Chapitre 21 :
La question de l’adolescente avait fait taire tout le monde. Et d’ailleurs, ils s'étaient tous tournés vers elle pour la regarder. Ce qu’elle avait dit les inquiétait.
— En même temps, ils n’avaient pas que cela à faire d’attendre devant une porte fermée, ils sont sûrement partis dans la salle commune des adultes ou ils dorment tout simplement, déclara Kilian en fourrant les mains dans ses poches.
— C’est vrai, concéda la jeune fille, elle consulta sa montre. Il se fait tard. Je pense que c’est bon ! Allons chercher nos valises. On se rejoint dans le hall ! continua-t-elle en tapant des mains.
La bande se sépara pour aller chercher ses valises. Certes ils avaient eu un petit contretemps, mais la jeune fille était certaine que les surveillants devaient les attendre dans le hall. Iris avait déjà pris sa valise et elle accompagna Samuel jusqu’à sa chambre. Elle aurait voulu accompagner Kilian et ses deux amis mais elle n’aurait pas pu parler à Kilian seul à seul. Il l’ignorait déjà presque, donc cela aurait été difficile d’engager la conversation. Vraiment difficile. Lorsque Samuel ressortit de sa chambre, il s’arrêta un moment pour fixer Iris.
— Toi… Y a quelque chose qui ne va pas, déclara-t-il en s’appuyant contre le mur.
La jeune fille le regarda puis soupira. Elle avait le sentiment que… Samuel la connaissait aussi bien que Kilian, en plus de cela, elle ne s’était jamais disputée avec lui. En pensant à son meilleur ami, elle eut un pincement au cœur. Si elle voulait tout dire à Samuel, elle allait devoir lui dire qu’elle ne leur avait pas parlé de l’avertissement de Past. Est-ce que Samuel lui en voudrait ? Elle espérait que non.
— Je… Promets-moi que tu ne m’en voudras pas, glapit-elle en le regardant dans les yeux.
— Pourquoi t'en voudrais-je ? lui dit-il après avoir haussé les sourcils.
Iris soupira avant de détourner son regard. Puis elle lui raconta pourquoi Kilian était en colère. Elle lui expliqua que Nicolas l’avait prévenu mais qu’elle ne l’avait pas cru. Elle ne comprenait pas comment Kilian avait pu l’apprendre. Puis elle lui apprit qu’il ne voulait pas lui parler, qu’il ne voulait pas qu’ils s’expliquent. Et qu’elle ne savait pas quoi faire. Qu’elle s’en voulait et qu’elle aurait dû en parler à tout le monde.
— Tu comprends Sam ? Et le pire. Tu vois le pire… C’est que je sais même pas comment il a su cela. Je ne sais pas comment, quand, où et par qui. Et je ne pensais pas qu’il allait le prendre aussi mal.
Iris en avait les larmes aux yeux. Samuel s’approcha d’elle et posa une main réconfortante sur son épaule.
— Ce n’est pas grave, j’aurais fait pareil à ta place. On sait tous les deux que c’est difficile de croire Past (Iris posa sa tête sur l’épaule du garçon, apaisée). Sèche tes larmes, cela ne vaut pas la peine que tu pleures. Pas pour cela. Je peux comprendre Kilian aussi, il a dû se sentir trahi. Mais vous vous expliquerez après, pour l’instant, on part d’ici, loin des conseillers et des yeux de l’État.
Iris s’écarta et lui sourit, puis, les deux surdoués quittèrent le couloir pour rejoindre le hall. Quand ils arrivèrent les autres surdoués étaient déjà là, et quatre adultes étaient avec eux. Trois hommes et une femme. Iris fut déçue de ne pas voir Amanda, mais cette dernière était en mission en Thuath, donc il était évident qu’elle ne serait pas là.
— Les autres n’étaient pas avec vous ? Et vous en avez mis du temps, remarqua Lilian.
— On parlait, annonça Iris.
