10 - Logan
Dès que la voiture démarre, je retourne à l'intérieur et claque la porte d'entrée, furax. Comment ai-je pu lui sortir une telle connerie ? Après tout, qu'est-ce que ça peut me foutre si elle traîne avec l'autre connard ? Un dealer et une pute, c'est le tableau idyllique, non ? Si ma conscience est d'accord avec cette foutue pensée, ce n'est pas le cas de mon cœur, qui grogne son mécontentement.
Putain de bordel de merde, je suis mal barré si ces deux-là se mettent à se livrer une guerre sans merci.
Il a fallu une heure pour que ces putains de sentiments contre lesquels j'ai lutté durant une année entière viennent m'exploser à la gueule ! La voir si spontanée et naturelle m'a ramené en arrière sans crier gare. Je suis vraiment un gros taré de me laisser ainsi berner. Lucy n'est plus rien, si ce n'est cette salope qui se tape tous les mecs de la ville. Je ne dois pas l'oublier. Tel un mantra, cette pensée se répète en boucle dans ma tête. Il ne faut pas que je laisse mon cœur aux commandes sinon je vais me retrouver dans la merde en moins de deux.
Je remonte les escaliers quatre à quatre, comme si j'avais le feu au cul. Il faut que je trouve moyen de me calmer et de la sortir de ma tête. Pourtant rien ne me paraît plus compliqué que de le faire à cet instant. Même hors d'elle, elle m'a ébloui, tel un putain de rayon de soleil sur le pare-brise de ma caisse en fin de journée.
Qu'est-ce qu'il m'arrive, bordel ?
Fou de rage à cause de ce que je ressens pour elle, je claque la porte de ma chambre, avant de me défouler sur tous les objets qui me tombent sous la main. Même ma gratte y passe. Rien à foutre ! De toute façon, je n'en joue plus depuis des années.
Lessivé, je finis par m'écrouler sur mon lit. Les mains croisées sous ma nuque, je contemple le planisphère sur mon plafond. Lorsque ma respiration retrouve une allure normale, je me penche pour sortir une boîte à godasses de sous mon lit, dans laquelle j'ai rangé tous nos souvenirs à Lucy et moi. Je m'assois, puis j'en ôte le couvercle et j'en extrais la photo prise l'été de nos seize ans, juste avant que je parte en vacances. Revoir cette image me tord les tripes. Notre complicité me manque. Ses rires me manquent... Elle me manque tout simplement.
Du bout du pouce, je caresse son beau visage, en rêvant de pouvoir réellement y poser mes doigts.
Pourquoi nous sommes-nous si éloignés, Lu ? Pourquoi je ne peux pas m'empêcher de te détester autant quand je te vois avec cette tonne de maquillage sur la gueule et ces fringues qui me répugnent ? Pour quelles raisons, chaque fois que je te vois avec ce mec, ça me file la gerbe ?
J'aimerais tellement comprendre ce qu'il s'est passé pour que plus rien ne soit comme avant.
Je reste plusieurs minutes à me poser ces foutues questions, sans trouver la moindre réponse. Le seul truc dont je suis certain, c'est qu'il faut que je réagisse si je ne veux pas la voir partir avec son chien de garde. Et le seul moyen d'empêcher ça, va être de me rendre au centre commercial. Bon, d'accord, ils ne seront pas seuls, ma frangine s'y trouvera également, mais qui dit que cet enfoiré ne la ramènera pas ensuite ? S'il la veut vraiment, il pourrait en profiter pour l'embrasser. Rien que d'imaginer qu'il puisse poser ses lèvres sur celles de Lucy, j'ai envie de fracasser ce type.
Plutôt que de me ronger les sangs, j'attrape mon smartphone et appelle Reed. Vaut mieux que ce soit lui que Chris. Mon meilleur pote me casserait les pieds avec ces questions incessantes, je n'ai franchement pas besoin de ça cet aprèm. Ce que j'éprouve me saoûle déjà bien assez.
— Ouais, mec ? me lance mon pote en décrochant.
— Ça te branche de sortir faire un tour au centre ?
— Putain, ouais, mes vieux sont en train de me prendre la tête.
Je le plains, il n'a quasiment pas un seul week-end tranquille, sans que ses parents ne s'engueulent. Il nous a déjà sorti que s'ils pouvaient divorcer, ce serait le pied pour lui et sa frangine. Vu l'ambiance de merde qui doit régner chez lui, je n'en doute pas une seule seconde.
— Je passe te prendre dans une demi-heure, lui annoncé-je.
— Merci, mon pote, je te revaudrai ça.
Dès que j'ai raccroché, je file prendre une douche rapide et me brosser les dents, puis je retourne dans ma chambre pour foutre un vieux jeans et un sweat aux couleurs du lycée.
Une demi-heure plus tard comme convenu, je suis devant chez mon pote. Il m'attend déjà en arpentant le trottoir de long en large. Vu le temps pourri qu'il fait aujourd'hui, ça doit être vraiment l'enfer chez lui pour qu'il sorte avant même que j'arrive. Comme il est dos à moi, je donne un coup de klaxon pour lui signaler ma présence. Aussitôt, il se retourne. Quand il capte que c'est moi, sa gueule se fend d'un large sourire et il joint ses mains devant lui en signe de remerciement. Face à ce geste, j'ai l'impression d'être le Messie. Ça me fait rire de le voir ainsi.
