Chapitre 23 :
Iris resta pétrifiée pendant quelques instants. Le conseiller Christian était-il mort ? La jeune fille n’aurait su le dire. Le corps étalé sur le sol restait immobile, mais il ne reposait pas dans une mare de sang. Il n’y en avait même pas une goutte. Et où était passé Past ? Il en mettait du temps lui aussi… Iris secoua la tête. Mais que faisait-elle ? Elle n’avait pas à rester comme cela, immobile, à ne rien faire. Elle devait se bouger. Avant qu’elle n’ait pu faire quoique ce soit, elle entendit des pas se rapprocher. C’était Lilian, avec une sorte de pistolet à la main. Il se passa la main dans ses cheveux et Samuel blêmit.
— Lilian… Je ne sais pas quoi te dire mon pote là…
— Il est vivant ? demanda Iris.
— Oui, ne vous inquiétez pas. Il est vivant, regardez bien, sa poitrine se soulève et il ne gît pas dans une mare de sang, et il n’a pas poussé de cri atroce. J’ai juste tiré des balles endormantes. Je ne sais pas comment ça marche, les membres de l’association n’ont pas eu le temps de m’expliquer, j’ai juste tiré… Dépêchez-vous ! Il faut partir d’ici maintenant !
Iris hocha la tête et se tourna vers Samuel. Le jeune homme semblait vraiment soulagé que le conseiller soit encore vivant. Au fond, Iris aussi. Elle détestait les conseillers de tout son être, c’était certain, mais peut-être pas au point de les voir morts… En tout cas, pas si cela était dangereux pour l’association. Sur ce point, cela l’était, si Lilian l’avait tué et qu’ils étaient partis comme cela, laissant le cadavre visible, il n’y aurait eu aucun doute, et ils auraient été recherchés dans tout l’Opartisk et le désert entier ! À condition d’être parti de l’établissement bien évidemment. Samuel les entraîna, Iris et lui hors de la salle. Mais Cassandra tira Iris à elle. La surdouée se dégagea et s’arrêta, les yeux écarquillés.
— Vous devez rester ! s’écria-t-elle.
— Pourquoi ? serina la jeune fille aux cheveux auburn.
Ses yeux lançaient des éclairs aux quatre autres adolescents. Ils ne se laissaient guère impressionner, leurs regards furent tout aussi répondants. Iris en fut surprise mais ne fit rien de plus à part reculer d’un pas en arrière. Elle plissa les yeux, de plus en plus méfiante. Ils étaient des traîtres, elle n’avait pas à croire tout ce qu’ils disaient. Elle devait se battre pour savoir la vérité. Mais à qui faire confiance ?
— Es-tu vraiment surdouée ou quoi ? L’État et la population mondiale ont besoin de vous ! Vous ne comprenez donc pas ? hurla Charles sur un ton vaniteux.
Le visage d’Iris refléta le mépris et la colère. Elle avança et elle sentit quelque chose lui prendre la main pour l’empêcher de trop s’avancer : celle de Samuel. Plus tard, elle lui en serait reconnaissante de ne pas l’avoir laissé trop s’énerver contre ses ennemis.
— Tout ce que veut l’État des surdoués, c’est gagner cette guerre. Alors votre discours sur « ils ont vraiment besoin de vous »,vous pouvez vous le ranger, je n’y crois pas. Ils n’ont pas besoin de nous pour faire la guerre! Donc moi, je vous…
— Ferme là un peu et écoute les autres pour une fois ! la coupa Liam. Réfléchis un peu, arrête d’être centrée que sur la guerre. Il n’y a pas que la guerre mais aussi la maladie. Et bientôt, il y aura peut-être plus de morts, dus à la maladie qu’à la guerre ! Je ne pense pas que votre association essaye d’aider tous ces malades ! L’épidémie commence à s’étendre en Thuath, le temps que l’on trouve quelque chose pour la combattre, il y aura des morts partout dans le monde !
— Vous n’avez pas peur car pour l’instant, aucune trace de la maladie n’a été détectée chez les surdoués. Sauf que nous, nous sommes concernés. Nous ne sommes pas comme vous, déclara Kilian.
— Je suis certaine que l’association cherche aussi un moyen de stopper cette maladie, j’en suis certaine, répondit Iris comme pour l’implorer de venir avec elle.
