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23 mars 2019


Cette nuit-là, Anna Paguel de Widen, la passa, une première pour elle, dans une des cellules du poste de la police judiciaire du boulevard Carl-Vogt. Ces cellules étaient toutes fabriquées d'une seule pièce en un sorte de plastique, ou fibre de carbone peut-être, hyper-résistant. Ce qui avait pour effet qu'il n'y avait absolument rien qui puisse être démonté, et qui puisse servir à quelque chose. À s'évader, ou à se suicider. La chancelière dut d'ailleurs enlever ses bottes. Les magnifiques nouvelles bottes qu'elle avait achetée cet après-midi dans les rues-basses. Elles montaient jusque sous les genoux et avaient des longs lacets en cuir noir. Elle eut la pensée, qu'elle trouva saugrenue, que c'était peut-être bien pour qu'elle ne tente pas de s'étrangler avec les lacets. Mais en même temps, cela n'avait pas de sens. Elle aurait put le faire avec son chemisier. Non, pour vraiment éviter un geste fatal, il aurait fallu la mettre complètement à poil! Mais là, on se serait retrouvé dans une république bananière. Ce qui n'était pas le cas. Pas encore pensa-t-elle. Elle avait eu le droit à un bol de café et un morceau de pain sec. Elle n'en revenait pas. Comme dans les livres, comme dans les films. Aujourd'hui, au troisième millénaire, dans l'une des villes les plus riches au monde.

Qu'elle ai été mise sous filature ne l'avait pas totalement surprise, mais plutôt amusée. Elle se mettait à la place de la police, et se disait qu'elle ne pouvait pas se permettre d'écarter la moindre piste. Et qu'elle pouvait, dans un sens, être mêlée à l'affaire « E ». Et qu'elle l'était en fait. De manière collatérale, non voulue évidemment. Que peut-être, qu'elle détenait sans le savoir, une pièce du puzzle qui mènerait à « E ». Nicolas Vidon, elle l'avait repéré deux heures après le début de la filature. Tellement il s'était montré peu discret. Elle avait perçu, senti son regard, et très facilement deviné qu'il la matait plus qu'il ne l'observait. Et l'avait trouvé particulièrement vulgaire. Et c'était cette sorte de vulgarité qu'elle avait voulu prendre en photo en tentant de prendre son téléphone dans son sac devant l'arme que Nicolas pointait dans sa direction. Mais l'erreur qu'elle avait faite , était qu'elle n'avait pas compris que l'inspecteur avait changé son fusil d'épaule, et était devenu, tout d'un coup persuadé qu'elle était « E ». Que l'on puisse réellement la soupçonner d'être celle que l'on nommait dans la presse, la plus grande criminelle de l'histoire suisse, la dépassait complètement. Alors, elle n'avait pas vu venir. L'inspecteur qui lui saute dessus, le placage au sol, le menottage, tout cela, elle l'avait vécu comme hors de son corps. En spectatrice. Elle n'avait commencé à retrouver ses esprit qu'au moment où Hans l'avait interrogé. Et là, elle avait pris un sacré plaisir à ironiser sur son nom. Le " kon", elle l'avait bien appuyé, et ne se souvenait pas non plus avoir regardé quelqu'un avec un tel mépris.


Elle se trouvait maintenant, samedi 23 mars 2019, dans une salle d'interrogatoire du commissariat. En face d'elle: Hans et Alice. Et derrière la vitre teintée, Franco Bernardi, Nicolas Vidon et Séverine Mélisse. Cette dernière affichait un sourire très satisfait. La chancelière pouvait bien être « E ». Cela lui semblait absolument plausible. Il manquait plus que des preuves et des...aveux. C'est cela qu'elle attendait de Hans. Et si lui n'y arrivait pas, Nicolas Vidon le ferait.

- Alors! Pourquoi vous êtes-vous rendue aussi tard, hier, à l'hôpital pour voir Patrick Cheland ? lui demanda Hans, d'une voix calme, sereine, mais ferme.

- Parce que depuis lundi, depuis que vous m'avez interrogée chez moi, et que par la suite, la presse à étalé aux yeux de tout le monde, y compris mes enfants, mon mari, ma relation avec Patrick, ma vie a été chamboulée de A à Z ! Mon mari me soutient...

- Malgré votre adultère ? demanda Alice.

- Oui. Et c'est pour ça que je me suis rendu aussi tard à l'hôpital. Mon mari est parti dans notre chalet en valais avec les enfants pour les éloigner pendant le week-end des journalistes et paparazzis, et pour me permettre d'être un peu seule, me retrouver un peu...

- Et vous en profitez pour allez voir votre amant ?! s'étonna Hans.

- Ce n'est pas juste un amant...

- Ce n'est pas juste sexuelle, votre histoire ?

- Non. J'éprouve de l'amour pour Patrick...

Il y eut un silence. Hans semblait légèrement décontenancé.

Alice reprit:

- Je ne comprend pas tout-à-fait. Vous vous dites chamboulée par tout ce qui arrive depuis une semaine dans votre vie. Mais Nicolas nous a dit que, vendredi après-midi, vous avez été faire du shopping dans les rues-basses. Drôle d'activité pour quelqu'un qui a besoin de se retrouver lui-même, et donc de s'isoler, j'imagine. Autre chose, lundi, vous nous avez semblé extrêmement froide par rapport aux événements. Vous dites éprouver de l'amour pour Patrick, mais le Patrick en question est quand même sacrément mal en point. Il peut mourir d'un instant à l'autre. Et s'il se réveille, dans quel état sera-t-il ? Et chez vous, pas une larme, pas de voix légèrement cassée. Non. Rien. Pourquoi ?

- Je sais me protéger...me crée ma cuirasse.

- Wouaw ! Effectivement, approuva Alice. Et si c'était le contraire, madame la chancelière ? Que vous n'éprouvez rien pour le conseiller, et que tout ceci n'est qu'une mise en scène pour nous faire soupçonner l'épouse du conseiller d'État, Sabina Cheland, qui en apprenant la soi-disant relation extra-conjugal qu'entretient votre mari avec vous, aurait délibérément écrasé son mari, par jalousie ?

Et si c'était vous qui étiez au volant de la voiture...

- J'étais en voyage à Copenhague au moment des faits.

- Vous pouvez nous le prouvez ?

- Mais bien sûr !

- Et votre mari qui vous soutient tellement, est-ce que c'est votre complice. Est-ce lui qui a écrasé monsieur Cheland ?

Anna ouvrit la bouche en grand :

- Non mais, c'est ridicule ! Toute la police est comme ça chez vous ? Entre votre collègue qui me saute dessus et vous qui me soupçonnez...

- Oui, je vous soupçonne parce que ce que j'entends ne cadre pas tout-à-fait avec quelqu'un qui serait au-dessus de tout soupçons...en d'autres termes, il y a des zones d'ombres dans votre explication.

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