J’ai invité Amélie samedi ! Elle a dit oui ! Je suis si content ! Je lui ai parlé de mon « cousin », en lui disant que j’espérais qu’ils allaient bien s’entendre. Elle m’a si joliment souri que j’en ai presque pleuré.

Le soir, Toumaï est rentré de ses examens. Nous partons tous les deux. Quand il me demande si je n’ai pas de devoirs, je lui réponds que non ! Il va falloir que je m’y mette à fond, car sinon, je vais me faire engueuler à nouveau.

Le diner est tranquille. Moi aussi, car papa n’a pas sa mauvaise tête. Je ne sais pas ce que les examens ont donné, mais cela n’a pas l’air trop grave.

J’aime bien les discussions que nous avons avec Toumaï :

— Tu sais, Enzo, j'ai repensé à nos disputes sur la meilleure époque. J'ai bien entendu ce que tu m'as raconté sur le réchauffement climatique, tout ce qui va arriver. Mais, tu sais, l'année dernière, ils nous ont passé un film sur ce que nous devions faire si une bombe nucléaire explosait. Ça peut arriver n'importe quand, dans pas longtemps.

— Plus maintenant !

— Tu n’en sais rien ! Mais il n’y a pas que ça. À l’aumônerie, on parle beaucoup de la faim dans le monde. Nous sommes trois milliards et il y en a un milliard qui souffre de la faim. Vous êtes sept milliards, et il y en a toujours un seul qui souffre de la faim. C'est terrible, mais moins qu'avant. Quand tu me parles de maintenant, je me dis que c’est dans ces métiers que j’aurais dû travailler. Tu te rends compte, ils ont sauvé des milliards de gens !

— Arrête de penser à tout ça, Rob, ça ne sert à rien.

— Votre époque, maintenant, elle a plein de défauts, c’est vrai. Elle a aussi plein d'avantages, avec la technologie, la médecine. Tu m’as bluffé avec cette histoire d’épidémie et du vaccin qui arrive tout de suite. Mais ce n'est pas ça, le plus important.

Je ne l'avais jamais vu si sérieux.

— Je te regarde avec tes parents, je regarde tes amis et tes copines. Je sais que ce n'est pas vrai partout, mais il y a une grande différence. Moi, mes parents travaillent beaucoup. Il y a beaucoup d'enfants et personne n'est très riche. La vie est dure, même si elle devient plus facile. Alors même si nos parents s'occupent bien de nous, il manque quelque chose. Même si c’est souvent joyeux, il manque de l’attention, des sentiments...

Sa voix est triste. Il a l’air tellement malheureux.

— Tu sais, c’est vrai, je crois, dans beaucoup de familles. On n’a pas le temps, simplement. Vous, vous avez le temps de vous dire de belles choses entre parents et enfants.

— Mais tu sais, c’est peut-être uniquement dans ma famille !

— Non, vous avez tous dans les yeux quelque chose que je ne connais pas. Je sais que vous êtes des « privilégiés » comme tu dis et qu’il y a des tas de gens malheureux. Mais que ce soit possible dans votre époque, c’est une chance extraordinaire !

Je mets du temps à comprendre ce qu’il veut dire. Mes parents ont toujours été gentils. On se faisait plein de câlins, avant que ça ne me gave. Je comprends que ça peut ne pas exister.

— Rob, j’ai compris. Mais ce n’est pas une chance que j’ai, mais deux !

— Dis !

— La deuxième chance, c’est que quelqu’un me le dise !

***

J'avais les chocottes, mais je voulais qu’Amélie le connaisse, car c’est important pour moi. Tout s'est très bien passé. Après qu’elle est partie, il me dit :

— C’est ton amoureuse ? Tu m’en as déjà parlé !

— N'importe quoi ! C'est juste une copine, une très bonne copine.

— Si c'est pas ta copine, je peux la draguer alors, je la trouve vachement sympa !

— Même pas dans ta tête ! Je te refous dans l'orage immédiatement !

— Zo…

— Ta gueule !

— Tu es amoureux ?

Comment il a deviné ? J'ai vu qu'il me faisait marcher ! Et de l’entendre me le dire, j’ai compris qu’il fallait que je parle à Amélie.

— Zo, je suis content pour toi. C'est vrai que tu as de la chance !

Est-ce que je vous ai dit que Toumaï était le plus beau mec de l'Univers ?