Rage incendiaire
Nous sommes juste des adolescents, on expérimente tous à la recherche des limites qui marqueront nos existences. Les sentiments restent pourtant un mystère à nos yeux, on essaye de les comprendre en regardant l’individu d’en face. On imite nos semblables quand l’inconnu approche, mais les émotions ne peuvent être imitées. En prêtant bien attention, nous voyons la différence entre les larmes de crocodile et celles de rupture, entre un sourire joyeux et celui qui masque une grimace de douleur. Puis plus on observe les humains, plus on se rend compte que personne ne s’approche des gens tristes alors on sourit pour ne pas être seul. On sourit faussement parce que aucun ne vérifie son authenticité. À force d’étirer nos lèvres, la peine s’accumule dans le cœur. Elle grossit comme un parasite, elle rajoute du poids sur l’organe vital et nos commissures pointent vers le bas. Mais malgré tout, on persiste, on fait plus d’efforts pour rester tels que les autres veulent nous voir. Puis au fur et à mesure, nos yeux brillent sans que l'on s’en rende compte. Une goutte glisse sur la joue et on prétexte une poussière, de la fatigue ou le froid. Au final, on rit en pleurant à chaudes larmes parce que le sourire s’est implanté sur notre visage et qu’on refuse de l’enlever. La tristesse change avec le temps, elle noircit et se transforme en un poison. Et on garde, on garde ça au fond de nous, comme un secret. Puis un jour on éclate, on a besoin d’évacuer ce poison qui s’infiltre dans nos cœurs, nos yeux et nos esprits. On met le doigt sur ce sentiment infernal qui nous ronge de l’intérieur: La rage, ce sentiment intense qui force le physique à intervenir. Un feu qui brûle dans le corps, bien loin de la chaleur réconfortante du désir, non, un incendie menaçant de détruire toute personne qui s'approchait de trop près. On a tous un moyen de l’éteindre ce feu brûlant. Certains s’isolent, d’autres courent un long moment, dessinent, s’épuisent jusqu’à crever de fatigue. Mais quelques personnes, bien trop instables pour ce monde d’équilibristes n’ont que la solution de faire mal à l’autre ou à soi. On frappe un sac, un mur, un être... pour essayer de retrouver un état neutre mais souvent cela ne marche pas. Alors on recommence, plus fort, encore et encore jusqu’à ressentir la douleur pourtant atténuée par l’adrénaline. La goutte de sang qui tombe au sol, le craquement d’un os, le cri d’une personne, quelque chose nous arrête brutalement et on sort de cette transe infernale. Le regard hagard, incapable de prononcer un seul mot, immobile au milieu de ce monde qui continue pourtant de tourner autour de nous. Et c’est là qu’on ressent le vide, un sentiment d’épuisement nous prend et on craque. On hurle à s’en déchirer les cordes vocales, les larmes débordent de nos yeux sans qu’on puisse les retenir. Un moment de faiblesse qui montre qu’on est humains, que les émotions vivent aussi dans notre corps et qu’elles méritent toutes d’être montrées au monde.
Alors souris si tu es heureux, pleure si tu as mal, crie si tu as la hargne mais ne caches rien à ce monde devenu faux.
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