Kilian détourna le regard, au fond, Iris le savait, il ne viendrait pas avec elle.
— Je suis désolée Iris, mais notre choix est fait, on ne viendra pas.
La jeune fille se rembrunit et essaya de ne pas le fusiller du regard. Elle avait tout essayé, maintenant, c’était tant pis pour lui s’il ne voulait pas venir. Même s’il avait peur de la maladie, Iris n’arrivait pas à comprendre son choix. Absolument pas. Et pour l’instant, elle renonçait à essayer de le comprendre, elle n’en avait pas la force, la jeune fille se devait de les garder pour autre chose. Comme s’enfuir par exemple…
— Bien… Je ne comprendrais jamais votre choix. Tout ce que je sais… C’est que vous n’êtes que des traîtres (Kilian ouvrit la bouche pour contester mais la referme aussitôt). Et que je ne vous dois rien. Alors, OK, au lieu de vous hurler dessus, je vais essayer de respecter votre choix, mais vous, vous allez nous laisser partir loin de ce bordel.
Iris n’attendait pas de réponse, elle se retourna et Samuel l’entraîna avec lui, la tirant par la main. Il finit par la lâcher pour qu’ils courent plus vite car d’autres surveillants se lançaient à leur poursuite. La surdouée faillit s’arrêter en se posant une question. Les portes étaient sans doute fermées le soir, et même pendant la journée puisque rare servaient les portes menant à l’extérieur. La jeune fille espérait que l’association avait prévu un plan solide, s’était eux qui s’occupaient de cela. Les surdoués étaient venus, en retard car ils devaient refuser la proposition du conseiller Christian, qui était actuellement, endormi au sol. Mais ils étaient prêts à partir.
Iris était en train de maudire dans sa tête, toutes les personnes méchantes et horribles qui pouvaient exister dans le monde entier et pas seulement en Opartisk. Elle maudissait tout ce qui avait mené à cela : ce désastre de guerre et de maladie, tous ses morts à bientôt déplorer. Ce n’était que le début de la fin, Iris en était consciente. Maintenant, il fallait tenter quelque chose, l’association saurait quoi faire, et saurait diriger leurs priorités. Et les deux principales priorités étaient simples : la maladie, et la guerre. C’était les deux choses qui faisaient mourir les gens, plus précisément les enfants et les adolescents pour la première raison. La guerre révoltait toujours autant Iris, et l’arrêter restait dans son cœur car c’était important. Kilian avait tort, elle ne se fichait pas de la maladie même si elle n'en était pas victime. Pour Iris l’association était obligatoirement au courant de la maladie. Ils possédaient des gens très compétents.
La jeune fille n’avait pas autant couru depuis longtemps, et cela lui faisait cruellement défaut. Déjà qu’elle n’aimait pas courir, courir autant l’épuisait rien que d’y penser. Ses jambes avaient déjà fait un effort quand elle avait tenté d’échapper aux surveillants la première fois, avec Samuel. Mais là, ses jambes commençaient vraiment à lui faire mal. Sauf qu’elle savait qu’elle ne devait pas lâcher. Sa liberté en dépendait considérablement. Arrivés dans le hall, les surdoués perdirent du temps en prenant leur valise. Un des faux surveillants colla quelque chose contre la porte. Un gadget carré avec des boutons et une lumière orange qui clignotaient. Iris en déduisit qu’il comptait faire exploser la porte… C’était dangereux. Vraiment très dangereux.
La jeune fille empoigna sa valise mais la lâcha subitement quand elle sentit qu’on la serra par le ventre. L’adolescente se débattit, bougea les jambes, les bras essayant de se défaire de l’emprise, et de se retourner pour pouvoir lui donner un coup de pied pour se libérer, mais elle n’y arriva pas. Soudain, elle entendit un petit cri poussé par son agresseur, ses bras la lâchèrent, puis elle sentit le corps tomber. Elle leva le pied, sentant la main inerte de l’agresseur sur sa cheville puis se retourna en vitesse, elle se retourna et vit Samuel. Elle lui sourit et il lui rendit son sourire en se passant une main dans ses cheveux, une main qui avait l’air de lui être assez douloureuse.
— J’ai mis toute ma puissance, mais je ne pensais pas que j’arriverais à l’assommer, commenta-t-il en lui tendant sa main contusionnée.
