ! C’est quand même de la vieille musique !)

— J’ai même dansé ! Tout seul, dans un coin. Après, il y a eu les slows et là, j’en ai vu qu’ils s’embrassaient. Sur la bouche !

— C’est incroyable ! Nous, il y a encore un parent qui reste. Ils disent que nous ne sommes pas assez grands.

Il me dit qu’avec ces bandes où il n’y a que de garçons, il y en a beaucoup qui s’amusent entre eux. Ils se font des trucs de sexe. Il a eu une expérience, mais il n’avait pas trop aimé. Il a des copains qui ne font ça qu’entre mecs. C’est plus facile et ils en sont contents. Ils sont discrets, tout le monde le sait, sauf les parents bien sûr. Tout le monde s'en fout, tant qu’on n’en parle pas. Si ça se sait, alors, c’est la honte la plus totale.

Moi, je ne peux pas lui dire grand-chose. J’ai toujours été avec des filles et des garçons. Je lui parle d’Amélie. C’est le premier avec qui j’en parle. Il dit qu’il me comprend. Quand on a un sentiment pour quelqu’un, c’est difficile de lui dire et c’est difficile de ne pas lui dire. Au moins, on est d’accord là-dessus.

C’est super d’avoir un ami comme ça !

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