Chapitre 1 :
Dès son plus jeune âge, Iris Smarta était dotée d’une intelligence exceptionnelle. Elle en était consciente, ses parents en étaient conscients, ses amis aussi. Tout le monde l’était. Mais la jeune fille préférait mettre son intelligence à l’écart, et l’utilisait si nécessaire. Elle n’était pas le genre de fille à se la raconter, ni la fille première de la classe sans amis. Elle ne faisait pas partie des stéréotypés, et elle en était très fière. C’était une jeune fille simple et qui donnait l’illusion d’être normale. Certes à seize ans, elle avait déjà entamé ses études supérieures depuis un moment, certes, elle était la plus jeune et la première de sa promotion. Mais elle possédait des amis et un don incroyable.
Enfin… Trois amis pour être exact. Être entouré d’une tonne d’amis ne l’intéressait pas, elle préférait avoir peu d’amis fidèles avec qui elle était comme les doigts de la main.
Iris était fille unique. Ses parents vivaient dans le cinquième clan. Un peuple neutre ne prenant pas part au conflit des quatre autres clans. Ses parents travaillaient tous les deux très durs, ils vivaient dans des quartiers assez défavorisés, ils pouvaient se payer beaucoup mieux, mais c’était soit les maisons de riches, soit les appartements dans des cités pas très sûres. Mais les maisons de riches étaient bien trop chères pour eux. Pourtant, il y a des années, des maisons pour la classe moyenne avaient été construites, mais plus aucune n’était à vendre. Le clan dans lequel Iris vivait s’appelait l'Opartisk. L’histoire des clans lui était très floue, elle s’en fichait pas mal. Pour elle, comme les conflits entre clans ne concernaient pas le sien, elle n’avait pas besoin d’en savoir un peu plus sur les autres clans. C’était absurde. C’était peut-être l’histoire de son monde, mais elle ne voulait pas la connaître.
Sa famille venait d’une lignée qui n’était pas purement Opartisk. Elle ne savait pas vraiment comment c'était possible puisque son pays n'avait pas de lien avec les autres mais au fond, elle s’en fichait aussi. À seize ans, elle avait beau étudier la médecine, elle ne savait pas ce qui l’intéressait vraiment. Elle avait juste la soif de connaissances pour certains sujets. D’autres sujets l’endormaient. La jeune fille ne savait pas où elle en était dans sa vie, mais elle ne s'en souciait pas vraiment. Pour Iris, elle avait tout son temps, et si elle ne trouvait pas, elle ferait ce à quoi ses parents la prédestinaient : chirurgienne. Dans sa famille, Iris était la petite vedette malgré elle. Sa grande intelligence faisait que toute sa famille, du moins, la rare partie qu’elle fréquentait était heureuse et fière de l’avoir. Certains aimaient beaucoup lui poser des questions pour la tester, ce qu’elle détestait car elle avait l’impression d’être prise pour un objet. Ses parents n’étant pas souvent là, elle était devenue rapidement autonome et s'était entourée d’amis fidèles pour ne pas rester toute seule. Elle n’avait pas beaucoup de membres de sa famille ayant son âge, seul un cousin habitant à l’autre bout du peuple qui avait un an de plus. Son père travaillait dans une agence immobilière et sa mère occupait un poste haut placé dans une grande entreprise qui marchait bien partout dans son peuple. Mais tout son peuple allait bientôt basculer. Le monde allait bientôt basculer.
Ce jour-là, Iris n’avait pas cours. Les vacances venaient tout juste de commencer. La jeune surdouée était heureuse de pouvoir retrouver ses amis. Elle voyait Marin tous les jours, mais elle n’avait pas la chance de voir son meilleur ami et Cassandra tout le temps. À peine les vacances commencées, la petite bande s’était préparée un planning de jours et d’horaires pour se voir. Ils avaient un QG bien à eux pour leur groupe. C’était pour cela, qu’Iris n’avait pas fait de grasse matinée. À neuf heures, elle sortit de sa chambre, les cheveux en bataille, la démarche traînante et les yeux mi-clos pour préparer son petit déjeuner. La jeune fille trouva un petit bout de papier collé sur le réfrigérateur avec un aimant. Aujourd’hui, c’était l’écriture de sa mère.
Papa est à son travail. Je sais que j’aurais dû rester jusqu’à cette après-midi, mais j’ai eu une urgence au boulot, ils ont besoin de moi. Je t’ai préparé ton déjeuner, il est dans le frigo, tu n’auras qu’à le réchauffer aux micro-ondes. Passe une bonne journée.
Bisous, Maman.
