Les aventuriers du langage
Expiration
– Halte ! Sur ordre du cardinal Zheimer, montrez votre laissez-passer !
– Le voilà, monsieur.
– Ne bougez pas pendant que nous le vérifions… Il commence à dater ce laissez-passer, dites-moi… Mais il est en ordre. Lequel de vous est le messager ?
– Bonjour, monsieur le garde. Je m’appelle Étienne et mon ami s’appelle Estèphe. Nous accompagnons tous les deux ce petit garçon au bureau des mots perdus. Il s’appelle Stéphane, comme le roi.
– Trois personnes pour un seul message ? C’est totalement irrégulier, ça !
– Écoutez, soyez gentil, c’est un message très important. Et le petit s’est déjà perdu, c’est pour ça que nous l’accompagnons.
– Je regrette, ce laissez-passer n’est valable que pour une personne. Toi, petit, c’est quoi ton message ?
– Hé bien, je dois retrouver le nom de…
– Le nom d’un ami du cardinal, c’est un message très spécial.
– Un ami du cardinal ?
– Oui, je vais vous montrer notre mandat, signé de sa main en personne. Je l’ai là, approchez-vous. Vous voyez ?
– Faites voir.
– Pschhhhhhit !
– Mais qu’est-ce qu…
– Estèphe ! Mais qu’est-ce que vous avez fait ?
– Étienne, la prochaine fois qu’on croisera un garde, vous me laisserez parler ! Celui-là allait nous causer des problèmes, alors je l’ai vaporisé avec une dose de GABA. Ça va l’endormir un petit moment… Allez, venez, il ne faut pas traîner par ici !
– … Pour le coup de ne pas attirer l’attention, c’est bien joué, c’est sûr…
– Écoutez Étienne, faites-moi confiance. C’était la seule solution.
– Et quand il se réveillera, il va transmettre l’alarme, non ?
– Bah faut espérer qu’on sera loin, d’ici là…
– Monsieur Étienne, Monsieur Estèphe, comment on va faire pour trouver le bureau des mots perdu ?
– Hé bien on va demander, Stéphane. Regarde, il y a plein de messagers qui font la queue, là… Monsieur, s’il vous plaît !
– Ouïe, couac ?
– Pourriez-vous nous indiquer le bureau des mots perdus ?
– Mouah jeu fée l’aqueux pour la faux nez tique, palets maux paire dus !
– Bon, désolé du dérangement, monsieur, hein… On va aller un peu plus loin… Vous avez compris quelque chose à ce qu’il racontait, vous ?
– Non, mais on est dans la zone du langage, on va sûrement entendre des choses étranges…
– C’est pour ça qu’il avait un faux nez, le monsieur ?
– Un faux nez ? Mais non, Stéphane. Pourquoi tu dis ça ?
– Là, Étienne, d’autres messagers qui attendent !
– Bonjour monsieur, nous cherchons le bureau des mots perdus.
– Hello ! I’m sorry but this is the line for the office of the lost in translation, you see.
– Qu’est-ce qu’il dit ?
– C’est rigolo, monsieur Étienne, il parle comme les Anglais, le monsieur.
– Hein ? Les Anglais ?
– Estèphe, vous parlez anglais ?
– Bah non !
– I cannot speak in French anymore, but I can understand you very well. Look, the office of the lost words is this way… It’s the second door on your left.
– Je comprends toujours rien.
– Attendez, Étienne, je crois qu’il nous indique le chemin. Regardez son bras. Il dit qu’il faut aller par-là, puis prendre à gauche deux fois… Ensuite… Ah, il fait non de la tête… À moins que ce soit, par-là et puis la deuxième porte à gauche ! C’est ça, regardez : il fait oui !
– That’s exactly right, gentlemen! Good luck to you!
– Allons-y, Estèphe, dépêchons-nous…
– Ah ! Une autre secousse ! Tenez-vous !...
– …Bon sang, elle est grosse celle-là ! Stéphane, ne me lâche pas la main !
– Ça y est, on peut repartir… Allez, y’a pas une minute à perdre !… L’entrée est là, venez… Bon Dieu, c’est pas possible !
– Mais il y a combien de milliers de messagers dans cette salle ? On va jamais y arriver !
– Étienne, ne bougez pas d’ici avec Stéphane, je vais faire un tour pour voir si je trouve le guichet ou quelque chose.
– Merci Estèphe, ne tardez pas trop quand même… Viens, Stéphane on va essayer de s’asseoir, quelqu’un va bien nous faire une petite place… Là, merci monsieur. Viens à côté de moi, Stéphane.
– Monsieur Étienne, on va devoir faire toute la queue pour trouver le nom de ma maman ?
– Je ne sais pas mon petit, je ne sais pas…
– Monsieur !
– Oui ?
– Je vous --- de m’excuser, mais j’ai --- entendre que votre --- avait perdu le --- de sa maman.
– En effet. Mais nous sommes bien au bureau des mots perdus, non ?
– Oui, mais ici c’est le --- des --- communs et je pense que le --- de sa maman est un --- propre, voyez-vous ?
– Un --- propre ?
– Oui, comme Pierre, Paul, Jaques, Léonard de Vinci, Geronimo, Flipper le Dauphin, Naruto, un --- propre, quoi !
– Ah, un nom propre ! Bien sûr, le nom de sa maman est un nom propre. Et alors ?
– Le guichet des --- propres se trouve de l’ --- côté de cette salle. Il y a --- de monde qu’ici.
– C’est vrai ? Hé bien monsieur, vous nous rendez un immense service, vous savez ! Stéphane, le monsieur dit qu’il y a un autre bureau pour les noms comme celui de ta maman, avec beaucoup moins de monde.
– C’est vrai ?
– Oui ! Allez viens, on va appeler Estèphe pour lui dire. Merci beaucoup monsieur. J’espère que vous allez retrouver vos mots très vite !
– Il n’y a pas de ---. Merci à --- et --- chance !
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