Scène 6-7

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Scène 6

On la conduisit à l’étage. Le couloir, plus étroit cette fois, permettait l'accès à deux autres pièces que Jolianne lui présenta.

— Voici la chambre de Lynell et là, ça sera la tienne.

Elle ouvrit la porte qui leur faisait face et fit signe à Caevanne d’entrer. Derrière elle, le jeune garçon lui succéda le pas, un bougeoir à la main. Jolianne se retourna vers eux.

— Je vous laisse, je redescend à la cuisine, Ogan a besoin de moi.

L'humaine adressa un bref sourire à son invitée et fila dans le couloir avant que quiconque n’ait le temps de lui répondre.
La chambre dans laquelle ils se trouvaient n’était pas grande mais la jeune elfe jugea qu’il y avait largement assez d’espace pour elle. Un lit reposait dans un coin de la pièce, près d’une table de chevet. Elle s'asseya dessus et observa la pièce en détails tandis que Thilas déposait le bougeoir à ses côtés. De l’unique fenêtre de la pièce, Caevanne aperçut la cour de l’auberge ainsi qu’une partie de la rue principale. Le jeune homme s'était adossé près de la porte et, au moment où il s’apprêtait à la laisser seule, la bougie s’éteignit. Plongée dans l'obscurité, la jeune elfe fut envahie un bref instant par la peur, puis, d’un geste nerveux de la main, ralluma le bougeoir.
Remarquant que Thilas était toujours là, elle observa sa réaction. La flamme qu’elle venait de faire apparaître l’intriguait.

— On m’a apprit les bases, expliqua-t-elle.

Caevanne ne savait pas si celui-ci la comprenait mais il ne tarda pas à répondre.

— Je vois. Ce n’est pas donné à tout le monde.

Tout comme sa mère, il parlait l'elfique sans aucune difficulté.

— En venant ici, je ne pensais vraiment pas arriver dans une famille où l’on parle ma langue. Beaucoup de gens la comprennent dans la région ? Je suis curieuse de savoir si il y a déjà des elfes dans cette ville.

Il hésita un instant, la question semblait le gêner. La jeune elfe ne le pressa pas.

— J'ai déjà croisé des elfes en ville mais c'est extrêmement rare que ça arrive. La cité est très majoritairement peuplée par les humains. Je pense que c'est une des raisons pour lesquelles ils t’ont amenée ici plutôt qu'ailleurs, très peu de personnes parlent cette langue.

Il marqua une pause et reprit.

— Tu te demandes sans doute pourquoi c'est mon cas ? Chez moi, ce n’est pas très apparent mais, tout comme toi, je suis un elfe. Ogan et Jolianne ne sont pas mes véritables parents.

Poussant ses cheveux de la main, il découvrit de petites oreilles pointues semblables à celles de la Caevanne. Elle aurait aimé en apprendre davantage à son sujet mais jugea très imprudent de poursuivre la conversation sur cette voie là et acquiesça simplement d’un signe de tête.

— Je vais te laisser, annonça-t-il, il faut que je fasse un tour à l’écurie.

Il tourna les talons et ferma la porte derrière lui.
Une fois seule, Caevanne sentit peu à peu la fatigue tomber sur elle. L'elfe s’allongea sur le dos et fixa le plafond de la chambre. Elle redoutait ce moment où son esprit, libre de réfléchir, lui rappellerait le cauchemar qu’elle avait vécu quelques jours plus tôt. Des images de la forêt qu’elle avait traversée en courant lui revenaient. À ses côtés, Caevanne revoyait les elfes de la ville voisine, tout aussi terrifiés qu'elle. Leur groupe était poursuivi par ces chiens que la jeune elfe sentait tout près derrière eux. La première bête avait surgi de l’ombre la gueule grande ouverte. Caevanne se rappela d’un vieillard. C’est sur sa jambe que la gueule du chien s’était rabattue. Son hurlement résonnait encore dans la tête de la jeune elfe. Il y avait eu ensuite ce grand et long silence assourdissant, ce silence de mort qui l’avait accompagné jusqu’ici.
Sans qu’elle s’en aperçoive, sa respiration s’était accélérée et la jeune elfe eut beaucoup de mal à reprendre son souffle. Elle avait tout perdu, le royaume des elfes n’existait plus et Caevanne n’allait sans doute jamais revoir ses parents. Elle se retrouvait seule, au milieu de nulle part. Se retournant à plusieurs reprises, l'elfe alla jusqu’à se demander si sa vie ici avait encore un sens. Qu’espérait-elle trouver dans cette ville ? Tandis qu’elle ressassait encore et encore ses pensées, son esprit s’embruma peu à peu et Caevanne finit par s’endormir, tant bien que mal.

Scène 7

Le lendemain, c’est la lumière du jour qui réveilla la jeune elfe. L’espace d’un instant, Caevanne n’aurait su dire où elle se trouvait. Puis, elle se rappela de son arrivée parmi les humains, de l’auberge et de la famille qui l’avait accueillie.
Alors qu'elle se redressait, l'elfe constata que le soleil était déjà bien haut au dessus de la ville. Caevanne regretta de ne pas être aussi matinale que l’était autrefois son père. Des voix familières à l'extérieur attirèrent son attention.
Elle s'approcha de la fenêtre puis aperçut Thilas et son père adoptif, Ogan. Tous deux tiraient une lourde charrette contre le mur de la cour. Caevanne descendit l’escalier et arriva dans la cuisine. Jolianne s'y trouvait déjà, occupée à préparer du poisson pour le déjeuner.
Remarquant sa présence, celle-ci l'installa sur la petite table et lui servit une tranche de pain qui accompagnait une soupe de légume dans un bol en céramique. Portant le bol à ses lèvres, Caevanne se demanda ce qu’allait lui réserver cette première journée à l’auberge.
Dans la grande salle voisine, Lynell nettoyait discrètement les tables à l’aide d’un chiffon. Thilas revenait de la cour et entra dans la cuisine, chargé d’un sac de légumes. Jolianne lui fit signe de rester.

— Mon grand, je voudrais que tu ailles au marché et que tu me rapportes du pain et de la viande.

Tout en observant Caevanne, elle reprit.

— Tu peux en profiter pour montrer un peu la ville à notre invitée.

Elle avait toujours ce grand sourire sur le visage.

— D’accord. On pourra y aller dès qu’elle sera prête.

Thilas évitait de croiser le regard de Caevanne et celle-ci se demanda si ce n’était pas à cause de la discussion qu’ils avaient eue la veille. Se levant, elle s’apprêta à le suivre, mais Jolianne l’intercepta.

— Tiens prend ça, je ne voudrais pas que tu aies froid.
Elle lui tendit une épaisse peau de bête que Caevanne ne sut identifier. La jeune elfe la mit sur ses épaules tout en la remerciant. Elle traversa la grande salle et se hâta de rejoindre Thilas qui l’attendait déjà dehors.

— Il faut descendre la rue, le marché se trouve au sud-est de la ville. Si tu veux, au retour, on pourra passer par le port.

Face à eux dans la cour, un homme à cheval avec une quantité étonnante d’affaires s’approcha, c’était un voyageur. L’ayant aperçu depuis l’entrée, Lynell vint à sa rencontre. La jeune elfe n’eut pas l’occasion d’entendre l’homme se présenter dans la langue locale : elle et son guide s'engagaient déjà dans la grande rue pleine de monde.

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