Ils attendirent un quart d’heure, mais rien n'y fit, Kilian, Cassandra, Liam et Charles n’étaient toujours pas là ! La plus intelligente des surdoués commençait à s’inquiéter. Elle s’était assise sur une marche d’un escalier, entre Maryline et Kendra. Elle fixait Samuel qui n’arrêtait pas de marcher dans tous les sens, il semblait tendu lui aussi… Pensait-il à la même chose qu’elle ? Au fond, elle espérait que non, elle espérait qu’ils se trompent tous les deux. Mais si lui aussi pensait cela, c’est que cela confirmait son inquiétude. Un des surveillants faisant partie de l’association leva son bras devant lui pour regarder sa montre. Il soupira, regarda ses collègues qui baissèrent la tête d’un petit geste sec avant de la relever. Il se tourna vers la bande.
— Bon… Le temps s’écoule rapidement. Et vos amis ne sont toujours pas là. Je ne sais pas ce qu’ils trafiquent, mais nous allons partir, et ils ne pourront pas partir avec nous, déclara-t-il dans des soupirs.
Iris se releva d’un bon, atterrissant sur le sol au lieu de la marche. Les poings fermés, elle lança un bref regard à Samuel avant de regarder les adultes.
— Avec Samuel on va aller voir, et si on ne les trouve pas on revient, proposa-t-elle.
L’agent de l’association semblait hésité, Iris ferma les yeux et elle sentit la main de Samuel lui effleurer le dos quand il vint se mettre à ses côtés.
— Bon, d’accord ! Mais dépêchez-vous !
Iris et Samuel ne se firent pas prier, ils détallèrent vers l’escalier de l’aile de la chambre des garçons. Ils s’arrêtèrent devant leur porte et Iris toqua. La porte ne s’ouvrit pas. La jeune fille fronça les sourcils et échangea un regard à son ami avant d’ouvrir la porte. Il n’y avait personne. Iris lâcha la porte et avança dans la pièce.
— Peut-être qu’ils sont partis avant que l’on arrive, déclara Samuel.
Iris secoua la tête et se tourna vers lui, revenant dans le couloir.
— On les aurait croisés, ils doivent sûrement chercher Cassandra.
Iris espérait que ce soit cela. Samuel aussi. Ils ne voulaient pas penser à la raison de leur inquiétude commune. Ils croisaient les doigts pour que cela ne se passe pas comme cela. Ils ne coururent pas pour aller jusqu’à la chambre de Cassandra. La jeune fille ignorait si son amie avait des colocataires de chambre, mais comme c’était majoritairement le cas, Iris pensait que si. Quand elle ouvrit la porte sans toquer, elle remarqua bien qu’un des lits était vide. Son cœur se serra et elle referma la porte derrière elle. Elle se tourna lentement vers Samuel qui la dévisagea.
— Ils sont peut-être partis cette fois, tenta le garçon, sans le penser mais essayant de réconforter son amie.
Iris plongea son regard triste dans celui de Samuel.
— Sam… Tu penses à la même chose que moi…
— Et je préférais ne pas y croire tout autant que toi.
Elle laissa échapper un rire nerveux puis se rembrunit. Ce qu’ils pouvaient potentiellement découvrir n’était nullement joyeux pour eux. Et elle n’avait pas du tout envie que cela arrive, Samuel non plus.
— Bon, allons-y. Il vaut mieux que le moment passe vite que lentement.
Iris soupira et suivit Samuel qui prit les couloirs qui menaient le plus rapidement à l’escalier du deuxième étage. Lorsqu’elle montait les marches une par une, plus lentement les unes que les autres, Iris sentait son cœur battre à tout rompre, mais pas que. Elle avait aussi mal, car même si elle et Samuel ne voulaient pas voir cela, ne voulaient pas souhaiter cela, au fond, elle savait que c’était ce qu’ils allaient découvrir. Arrivée à l’étage, elle se posta à côté de Samuel qui resta un moment au milieu.
— Il faut attendre un peu avant d’être certain… souffla Iris dans un murmure presque inaudible.
Samuel secoua légèrement la tête et décida de s’appuyer contre le mur. Iris n’en avait pas envie. La surdouée ne se contenta que de soupirer. Son regard fit plusieurs aller-retour de Samuel à la porte. Cette porte qui restait fermée et qu’elle n'espérait ne pas voir s'ouvrir. Plus les secondes s’écoulaient, plus l’espoir commençait à l’envahir petit à petit. Samuel restait discret, le jeune homme regardait la porte, les mains dans le dos. Il ne se laissait pas aller à l’espoir comme son amie, il préférait la garder en tête sans oublier ses doutes. Si ses derniers s’avéraient fondés, il pourrait tomber de haut, et il ne le voulait pas. De toute façon, Iris allait plus tomber de cinq cents étages que lui, et le jeune surdoué se devait d’être là pour aider son amie, pour la soutenir, et ne pas la laisser tomber avant qu’elle aille mieux… Ne pas la laisser tomber tout court était plus exacte.