La surdouée soupira. Ce n’était pas la première fois que sa mère lui faisait ce coup-là. De toute façon, même si elle était là, elle ne l’aurait pas vu beaucoup puisqu’elle allait voir ses amis. Dans sa famille, elle avait beau être fille unique, la communication était coupée de toutes parts. Ses parents travaillaient tellement qu’ils rentraient, mangeaient, parlaient peu et s’endormaient. Une vie d’employé qui faisait mal au cœur de la jeune fille. Et ils n’avaient toujours pas les moyens de se payer une maison dans un quartier aisé du peuple ! Pourtant, le reste de sa famille vivait dans la partie aisée du peuple. Cela empêchait Iris de voir son unique cousin de son âge. Elle le voyait une fois par an, peut-être même une fois tous les deux ans. Il y avait très peu de réunions de famille, ses parents et elle étaient un peu reniés du reste. La jeune fille habitait dans une cité, pas très sûre, mais il y avait pire.
Enfin… Pour Iris, il y avait toujours pire. Elle pensait que ce n’était pas tout à fait mieux dans les autres clans. Il y avait les guerres et les conflits. Son clan se faisait oublier des autres, et ce n’était pas plus mal. Après avoir reposé le papier, elle ramena une mèche de sa touffe auburn en arrière. Elle consulta sa montre et prit son petit déjeuner rapidement. Après s’être préparée, elle prit son sac en bandoulière où elle glissa son repas du midi. Elle enfila une veste en jean et partit de son appartement. Elle descendit rapidement les escaliers, elle avait hâte de quitter son immeuble, à cette heure-là, ce n’était pas très prudent d’y rester. Une bande de garçons traînait dans le hall, bloquant même la sortie. Voyant qu’il n’allait pas la laisser passer, Iris décida de passer par la sortie de derrière.
— Et mais où vas-tu comme cela ? On ne part pas d’ici sans notre autorisation, comprit ! s’exclama un garçon de la bande.
Iris s’immobilisa. Si elle courait, ils allaient la rattraper rapidement, ils étaient beaucoup plus rapides qu’elle. La jeune fille en avait tellement l’habitude désormais. Ce groupe avait pris l’immeuble pour leur terrain de jeu, leur possession. Il ne fallait pas les énerver, sinon on pouvait vite le regretter. Ils embêtaient et rackettaient les personnes âgées, les jeunes enfants et tous ceux qui étaient plus petits qu’eux. Et, malheureusement pour Iris, elle était plus petite qu’eux. Ils étaient un peu les tyrans de l’immeuble, pourtant, il n’y en avait qu’un qui y habitait vraiment : son voisin et ancien ami, Fred. Il était tombé dans le mauvais côté, c’était pour cela qu’elle avait arrêté de le voir. Ses parents lui avaient un peu forcé la main aussi. La bande de garçons l’encercla et le dénommé Fred s’approcha d’elle.
— Alors qu’as-tu à nous donner, aujourd’hui ?
— Je n’ai qu’un en-cas, pas d’argent, alors vous pouvez me laisser tranquille. Vous n’en avez pas marre de vous attaquer à des plus petits que vous ? C’est incroyablement lâche. Mais bon, cela ne m’étonne plus de vous.
L’intéressé ne semblait pas être très heureux de sa description donnée par Iris. Ni de sa remarque pourtant vraie. Il l’attrapa par le col de son t-shirt et approcha son visage du sien. Il la regarda avec fureur, la reposa et lui tendit sa main. Mais aujourd’hui, Iris s’était décidée à ne pas se laisser faire. Cela faisait trop longtemps qu’elle ne s’était pas rebellée. La dernière fois devait sûrement remonter il y a un mois. Au lieu de sortie son déjeuner, elle lui empoigna la main, prit le même bras avec son autre main, et elle le tira avec toute sa puissance pour qu’il atterrisse sur ses amis. Et c’est ce qui se passa très rapidement. Le garçon, n’ayant aucun sens de l’équilibre, tomba sur deux de ses amis. Le reste de la troupe l’entoura pour s’assurer s’il allait bien.
— Iris ! Dépêche-toi un peu !
La voix provenait d’une silhouette que la jeune fille voyait au loin. La silhouette commençait déjà à s’en aller et la jeune fille prit les jambes à son cou. Le temps que les garçons réalisent qu’elle était partie, elle serait déjà loin. Elle passa dans un couloir étroit qui menait à une sortie derrière le bâtiment. Les gens la considéraient comme une sortie, mais c’était juste là que les poubelles étaient entreposées. Pour sortir, il fallait grimper sur les poubelles et s’accrocher au grillage pour descendre du côté de la rue. C’était une astuce que peu de personnes utilisaient. Mais quand les portes étaient fermées, ou qu’elle voulait faire le mur, Iris l’utilisait.
