8 avril 2019, Sézegnin

Elena Pericolo se préparait pour sortir ses chiens lorsque l'on sonna à la porte.

Il était 7h00.

- Mais qui est-ce que cela peut bien être, à une heure si matinale? demanda Elena à son mari, Antonio, en train de déjeuner.

- Ben, ouvre, on verra bien, fit-il, ronchon.

Le temps qu'elle se rende à la porte, la sonnette retentit une deuxième fois. Elena ouvrit la porte, légèrement agacée.

Et reconnut immédiatement la cheffe de la police genevoise, Séverine Mélisse.

- Bonjour, fit cette dernière sans même s'excuser, ni se présenter. Vous êtes madame Elena Pericolo?

- Moi-même!

- J'ai quelques questions à vous poser, puis-je entrer?

- Maiiiss...faites comme chez vous, répondit Elena. Avec une ironie bien sentie.

Séverine Mélisse n'en avait apparemment rien à foutre des leçons de savoir vivre. Elle entra, découvrit l'intérieur de la maison.

- On peut s'installer au salon? fit-elle.

- Mais bien sûr...vous voulez boire quelque chose, café, thé?

- Non merci. Je n'ai pas beaucoup de temps.

Les deux femmes s'installèrent. Antonio finissait de déjeuner. Il avait à peine salué la cheffe de la police.

- Alors. Je me suis renseignée sur vous. Et j'ai été étonnée de découvrir qu'il y a pas mal de points qui pourraient vous mettre sur la liste des suspects, madame Pericolo.

Elena regardait Séverine Mélisse. Calmement. Semblait tout-à-fait sereine. Ce qui eut tout de même pour effet de légèrement déstabiliser la cheffe de la police genevoise. Elle avait bien observé la réaction d'Elena au moment même où elle avait prononcé sa phrase. Assez percutante tout de même. Normalement, quand on tient un tel discours, encore plus de la part de la plus haute instance policière, eh bien, en face, on devrait avoir un tremblement, une expression d'effroi, un malaise apparent. Rien de cela chez madame Pericolo.

- Quels sont ces points? demanda d'ailleurs cette dernière.

Séverine eut un temps d'arrêt. Elle faisait de l'ordre dans ses idées. Le si grand calme de son interlocutrice y avait mis du désordre.

- Euh...vous êtes prof de chimie. Vous connaissez donc les caractéristiques de la cyanure, ainsi que son maniement.

Aucune émotion palpable chez l'habitante du 7 chemin des Foraines à Sézenove.

- ...ensuite...euh...vous avez une moto de la marque kawasaki, une ER 6 noire qui a été identifiée à côté de la voiture du président George Pendal...

- Combien de moto identique trouve-t-on à Genève?

- ...Euh...36, je crois...

Petit sourire d'Elena tandis que Antonio débarrassait la table. Qui se trouvait à côté du salon. pièce tout en longueur. Une table de billard séparait la partie table à manger du salon.

- ...votre fils Eril Renard a postulé pour le poste de concepteur multi-média à l'Hôtel de ville, mais c'est Amir Bendi, une des victime de « E » qui a obtenu le poste...

- Alors oui, je trouve ça inadmissible! madame Mélisse.

Elena attaqua. Fermement, tout en restant parfaitement calme.

- Mon fils avait tout-à-fait les dispositions et capacité pour ce poste, et on choisit qui? Un frontalier! Pistonné? Ou bien est-ce que cette manœuvre permet une économie sur le salaire? Hein? Qu'en pensez-vous madame Mélisse? Vous trouvez ça parfaitement normal, je présume!

- Je ne présume de rien! Ce n'est pas mon boulot!

- Votre boulot est de faire respecter la loi et de punir les contrevenants à cette loi! Et cette loi stipule qu'il faut privilégier la main d’œuvre locale, non ?

- ...écoutez...nous nous éloignons du sujet...

- Ah non ! Madame ! Nous sommes en plein dedans ! Dans le sujet ! Les deux pieds dedans !

Séverine Mélisse était déstabilisée. En face d'elle, la femme la plus déterminée qu'elle n'avait jamais vue. Elle baissa la tête. Elena en profita pour asséner le coup fatal :

- Si vous n'avez pas d'autres « questions » sur la si « belle place de suspect » que vous voulez me voir occuper, je vous prierais de partir. J'ai des chiens à promener, un cours à donner. Avec si possible, le désir de déjeuner avant !

Une minute plus tard, la cheffe de la police genevoise remonta dans sa voiture. Déboussolée. Rarement elle ne s'était sentie si bête. Si humiliée. Non. Hans Pfäfi avait raison. Elena Pericolo n'était pas « E ». Elle se consola en se disant qu'elle avait bien fait de virer Nicolas Vidon.