Quand la poignée se baissa, Samuel retint son souffle et se décolla du mur pour se poster rapidement derrière Iris. Dès que cette dernière vit ses meilleurs amis et leurs amis sortirent avec le conseiller Christian, ses derniers espoirs s’effondrèrent en poussière.
Kilian tourna la tête vers les deux personnes derrière eux. Son choix n’avait pas été facile, mais il l’avait fait. Et pour l’instant, il ne pouvait pas lui expliquer. Il ferma les yeux.
— Je… Désolé Iris.
Cette fois, ce fut la jeune fille qui ferma les yeux. Comment pouvait-il faire cela ? Lui, son meilleur ami… Et Cassandra, c’était sa meilleure amie aussi comment pouvaient-ils la trahir à ce point ? Iris savait très bien qu’ils ne s’expliqueraient pas. Il était trop tard, elle devait bientôt partir, et ils partiraient, eux aussi, de leur côté. Sauf qu’elle aurait tant voulu une réponse, une quelconque excuse. Il était trop tard. Iris rouvrit les yeux.
— Pourquoi ? souffla-t-elle.
Elle sentit Samuel lui prendre la main. Il se préparait à courir.
— Je suis désolé, répéta Kilian. Ton plan ne marchera pas non plus.
Iris écarquilla les yeux et regarda les surveillants qui commençaient à avancer vers eux. Kilian n’avait pas seulement voulu rejoindre l’État… Il avait aussi essayé de la retenir ici alors qu’elle voulait partir. Il avait voulu la garder ici à la merci des conseillers… La tristesse de la surdouée avait été remplacée par de la colère. Cela voulait donc dire que les conseillers savaient que l’association existait. Ils feront donc tout pour la trouver… Mais pourquoi avait-il fait cela ?
Iris sentit Samuel saisir sa main derrière elle. La jeune fille comprit qu'il allait courir. Il lâcha sa main et la jeune fille se retourna pour courir à sa suite. Kilian prononça quelque chose qu’elle n’entendit pas.
— Rattrapez-les ! hurla un adulte.
Iris essaya de suivre Samuel qui commençait à accélérer. La surdouée essayait de courir le plus vite possible, elle faillit tomber dans les escaliers mais comme Samuel la tira vers l’avant elle put continuer sa course. Samuel zigzaguait dans les couloirs, de temps à autre il regardait derrière lui. Les surveillants n’étaient pas loin, mais ils commençaient lentement à perdre leur trace.
— Ne ralentis pas ! haleta le surdoué.
Malheureusement pour eux, quelques surveillants les attendaient au bout du couloir. Samuel s’arrêta brusquement et souffla un juron, énervé. Iris se cogna contre Samuel et il la rattrapa avant qu’elle tombe. Ils ne pouvaient plus s’enfuir. Iris siffla avant de se mettre à côté de son ami. Ils s’échangèrent plusieurs regards comme s’ils entretenaient une discussion, comme si leur regard était leur parole. Le problème, c’est qu’ils ne pouvaient rien faire pour se sortir de là. Il y avait trop de surveillant pour qu’ils puissent forcer le passage, et aucun d’eux ne pouvait faire diversion. De toute manière, si l'un réussissait, le deuxième ne voudrait pas s’enfuir sans l’autre. Ils étaient plutôt coincés.
Les deux adolescents entendirent des pas provenant de derrière eux. Ils se retournèrent au moment où les surveillants s’écartèrent pour laisser passer le conseiller Christian suivi des autres adolescents. Iris les fusilla du regard mais évita le regard de Cassandra et Kilian. Elle sentait que ce dernier la regardait et la jeune fille en était un peu déstabilisée. Elle essaya de chasser cette gêne de son esprit. Samuel fronça les sourcils et Iris fit un pas en arrière.