— Tu as décidé de ne pas te laisser faire aujourd’hui, déclara quelqu’un derrière elle.
C’était la même voix qui lui avait dit de se dépêcher. Elle se retourna et sourit. Un garçon un peu plus grand qu’elle lui faisait face. Un sourire un peu moqueur, une peau très claire, ses cheveux blonds légèrement bouclés court et son fidèle regard espiègle. Rien que le son de sa voix permettait à Iris de le reconnaître. Et même s’il changeait, elle le reconnaîtrait toujours. Parce qu’ils restaient soudés. C’était son meilleur ami, Kilian, un garçon de son âge. C’était un blagueur dans l’âme et un bon copain. Ce n’était pas le genre à se prendre la tête. Il adorait la mécanique et la technologie. Il adorait créer de nouveaux gadgets. Iris avait grandi avec lui, mais il ne possédait pas le même talent que le sien. Il était dans une classe normale pour son âge, mais il faisait partie des élèves les plus doués. Malgré tout, cela ne les avait pas empêchés d’être les meilleurs amis au monde. Même avec leur emploi du temps chargé et leur étude, ils arrivaient à se retrouver.
— Que fais-tu ici ? On devait se rejoindre avec les autres au QG.
— J’attendais Cassandra, mais elle ne venait toujours pas. Donc j’en avais marre de l’attendre, et je suis venu. Sauf que toi tu es rapide, donc comme l’attente commençait à être longue, je suis allé voir. De vrais imbéciles ceux-là, expliqua-t-il.
— Toujours dans la délicatesse mon cher Kilian ! Ils voulaient de l’argent, je n’en avais pas, donc, ils voulaient mon déjeuner, mais hors de question de les laisser faire. Pas question d’avoir le ventre vide.
Kilian passa d’une façon amicale son bras autour des épaules de la jeune fille.
— Bon, ce n’est pas tout miss je-suis-surdouée, mais là, Marin et Cassandra doivent sûrement nous attendre.
Ce n’était pas faux. À cause des autres imbéciles, ils avaient sûrement dû perdre du temps. Ils empruntèrent leur raccourci spécial. Les rues se ressemblaient toutes, le raccourci traversait deux rues. Seuls eux deux le connaissaient. Ce raccourci les mena directement devant une maison en bois visiblement abandonnée : leur QG. Ils l’avaient emménagée à leur manière, et ils s’y sentaient bien. Si cela ne tenait qu’à eux, ils auraient pu y passer leur vie. Ce QG n’était connu de personne, il était isolé de tout habitat, mais proche des usines. Les deux adolescents pénétrèrent à l’intérieur. Il n’y avait qu’une seule pièce, avec une télévision, un sofa, une table, un micro-onde, un four, un frigo et des objets scientifiques. Un jeune homme blond à lunettes en tenait en main, et une jeune fille brune était assise sur le canapé. Leurs deux autres amis.
Marin âgé de vingt ans. C’était le plus vieux du groupe. Iris l’avait rencontré en dernière année du cursus scolaire normale, ils avaient sympathisé, et il était peu à peu rentré dans le groupe malgré la différence d’âge. Marin était un garçon mature, il ne jurait que par la science, la logique et la réflexion. Dans le groupe, il était plutôt comme un grand frère. C’était le confident et celui que l’on venait voir pour demander des conseils. Cela ne lui déplaisait pas nécessairement, mais quelques fois, cela l’agaçait et l’exaspérait. Sa spécialité était de savoir tout sur tout. Un peu comme Iris quelques fois.
Et il y avait Cassandra. Elle avait un an de plus que Kilian et Iris. Elle était la voisine de Kilian, c’était ce qui avait créé son amitié. L'adolescente était aussi la meilleure amie d’Iris. Cassandra avait redoublé une classe suite à des problèmes de santé l’empêchant de faire son année. Elle était dans la même classe que Kilian et elle ne se débrouillait pas trop mal. C’était une jeune fille assez douce, mais qui savait quand même s’imposer même si, quelques fois, elle n’y arrivait pas. Elle pouvait se laisser influencer facilement par certaines personnes. Cette jeune fille avait une étonnante passion pour les photos de famille qu’elle collectionnait.
— Coucou tout le monde ! s’exclama Kilian.
Le blondinet lâcha ses instruments, et la jeune fille se leva du canapé. La jeune fille avait l’air tendu.
— Hou là ! Cela n’a pas l’air d’aller, Cassandra, remarqua Iris.
— Ne me dites pas qu’il n’y a que Marin et moi qui avons entendu la rumeur !
