Chapitre 17 : A la recherche

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Ethan

L’odeur du bois ancien, mêlée à celle du cuir des sièges et de la poussière sur les étagères, imprègne la grand salle. Les rideaux tirés laissent passer une lumière dorée qui découpe des ombres nettes sur les visages autour de la table rectangulaire. Appuyé contre le dossier du fauteuil, les bras croisés, le regard sombre, je me penche en avant et m’accoude à la table, le menton posé sur mes mains. J’observe attentivement les visages de chaque personne assise à cette table.

Je serre les dents à chaque fois que les négociations prennent un autre tournant. L’envie de répliquer me brûle la langue mais je dois me contenir, conscient du protocole et de mon statut. Une tension palpable flotte dans l’air, renforcée par les rivalités historiques entre les meutes.

Mon téléphone vibre une première fois dans ma poche, puis une seconde fois. Qui peut bien me contacter dans un moment pareil. J’hésite un instant mais finis par le sortir.

Deux messages d’Owen.

« Aucune trace ici. On a un autre problème. On a trouvé une femme dans la maison abandonnée sur la fin du territoire de Chervlin. »

Un râle ramène le silence dans la pièce. Je lève les yeux et les plisses essayant d’assimiler l’information.

Je réponds rapidement : « Des infos utiles ? »

La tension est encore plus pesante, mon corps tout entier est crispé, prêt à bondir au moindre mensonge ou ânerie sortant de leur bouche.

Owen me répond rapidement : « Elle était seule et a essayé de s’enfuir à deux reprises. Elle ne nous dit rien. »

Je souffle et me frotte les yeux encore plus agacé.

– Il est hors de question que nous cédions une portion de nos terres pour un accord bancal. Ce n’est pas ainsi que nous procédons, dit un vieil homme à la barbe grisonnante, appuyé sur sa canne.

Je lève les yeux de l’écran, le range dans ma poche. Je répondrais plus tard.

– Vous avez contacté ma meute pour obtenir sécurité et soutien, vu ce qu’il se trame ces dernières années. Une protection a un prix et vous étiez au courant avant ma venue. De plus, ce n’est pas un accord bancal.

– Mais une parcelle de terrain c’est bien trop ! Réplique l’Alpha de la meute Spike.

– Que proposez-vous alors ? Dis-je la mâchoire serrée.

Ils s’échangent des regards et l’Alpha soupire. Je tape du poing et me lève brusquement, la chaise raclant le sol dans un grincement qui fait sursauter certains autour de la table.

– Je vous accorde la deux jours. Visiblement, vous en avez besoin. Après quoi, je repartirais avec mes hommes avec ou sans accord signé. Dis-je d’une voix sèche et résignée.

Puis, je quitte la pièce sans attendre de réponse. Une fois à l’extérieur de la maison, je fais un signe de la main à un subordonné.

– On reste un jour de plus, pas plus. Si rien n’est décidé, nous partons pour la prochaine meute.

Vous avez trouvé des infos ? Ajoutai-je par télépathie, pour éviter d’être épié.

Il secoue la tête et sa réponse ne se fait pas attendre :

Aucune trace. Quelques habitants parlent du laboratoire et des disparitions récentes mais cela reste un mystère.

Envoie une équipe fouiller la zone de Chervlin. Owen et Clarsch ont trouvé une femme cachée là-bas. Ordonnais-je avant de grogner de mécontentement.

Et voilà que depuis plusieurs années déjà nous tentons en vain d’établir un pacte avec cette meute au nord…

Je me frotte les tempes, toujours à l’extérieur de la maison. Le froid mord mes joues, mais je l’ignore. Mon corps bout d’impatience. Cela fait des mois que je poursuis des pistes qui ne mènent nulle part. Tout ça pour une femme. Une inconnue. Un rire jaune s’échappe de ma gorge. C’est ironique. Je ne connais même pas son nom et je ne sais pas à quoi elle ressemble. Ce que je sais, c’est que son retour est la condition posée, sans détour, par cette meute fantôme. Depuis deux ans. Deux putains d’années que je frappe à leurs portes, je me déplace à chaque fois, j’attends des heures, parfois des jours. Toujours accueilli par des bêtas silencieux, des omégas méfiants. L’Alpha, lui, ne daigne se montrer.