— Bien… Maintenant que vous avez cessé de vouloir vous échapper, vous allez enfin pouvoir répondre à mes questions ! déclara le conseiller en se postant devant eux. Suivez-moi, on va parler dans un endroit un peu plus approprié. N’essayez pas de nous fausser compagnie, vous n’y arriverez pas.
Iris et Samuel ne suivirent pas tout de suite. Mais quand on les poussa vers l’avant, ils se mirent à marcher d’un pas lent. Est-ce que les autres allaient partir sans eux ? Ils voulaient qu’ils le fassent, mais ils espéraient qu’ils viennent les chercher. Après avoir traversé plusieurs couloirs, ils reprirent l’escalier et le conseiller les fit rentrer dans le bureau du directeur. Ils s’assirent sur les deux chaises rapidement pour empêcher les quatre autres de s’y asseoir. Ils les avaient livrés à l’État. Ils ne méritaient donc pas leur pitié ni d’être appelés amis.
Iris croisa les bras et fit dériver son regard pour ne pas en croiser d’autres. Elle se trouvait étrangement calme alors qu’elle avait été très énervée quelques minutes auparavant. Samuel fixait le conseiller en tapant un de ses pieds par terre. Après un long silence, la porte s’ouvrit et un homme traversa la pièce pour venir au côté du conseiller. Il s’appuya contre le mur. Il souriait. Leur secret avait été percé à jour et c’était le premier à s’en réjouir. C’était Nicolas Past. Iris ne put s’empêcher de s’attarder sur lui et de lui lancer des regards aussi noirs que furieux.
— Bien… Merci d’être venu aussi rapidement Monsieur Past. Je pensais que vous seriez content de suivre cet interrogatoire, déclara le conseiller en fixant les deux adolescents assis.
Iris réprima un grognement avant de poser son regard sur Samuel et d’y rester. Nicolas les observait, essayant de deviner ce qu’ils pensaient et comptaient répondre. Sauf que même s’il était resté longtemps tout seul avec eux, il n’arrivait pas à prédire ce qu’ils comptaient faire ou ne pas faire. Le conseiller laissa une longue pause s’installer, si bien, que le silence en devenait pesant. Le conseiller Christian poussa un long soupir avant de se racler la gorge.
— Kilian, Cassandra, Liam et Charles ont été très raisonnables. Si bien que j’ai l’impression que ce sont eux les surdoués. Ils ont accepté mon offre et ont raconté ce que vous comptiez faire… J’ai demandé à d’autres surveillants d’aller chercher les autres surdoués et de les amener. Bien évidemment, je peux commencer sans eux.
Il fixa les deux surdoués puis sourit aux autres adolescents.
— Qu’est-ce que l’association exactement ? Et qui sont ses membres ? Vos quatre amis n’ont pas su vraiment m’expliquer et me répondre, mais je suis certain, que vous, vous pouvez m’apporter des réponses plus claires et complètes. Donc, j’attends vos réponses.
Iris et Samuel échangèrent un regard, puis la jeune fille fixa M. Past qui la fixait, elle. Leurs regards se croisèrent, et la jeune fille arriva à discerner de la fierté et de la méfiance… Cela lui semblait logique de la part de son ancien surveillant.
— Si vous comptez sur moi pour vous fournir des réponses, eh bien c’est raté, je ne vous dirai rien, déclara-t-elle sèchement.
Le conseiller souffla puis se tourna vers Samuel. Nicolas fixait toujours Iris. La jeune fille fut surprise de ne pas déceler de la colère dans son regard. Il voulait savoir la vérité et tout ce qu’ils avaient tenté de dissimuler, alors elle aurait trouvé cela normal qu’il soit furieux. Sauf qu’il ne l’était pas. Nicolas était vraiment… Quelqu’un de très étrange, même plus qu’étrange. Samuel fixait le sol et faisait pianoter ses doigts contre le bureau. Il prenait un malin plaisir à faire perdre patience au conseiller et à répondre le plus tard possible. Puis il s’enfonça dans sa chaise, se rembrunit et lança un regard à Iris.
— Tout ce que je peux vous dire… C’est que vous en savez déjà beaucoup et que cela ne vous regarde pas. Je ne vous dirai rien de plus, et cela ne changera pas. Mes amis ne vous diront rien non plus, on campera toujours sur la même position. Vous n’en saurez pas plus (Il se redressa et sa bouche se souleva en un demi-sourire). Et vous ne connaissez personne d’autre susceptible de vous donner les informations que vous souhaitez… Pour faire plus clair, vous n’en apprendrez pas plus sur l’association secrète.