Les deux meilleurs amis s’échangèrent un regard surpris. Mais de quoi parlait-elle ? Kilian et Iris n’en avaient pas entendu parler. Alors qu’Iris allait lui demander de quoi elle parlait, Cassandra lui répondit sans même que la question soit posée.
— Il y a une rumeur qui circule partout dans notre peuple. Les conseillers auraient accepté de prendre parti pour la guerre des autres clans. C’était peut-être vrai, et si c’est vrai, reste à savoir avec qui, raconta Cassandra.
Loin d’être déstabilisée par l’annonce de son amie, Iris enleva son manteau, enleva sa sacoche et s’assit sur le sofa. Elle s’installa dans une position confortable et lança un regard à son amie. Celle-ci guettait une éventuelle réponse. La surdouée du groupe décida de lui en fournir une pendant que Kilian entreprit de faire ce qu’elle venait de faire.
— Pour tous de dire, et tu le sais déjà, je ne crois pas aux rumeurs. Si c’était vrai, on le verrait à la télévision. Mais si cela devait arriver… Je serais dans l’obligation d’allée à la bibliothèque pour m’informer sur les clans. Ne serait-ce que leur nom. Bon, d’accord là, j’exagère un peu, je connais leur nom. Mais je ne connais rien d’autre des clans.
Iris se moquait des autres clans. Elle s’en fichait du sien aussi. Tout ce qui lui importait, c’était sa famille et ses amis. Elle ne voulait pas entendre parler d’histoire de clan. Pire, de guerre entre les clans ! Au fond, elle était pour un seul peuple. Plusieurs peuples ne servaient à rien. C’était mieux un seul. C’était beaucoup moins compliqué, déjà pour avoir la même mentalité, et c’était mieux car il n’y aurait plus de conflit. Ni de guerre. Avec un seul peuple, tout serait plus facile et le monde arrêterait de se déchirer pour des histoires plus que minimes. Au moindre conflit, c’était une guerre qui éclatait. Iris ne savait pas vraiment ce qui se passait à l’extérieur, mais à en entendre Cassandra, c’était une grande guerre interminable à laquelle se livraient les quatre clans. Pour Iris, ils avaient de la chance : ils vivaient dans le clan oublié. Et c’était le mieux pour eux. Même s’ils devaient sûrement y avoir meilleur. La surdouée n’attendait pas de réponse, mais Marin, fit honneur à son statut de Monsieur-qui-c’est-tout :
— C’est simple. Le minimum que tu dois savoir, c’est qu’il y a cinq clans. Le nôtre, Opartisk, le clan oublié et qui ne se mêle pas à la guerre des autres, enfin, pas pour l’instant. Le clan du nord, Thuath, le clan du Sud, Dheas, le clan de l’est, Kuyinto et le clan de l’ouest, Siar. Pour plus pousser, on est dans le même territoire que le désert qui est un territoire neutre, logiquement il nous appartient. Et donc vers l’est, vers Kuyinto, on a une frontière. Un océan nous sépare des trois autres. Un qui nous sépare de Siar qui est sur le même territoire que Dheas. Mais Dheas est très au Sud. Puis Thuath est très au nord, séparé des autres clans. Son territoire est énorme.
C’était déjà pas mal, Iris avait appris quelque chose. La seule chose qu’elle savait de base, c’était où elle se situait par rapport aux autres. Maintenant, elle en savait un peu plus sur les pays potentiellement rivaux et alliés. Iris connaissait aussi qu'ils se situaient au Sud de leur clan, les gens aisés habitaient au Nord. Le désert qu’aucun des clans n’avait en possession, et qui s’étendait sur beaucoup d’espaces n’abritait personne. Peut-être que les autres clans se la disputaient, mais dans ce cas-là, cela devrait revenir à eux. Le clan Opartisk était le plus petit et le plus près. Marin et Cassandra ne semblaient pas convaincus par Iris.
Les deux jeunes gens avaient peur que leur clan prenne part à la guerre. Ils ne le voulaient pas, mais ils ne le décidaient pas. Kilian, lui, était de l’avis d’Iris. Pour lui, l’idée de commencer la guerre après tant d’années était tout simplement absurde. Certes, beaucoup de conseillers avaient changé, mais ils n’étaient pas assez stupides pour prendre part à la guerre. Tout le monde savait que cela causerait de gros dégâts. Garder la distance entre les guerres et leur clan était primordial. Si la rumeur se révélait être vraie, une rébellion allait éclater. La plupart des habitants souhaitaient ne pas faire partie de la guerre. Ils préféraient la sérénité à la violence, et ils avaient bien raison.
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