12 février 2019

Jean-Pierre Delut, 35 ans, était parti de chez lui, à Viry, à 8h30. Il fit une courte halte, à peine deux cent mètre plus loin. Pour que Sylvette Morel, 58 ans, puisse monter. Cela faisait six mois que le covoiturage avait été organisé. Et il leur fallait encore embarquer Kevin Delasorthe, 27 ans, qui habitait à Saint-Julien. Puis ensuite prendre la route des vignes et filer vers la désormais tristement célèbre douane de Certoux. Celle où Lucas Tardy avait perdu la vie. Le temps était gris, mais la température était douce pour la saison. Ils passèrent devant l'intermarché de Saint-Julien, passèrent le pont sur l'aire. Sylvette, assise à la place du mort, s'écria tout d'un coup, émerveillée :

- Oh ! Regardez ! Un drone !

Jean-Pierre Delut le remarquait aussi :

- Et c'est pas un petit dis-donc ! Il était vrai que ce n'était pas un petit drone.

- Mais on dirait qu'il transporte quelque chose ? fit Sylvette, de plus en plus intriguée.

Elle avait vu juste. Sous le ventre de l'appareil volant était scotché un sac poubelle noir enroulé sur lui-même.

- Ils font de plus en plus de transports de marchandises, des livraisons, avec des drones. J'ai lu ça sur internet l'autre jour, intervint Kevin Delasorthe qui ouvrit la fenêtre pour mieux voir l'engin.

La voiture roulait en direction de la petite douane de Certoux, et allait bientôt traverser le petit hameau de Thérens. Quelques maisons qui devaient subir le passage quotidien de plusieurs centaine de voiture, si ce n'était pas des milliers. Autant dire que ses habitants pouvaient légitimement être des sympathisants non-avoués, il n'est pas politiquement correcte de soutenir le meurtre d'innocentes victimes, de « E » ! Kevin Delasorthe regardait par la fenêtre ouverte. Sylvette Morel lui demandait de la fermer, le courant d'air qui pénétrait la voiture l'incommodait. Mais Kevin n'obtempéra pas :

- Mais le drone nous suit, ma parole, fit-il alors, une légère inquiétude dans la voix.

- Il nous suit ? s'étonna Sylvette.

- Tu es sûr, demanda Jean-Pierre Delut, qui ne pouvait pas trop se permettre de scruter le ciel puisqu'il conduisait la voiture.

Il rétrograda à l'instant, on arrivait devant le premier dos d'âne de Thérens.

- Oui, il nous suit...et il descend sur nous !

- Il a un problème de batterie, sûrement, tempéra Jean-Pierre.

- Ouais, un problème technique...mais merde, s'il nous tombe dessus, il peut sacrément abîmer ta voiture, Jean-Pierre !

Il ne crût pas si bien dire. Le drone coupa son moteur, ses hélices cessèrent de tourner et il s'écrasa sur le toit de la Renault Kadjar qui avait tellement ralenti devant le dos d'âne qu'il était presque à l'arrêt. Puis il explosa ! Associé à l'essence de la voiture, le souffle de l'explosion fit voler en éclat quasi toutes les vitres de la maison qui juxtaposait la route, et le bruit s'entendit à des kilomètres à la ronde. Les trois occupants furent tués sur le coup.

Non loin de là, la femme au bonnet péruvien observa un court instant la colonne de fumée noire qui montait dans le ciel, puis, elle enjamba son vélo électrique et prit un petit chemin agricole. Elle fut bientôt rejoint par l'homme au bonnet noir et l'écouteur au fil blanc.