Le conseiller soupira alors que M. Past grogna. Il se décolla du mur pour poser ses paumes sur la table. L’ancien surveillant commençait à perdre patience. Non, pas qu’il voulait absolument savoir ce qu’était l’association… Enfin si, il voulait savoir, mais il n’était pas furieux à cause de cette histoire d’association. L’adulte était enragé car cela prolongeait son séjour et l’empêchait de partir pour l’armée plus tôt. Iris savait bien que tout ce qu’il voulait, c’était se battre pour son peuple, défendre son peuple des autres peuples. Même si la jeune fille le haïssait, elle trouvait cela sincèrement admirable comme ambition, que ce soit Past ou quelqu’un d’autre. La surdouée arrivait aussi à deviner que Past n’était pas seulement un humble citoyen, mais aussi un citoyen qui prenait les lois et les règles très à cœur. La jeune fille détourna son regard du nouveau militaire et se mordilla la lèvre. La jeune fille espérait que les autres ne se laisseraient pas faire par les surveillants venant les chercher. Elle voulait qu’ils tentent quelque chose, au moins, pour être certain de ne rien regretter. Pour être certain, de ne rater aucune opportunité convenable…
Iris en frissonna. Penser à tout cela faisait remonter Kilian et Cassandra à la surface. Au fond, elle n’en voulait pas vraiment à Liam et Charles, elle les connaissait à peine. Ils lui importaient peu, ils n’étaient rien dans sa vie. La seule chose qu’elle déplorait, c’était de leur avoir révélé autant sur l’association. La jeune fille avait réellement cru qu’ils étaient bons, mais apparemment, elle s’était trompée. Iris se demandait si depuis le début ils avaient tous prévu. Si c’était le cas, elle n’avait rien vu.
À l’inverse, elle en voulait énormément à ses deux meilleurs amis. Kilian et Cassandra. La jeune surdouée accumulait vraiment de la rancœur et une immense déception. Ils étaient ses deux meilleurs amis. Et surtout, Kilian. Elle les connaissait depuis tellement longtemps. Ils se connaissaient depuis des années. Iris et Kilian avaient quasiment fait leurs premiers pas ensemble. En plus de cela, il lui avait promis qu’il ne la laisserait jamais tomber. Jamais. Sauf qu’il venait de faire tout le contraire, absolument tout. Qu’avaient-ils donc dans leur tête ? Dans le cerveau ? Étaient-ils si stupides que cela ? Iris n’en avait pas le souvenir. Pour elle, Cassandra et Kilian avaient toujours été intelligents, du moins pour Iris… Alors, pourquoi s’étaient-ils alliés avec le diable ? Peut-être que rester enfermés dans le désert, loin de leur famille les avait rendus fous.
La jeune fille essayait d’analyser de multiples raisons, mais ce n’était pas leurs raisons qu’elle pouvait envisager. Ce n’était pas la raison qui les avait décidés à faire leur choix. Iris pensait que Cassandra était psychologiquement fragilisée de ne pas voir sa famille, elle y était tout de même très attachée. Pour Kilian, c’était autre chose. Elle savait juste que son meilleur ami adorait être loin d’eux, mais il en dépendait aussi considérablement. C’était étrange, mais comme cela. Ce fut à ce moment-là, qu’Iris se rendit compte qu'elle ne savait rien sur le reste de la famille de Kilian, oncle, tante, cousin... Après tant d’années, la surdouée se surprit à se demander le prénom des parents de son meilleur ami. Pourtant, Kilian connaissait le prénom de ses deux parents. Elle pensait leur amitié infaillible, mais en fait, ces quelques petites choses qu’ils pouvaient se cacher ainsi que leurs avis divergents pouvaient causer beaucoup plus de dégâts qu’ils n’auraient voulus, qu’elle ne l’aurait cru.