Iris ne comprenait pas comment elle pouvait rigoler dans cette situation. Lorsqu’elle jeta un coup d’œil derrière lui, elle écarquilla les yeux et s’écria :
— Attention.
Sans qu’il n’ait le temps de regarder qui était derrière lui, Iris empoigna Samuel par la main qu’il tendait toujours et le tira vers elle. Le garçon se laissa faire manquant de perdre l’équilibre et ils se retrouvèrent devant un homme qui avait perdu une dent. L’homme avança et les deux adolescents reculèrent tout en s’échangeant un regard inquiet. L’homme s’immobilisa d’un coup, puis s’écroula à plat ventre sur le sol. Les deux amis contemplèrent le surveillant, ses yeux étaient fermés et sa respiration était profonde. Ils relevèrent les yeux face à eux et découvrirent Sandra à côté de Lilian qui tenait le pistolet à sa main droite. Ils leur sourirent et s’approchèrent d’eux.
— C’était la dernière munition, heureusement on a pu neutraliser tous les ennemis ! se réjouit-il, il jeta un regard à Sandra et sourit. C’est grâce à Sandra tout cela !
La jeune fille rougit et les deux autres lui lancèrent un regard interrogateur.
— Le pistolet est tombé d’un des sacs des alliés… Je l’ai pris car je me suis dit que cela pouvait nous êtres utiles et que cela aurait été mauvais si quelqu’un d’autre l’avait pris.
Avant qu’ils n’aient pu lui répondre, un bruit d’explosion se fit entendre. Le gadget à la lumière clignotante avait fonctionné ! Ils tournèrent la tête vers la porte qui avait disparu, laissant passer une rafale de vent. Ils entendirent les cris d’horreur des élèves qui se demandaient ce qui se passait. Les espions de l’association firent signe aux surdoués de les suivre. Au pas de course, ils les suivirent hors du bâtiment. Quand ils furent un peu éloignés, ils se retournèrent pour contempler le bâtiment.
Iris soupira en pensant que Kilian et Cassandra étaient dedans. Ils les avaient quand même laissés partir. Ils avaient choisi leur camp. Le choix inverse d’Iris. Le camp des conseillers. Le camp adverse. Est-ce que la maladie était la seule raison ? Sûrement. La jeune fille se demanda comment elle avait fait pour être aussi cruche et ne rien remarquer à ce point. Ils l’avaient trahie. Samuel regarda autour de lui.
— Où sont Maryline et Kendra ? s’écria-t-il horrifié.
Les autres se tournèrent vers lui et regardèrent autour deux. Effectivement, les deux filles étaient manquantes. Ils étaient tellement concentrés qu’ils n’avaient pas remarqué que les deux jeunes filles n’étaient pas avec eux. Les jambes d’Iris tremblèrent et elle marcha en avant.
— Iris ! Reviens ! On ne peut plus rien faire pour elles pour l’instant ! Les effets des balles endormantes vont s’estomper bientôt, et dès que tu rentreras dans le bâtiment, tu ne pourras plus y ressortir !
La jeune fille fit la sourde oreille alors qu’elle entendait très bien l’avertissement des adultes. Alors que ses pieds s’enfonçaient dans le sol à chaque pas effectué, elle sentit des mains lui prendre les bras.
— Iris (elle tressaillit quand elle reconnut la voix suave de Samuel). Moi aussi j’aimerais les libérer, mais tu l’as entendu tout comme moi. Si on revient dedans, on ne sera pas dans une meilleure situation qu’elles. On ne peut rien faire.
Et tout doucement, la vue de la jeune fille se flouta et des larmes commençaient à dévaler sur ses joues. Samuel avait lâché ses bras, et elle se laissa lentement tomber à genoux. Le sable devint humide aux endroits où ses larmes tombaient. Puis les larmes commencèrent à tomber encore plus vite que les secondes ne s’écoulaient. Samuel s’accroupit en face d’elle et la serra dans ses bras.
— Samuel ! Iris ! Revenez ! On va bientôt s’en aller ! s’égosilla un autre infiltré.
Ils se relevèrent et rejoignirent le groupe des surdoués qui les attendaient. La bande était triste et désemparée. Et Iris sentit le goût de la déception et de la tristesse dans sa bouche.
Elle avait échoué.
Maryline et Kendra restaient à l’État.
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