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Lundi 14 Janvier 2019, Champel, Genève


Il était minuit trente. Anna Paguel de Denwi se brossait les dents. La journée avait été longue.

Elle avait été à Madrid pour suivre une formation donnée par une star-up, la LOCOTOMA, qui proposait un système de sécurité internet spécialement conçu pour assurer la totale confidentialité lors de sondage d'opinion et assurer qu'une personne ne puisse pas donner deux fois son avis sur tel produit. Des responsables de Netclick, de diverses banque d'Europe, d'entreprises suivaient également le cours. Et Anna avait évidemment immédiatement saisit le potentiel pour la votation en ligne.

Le cours avait duré deux jours. Le conseiller d'état Patrick Cheland l'avait accompagné. Ils avaient atterrit avec le vol SWISS à 22h 15 à Cointrin. Puis, il y avait réunion du Conseil d'État le lendemain, elle avait dut se rendre à l'hôtel de ville pour préparer la-dite réunion, tandis que Patrick Cheland était rentrer chez lui, à Versoix. Du coup ce ne fut qu'à minuit cinq qu'elle poussa la porte de son appartement de Champel. Un superbe sept pièces, en attique. Avant de se coucher, elle avait bu une tisane calmante et laissé ses pensées se promener un peu en liberté dans son cerveau. Le cours avait été intéressant quoique un peu brouillon parfois. Jean-Pierre Lonfat s'était un peu agacé par ce voyage et le prix du cours, tout cela au frais du contribuable. On parlait de plus en plus de ce genre de choses dans les médias entre deux articles sur l'affaire "E".

Affaire qui semblait s'enliser.

Heureusement que ce n'était pas son boulot, pensa-t-elle, de trouver l'énigmatique "E". Elle ne s'en sentait pas capable. C'était pas son truc ça, les enquêtes policières. D'ailleurs ses lectures fuyaient les polars. Elle, c'était plutôt des bouquins d'histoires de relations familiales, de psychologie fouillée des personnages. Elle en avait lu quelques uns, de policiers. Certes, cela pouvait s'avérer addictif, mais, en fin de compte, aussi un peu vide. Elle avait remarqué que l'écriture, la qualité de l'écriture s'étiolait au fur et à mesure de l'avancée du récit. On passait d'une introduction souvent bien menée, bien travaillée, avec une recherche d'ambiance, à un discours de l'auteur de plus en plus factuel et pauvre stylistiquement. Il ne s 'agissait, finalement, que de savoir qui était l'auteur du ou des crimes. Elle relevait toutefois qu'il fallait parvenir, et c'était méritoire, a créer la fameuse frénésie du tourné de page. Faire en sorte que le lecteur ne pose le bouquin qu'à contre cœur parce que il doit aller chercher son fils à l'école, préparer le dîner, ou aller au travail, était tout un art en soi.

Elle s'étira dans le fauteuil, regarda le plafond, soupira, puis se leva. Direction salle de bains. Elle n'était pas intéressée par les enquêtes policières, mais elle avait quand même toujours ce petit détail de rien du tout qu'elle pensait détenir quelque part dans son cerveau. Et qu'elle ne parvenait pas à dénicher. Mais, tout vient à point à qui sait attendre ! Elle se rendait compte que ce détail l'avait sacrément occupé. Dans les trajets en avion, pendant qu'elle se douchait, qu'elle se maquillait, qu'elle faisait son yoga du matin. Même pendant les moments un peu brouillon du cours de Madrid. Cette recherche du détail qui tue l'occupait à un degré dont elle n'avait pas pris conscience. Jusqu'à maintenant. Elle était là devant son miroir, s’apprêtait à mettre du dentifrice sur sa brosse à dent, appuyait sur le tube, et en même temps que la pâte sortit, le détail surgit ! Clair et net. Ce fut un délice de soulagement, comme quand on a quelque chose coincé entre les dents et qui enfin se décoince. Ou comme quand on a un besoin urgent mais que les toilettes du monde entier semblent avoir disparus, et que l'on trouve finalement le dernier vestige d'un trône, on s'y assied, puis, l'un des meilleurs moments d'une existence s'y déroule.

Elle lâcha sa brosse à dent qui tomba dans l'évier avec le tube, fila au salon récupérer son natel dans son sac, chercha dans ses contacts : Alice Noît. Elle mis une minute pour écrire son message, le relire, et l'envoyer.

Puis, elle retourna à la salle de bains, finir sa toilette. Quelques minutes plus tard, fatiguée mais délicieusement détendue, elle se glissa dans le lit à côté de son mari. En faisant attention à ne pas le réveiller. Elle repensa à Patrick Cheland. À tout ce qui s'était passé à Madrid.

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