— Bon… Mademoiselle Smarta et Monsieur Lop… Je sais bien que vous nous détestez. Je suis le mieux placé pour le savoir. Je peux comprendre que les plans de l’État ne vous conviennent pas et n'arrangent pas le portrait que vous avez dressé des conseillers. Je peux comprendre que vous n’ayez pas les mêmes points de vue qu’eux, et que vous ne soyez pas totalement d’accord avec les choix qu’ils ont faits. Mais ils ont fait le meilleur choix pour les citoyens d’Opartisk (Il marqua une pause). Mais cette association est une organisation hors la loi, donc, interdite, qui, en plus de cela, dresse les gens contre les conseillers en leur donnant une mauvaise image. C’est mal, très mal.
Nicolas Past n’avait jamais paru aussi sérieux aux yeux d’Iris. Déjà, que de base, il l’était, le voir encore plus concentré lui donnait des frissons. Son visage était crispé par l’inquiétude, et son regard laissait facilement apercevoir qu’il prenait tout cela très à cœur. Nicolas les avait observés longtemps tout seul. Il s’en voulait de ne pas avoir remarqué cela, de ne pas avoir découvert l’existence de l’association secrète plus tôt. Iris en venait à penser qu’il n’était pas si mauvais que cela… Et l’association dans tout cela. Comment allait réagir le chef au fait qu’elle ne soit plus secrète ? Voudrait-il toujours des surdoués ? Iris mit ses pensées vagabondes de côté et reporta son attention sur Past. Son air sérieux mélangé à l’anxiété la fit ricaner. Elle échangea un regard avec Samuel et toisa le conseiller.
— Les conseillers n’ont pas besoin de l’association pour se créer une mauvaise image auprès des Opartiskains, ils ont su se la créer tous seuls. Qu’ils arrêtent de se plaindre ! S’ils sont autant détestés, c’est de leur faute, ils ont récolté ce qu’ils ont semé. Ils ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes ! Et je vous assure une chose, peut-être que vous pensez que les conseillers ont pris le bon choix. Peut-être qu'ils pensent réellement qu'ils ont pris le bon choix. Sauf que nous, on sait que non, que ce n'était pas le bon. Avec Samuel, on vous l’a déjà dit : on ne coopéra pas.
Le conseiller Christian semblait surpris par la déclaration d’Iris. Il savait qu’il n’était pas aimé, qu’il était loin d’être populaire, les émeutes et les manifestations en Opartisk le prouvaient. Mais il n'imaginait pas que tout le monde pensait cela, ni avec autant de haine. Les conseillers vivaient vraiment hors de la réalité. Il se leva et fit les cent pas dans le peu d’espace derrière le bureau. Il était frustré, il n’avait jamais vraiment eu la sensation de rater une démarche entreprise. Il ne connaissait pas le goût amer qui se répandait dans sa bouche, la frustration qui assombrissait son esprit et l’empêchait de réfléchir correctement. Comment ces gamins avaient-ils pu les faire tourner en bourrique ? Ils auraient pu les berner si certains d’entre eux n’avaient pas fini par prendre une solution raisonnable. Heureusement ce n'était pas le cas.
— Les autres surveillants n’auraient pas déjà dû arriver avec les autres surdoués ? s’enquit Nicolas en s’appuyant contre le mur.
— Le mur tient tout seul, merci. Vous allez le salir avec vos chaussures sales. C’est vrai que c’est étrange, mais il se peut que le restant des surdoués manifeste une opposition qui a accaparé nos fidèles surveillants. Enfin… Les traîtres aussi, mais eux, ils auront des problèmes contrairement aux autres, annonça le conseiller Christian.
M. Past se décolla du mur fit quelques enjambées pour se poster près de Kilian. Iris fit tout pour ne pas croiser son regard. Finalement… Elle ne voulait pas de ses explications.
— Iris, commença Cassandra.
— Je ne veux rien savoir, coupa la jeune fille. Disparaissez de ma vie.
Cassandra sembla peinée mais ne rajouta rien. Elle ne posa plus son regard vers sa meilleure amie et se laissa tomber contre le mur entre Kilian et Liam. Son meilleur ami n’avait pas essayé de lui parler, il avait compris depuis longtemps qu’Iris ne l’aurait pas écouté et aurait explosé contre lui. La jeune surdouée fut tout de même chagrinée de voir qu’il n’essayait pas. Samuel et Iris sautèrent de leurs chaises pour se retrouver debout, face à la porte quand trois coups retentirent, violents et très forts survenus à quelques longues secondes d’intervalle.
Annotations
Versions