« L’Alpha ne vous recevra pas. Il ne veut pas impliquer la meute dans vos conflits. »

La même rengaine. Sauf que là, on parle d’une guerre entre les humains, les loups, les fées et bien d’autres espèces. Comment peut-il refuser de nous aider ?!

Ma persévérance à quand même fini par payé il y a plusieurs mois. Alors que je retournais les voir pour la cinquième fois en deux ans, j’ai pu capter quelques informations. Il y aurait une recherche active d’une femme de la meute qui serait portée disparue depuis plus de deux ans. Trouver cette femme semble être une mission urgente, vitale même. Peut-être la compagne de l’Alpha qui s’est fait avoir par le Laboratoire. Alors, j’ai été cash avec les bêtas.

« Vous cherchez une femme, c’est pour cela que vous n’acceptez pas les alliances ? »

Les deux bêtas se sont regardés, sur le qui-vive, puis d’une mâchoire serrée, l’un des deux m’a répondu.

« Notre Alpha la recherche et tant qu’elle n’aura pas été retrouvée et ramenée vivante, aucun pacte, aucune promesses, aucune discussion sérieuse ne sera possible. »

J’ai donc accepté, bien sûr. Que pouvais-je faire d’autre ? Eux aussi sont en guerre contre le Laboratoire et cette alliance est essentielle. Après tout, nos meutes sont liées par un pacte ancien, gravé dans le sang et la loyauté. Leur aide fut déterminante pendant la guerre, et leur retrait a laissé un vide stratégique que je ne peux plus ignorer par les temps qui cours.

Mais à présent…à présent, cette femme occupe tous mes efforts. A chaque fois qu’une piste apparaît, elle s’évapore avant que je n’arrive.

La journée passe, la nuit également. Nous n’obtenons pas plus d’informations et la zone fouillée ne donne rien d’autres. Elle vivait bien seule depuis un moment. Est-ce qu’ils sont au courant qu’il y avait quelqu’un qui vivait dans cette maison abandonnée ?

En fin d’après-midi du deuxième jour, je retourne dans la salle de réception.

– Alors ?

Mon ton est impatient. Ces derniers jours ont été long à donner des ordres et tenter d’obtenir des informations. Quelques zones ont été démantelé dans certaines villes au sud, libérant par la même occasion une multitude de prisonniers-sujets du Laboratoire. Mais rien sur elle.

L’alliance n’est pas conclue avec cette meute. Ils préfèrent rester dans leur coin et faire profil bas. J’abandonne et commence à filer vers les autres points critiques de ma recherche.

Dès que je m’installe dans la voiture, je sors mon téléphone. Encore un message d’Owen. Je décide de l’appeler directement, ce sera plus simple que des messages.

– Tout se passe bien de votre côté ?

– Oui

– Qu’est-ce qu’il se passe Owen ? C’est quoi cette histoire de femme ?

– Un imprévu

– Je me doute bien que ce n’était pas prévu !

J’inspire et reprend mon calme.

– Désolé…La situation est de plus en plus compliqué. J’ai les nerfs en feu. Est-ce qu’elle vous a dit quelque chose ? Ou c’est juste une gêne qui retardera la mission ?

– C’est ça… Elle n’a rien dit de plus, ce n’est qu’une gêne pour l’instant.

– Bon, rentrez, on verra de la suite plus tard. Une fois que vous êtes arrivé, enfermez-la dans la cave et interroge-la jusqu’à ce qu’elle donne une information, n’importe laquelle. Mais pas de violence inutile, c’est un ordre.

Un mal de crâne vient s’ajouter aux tracas du quotidien. Elle me hante à force de la chercher. J’imagine chacun de ses traits, la couleur de sa chevelure, sa taille, son physique… J’essaie d’obtenir une image de son apparence physique pour pouvoir la retrouver plus facilement. Mais impossible sans photo. De longs cheveux, plutôt fine et élancée. Elle serait courageuse, aurait une forte volonté mais c’est sa compassion qui l’aurait perdu. La dernière information qu’ils ont daignée me donner pour la retrouvée fut qu’elle était avec un groupe d’humain et de quelques louveteaux. Elle s’est défendue corps et âme pour les protégés mais seule, elle n’a pas pu résister lorsqu’ils ont pris les enfants en otage.

Après tout, une seule louve ne fait pas le poids contre des assaillants armés d’inhibiteurs.

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