1 Chap.

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À mon avis, que mémé Croche ait cassé sa pipe, ça va soulager quelques voisins ! Elle leur foutait les ch'tons… Faut dire que mémé, elle faisait pas trop dans la dentelle et ça lui chuchotait tellement dans le dos, que ça devait l'enrhumer régulièrement !

Elle n'aimait que moi, parce qu'un jour j'ai caressé la joue d'un passant pas poli, qui la traitait d'empoisonneuse. Elle a vu rouge et elle m'a dit :
« Dis-donc ! Tu t'occupes de ce malappris et t'y r'mets la bouche droite !"

J'ai jamais pu dire non à mémé.

Elle était toute seule, pas de famille à part moi. Ni ma mère ni mon père ne lui parlaient depuis longtemps, ils la traitaient de démon, mais comme ma mère c'est une pénible, j'y vois pas tellement d'insulte ! Pourtant, y'a pas mal de monde qui défilait chez mémé Croche, je les croisais quand je venais la voir. Ils ne me regardaient jamais et se dépêchaient de décarrer.
Quand je demandais « C'est qui ? » Invariablement elle me répondait : « C'est pas tes oignons ! »

Mais j'étais seul à son enterrement : je crois qu'il y a que moi qui vais la regretter !

C'est pour ça, elle a dit au notaire :"La maison c'est pour mon grand… "
Elle a pris soin de moi toute ma vie, elle était mon fer à cheval. Elle me filait du blé et de l'arnica, des conseils frappés au coin du bon sens -"Restepasavecestrainessavattes"- et la gnôle de son buffet !

Je suis pas sûr qu'elle m'intéresse la bicoque qu'elle me laisse, même si c'est gentil…
Mais la cave c'est autre chose. J'ai jamais eu le droit d'y mettre un pied, un doigt ou même un œil...
Qu'est-ce que j'ai pu rêver devant la porte rouge ! J'en ai fait des films à son sujet !

J'ai tout essayé pour convaincre ma vieille Croche de me mettre dans la confidence :
« Allez dis-moi, on n'a pas d'secret ? T'as des mauvaises habitudes ? Un magot peut-être ? T'y fais sécher des facteurs qui t'emmerdent ? Mémé y'a quoi dans ta cave ? ! »

Invariablement ça finissait en taloches distribuées avec énergie :
« Arrête de me seriner t'sauras rien d'mon vivant ! Y'a qu'le Diable qu'est plus curieux qu'toi ! »

Alors ça y'est mémé ! T'es en terre et moi, je cours y voir !

Ça fait au moins une heure que je farfouille dans ses affaires : pas moyen de trouver les clefs de la porte rouge ! Une porte comme ça, barrée de fer, avec cadenas, je ne peux pas la défoncer ! Je suis comme un gosse de cinq ans frustré : j'ai envie de me rouler par terre ! Et je gueule pour qu'elle m'entende où qu'elle soit ! OÙ T'AS FOUTU LES CLEFS !
Bon ça va pas traîner davantage ! J'aime les solutions efficaces : pas de clef, une tronçonneuse ! Autant que j'aille la chercher je vais gagner du temps !

Le travail est malpropre mais je suis passé ! T'ENTENDS MÉMÉ ? CHU PASSÉ !

Rien ! Derrière la porte c'est une galerie.

Il y a un interrupteur à l'entrée qui allume une vieille ampoule pendant au bout d'un fil électrique improbable ! Je vois pas le fond du couloir par contre ! La vache ! Ça coince ! Autant que dans une décharge !
Au bout du couloir à gauche, dans une pièce invisible de l'entrée, je sais que se trouve enfin le secret de mémé. Je cherche la lumière… que je trouve en tâtonnant le mur. Un éclairage jaune me montre une pièce carrée, un cube de béton avec, au fond, un foyer ventilé par un conduit qui va probablement à l'extérieur.
Je ne peux pas imaginer l'odeur sans cela parce que vraiment ça pue !
Sur ma gauche, il y a une armoire sans porte avec des bouquins et des carnets, j'en prends un dans les mains, il est couvert de l'écriture de mémé ; à chaque ligne un nom, un montant en euros et un vocable bizarre : « honte-à-soi », « renvertigo », « forcicéa », « tendreton », « pousse-au-fer »….
Je délaisse le livre comptable et je regarde ailleurs.
Tout autour de la pièce, une déco d'aliéné s'étale sur les murs tapissés d'étagères : des centaines de flacons s'y empilent ! Les contenus ont un aspect peu ragoutant : des masses du jaune au noir déclinées dans toutes les nuances de gris et de verts, avec des trucs indéfinissables à l'intérieur. Beurk ! L'odeur vient sûrement de là, formol ? Pourriture ?

C'EST DÉGUEU MÉMÉ CROCHE !

Jusqu'à ce que je m'approche et que, face à moi, dans un pot de verre, des yeux morts me regardent du fond des enfers !
Sur le flacon est écrit «Marinade oculaire potion 12 /15/18/76. »
Je recule de surprise et je réalise que la pièce est un rogaton de cadavres ; un cimetière aquatique...

Et que tout ça n'a de sens que si mémé croche était une...

Je voudrais pas spoiler la fin, petit canaillou, si c'est par là que tu commences ! Mais quand même, c'est facile, c'est ma grand-mère !

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