— Tu me sauves vraiment la vie, Baldwin, fait-il en montant dans ma caisse. Tu aurais dû les voir des vraies furies.
Même s'il dit ça sur un ton détaché, son regard ne le trompe pas. Leur foutue dispute lui plombe le moral. Pour le coup, je me sens mal pour lui. Je suis vraiment veinard d'avoir une famille telle que la mienne, aimante et soudée.
— Après la soirée d'hier, je ne pensais pas que tu sortirais aujourd'hui, ajoute-t-il en me fixant.
— Pas le choix. Faut que je trouve un cadeau pour ma mère. J'ai zappé son anniversaire, lui mens-je.
Il hoche la tête, compréhensif. Ce qu'il ne sait pas, c'est qu'on ne le fêtera que dans six mois, mais ça je n'ai pas besoin de le lui dire. En même temps, il vaut mieux que je lui sorte ce genre de connerie, plutôt que de me rabaisser à lui avouer que si on s'y rend c'est pour empêcher Lucy de sortir avec son chien de garde. Mon estomac se soulève une nouvelle fois rien que de songer à eux en couple et mes doigts se crispent autour de mon volant, si fort que mes phalanges en perdent leur couleur. Je dois me détendre sur le champs si je ne veux pas que Reed me capte. Surtout que le mec est assez perspicace dans ses déductions. Je me souviens encore qu'il m'avait demandé en début d'année si j'étais amoureux de cette belle brune, ça m'avait bien fait rire sur le coup. S'il me le ressortait maintenant, je ne suis pas certain d'avoir la même réaction.
— Ça va, mec ?
Au moment où je pose mon regard sur lui, je constate que ses yeux sont fixés sur mes doigts. Je porte à mon tour les miens dessus. Ils sont aussi blancs qu'un linge en train de sécher au soleil. Merde !
— Ouais, t'inquiète, je pensais juste à un truc pas cool.
— Du genre ?
Ok, je le vois venir, il a décidé de se la jouer à la Robinson, le p'tit con ! Je risque d'avoir droit à cent mille questions auxquelles je n'ai aucune envie de répondre. Me rendre seul au centre commercial aurait peut-être été la meilleure option. Au lieu de répondre, j'enclenche la marche avant et allume la radio. Les hauts-parleurs se mettent à cracher Perfect de Ed Sheeran. Putain, à croire que tous les Dieux de l'univers se sont ligués contre moi aujourd'hui ! J'adorais écouter cette chanson en pensant à elle, avant que je me mette à la haïr. Elle nous correspond si bien. Alors que je m'engage sur la sixième avenue, je revois son corps se balancer au rythme de la musique.
Assise en tailleur sur mon lit, ma meilleure pote commence à montrer des signes d'agacement. Elle n'arrête pas de tapoter son cahier avec son crayon. Les maths ne seront jamais sa tasse de thé. Malgré toute la bonne volonté qu'elle y met et mon aide, elle n'arrive pas à assimiler cette matière. Un léger sourire sur ma gueule, je la regarde faire, amusé. Perfect de Ed Sheran retentit dans mon enceinte stéréo à ce moment. Cette chanson, c'est la nôtre. Chaque fois que je l'entends, je ne peux m'empêcher de penser à la jolie brune qui se trouve à mes côtés.
— J'en peux plus ! grogne ma meilleure amie en lançant son cahier au milieu de mon lit. Viens danser avec moi.
Comme pour joindre le geste à la parole, elle me tend la main.
— Non, tu sais que je déteste ça.
Boudeuse, elle se lève et part rejoindre le centre de ma chambre. Au moment où elle se met à danser avec sensualité, je tire la langue, tel un clébard en manque de flotte. Qu'est-ce qu'il m'arrive ? Je ne suis pas en droit de la mater comme ça, c'est ma meilleure pote ! Mais, merde, elle est tellement sexy, que je ne suis pas foutu de détourner le regard. Chacun de ses mouvements réveillent en moi une douce chaleur. Je crève d'envie de la serrer dans mes bras et de poser mes lèvres sur les siennes. J'aimerais tant savoir quel goût elles ont.
Ouais, elle était vraiment belle ce jour-là. Belle à se damner même. Si je n'avais pas été un aussi piètre danseur, j'aurais adoré coller mon corps au sien pour suivre ses mouvements et l'embrasser. Son regard n'a pas cessé de briller de mille et une lueurs tout le temps qu'a duré sa danse. Plus rien ne comptait pour elle, si ce n'est le tempo sur lequel elle se balançait. Elle était heureuse.
Je n'ai plus revu une seule de ces étincelles dans ses jolis yeux depuis que je me suis mis à la haïr, jusqu'à tout à l'heure, quand nous nous sommes retrouvés assis sur le canapé de mes vieux. Je ne devrais pas être aussi affecté par sa tristesse permanente, après tout, c'est ce que je veux depuis le départ, non ? Pour le coup, avec ce putain de souvenirs qui vient de me traverser le crâne, je n'en suis plus aussi certain.
— T'es sûr que ça va, mec ? J'te trouve bien silencieux, me sors mon pote alors que je manœuvre pour me garer sur le parking du centre.
Je le fixe une fraction de secondes avant de reporter mes yeux sur l'emplacement. Face à mon silence, je sens qu'il va finir par regretter de ne pas être resté chez lui.
— C'est à cause de ta frangine ?
Putain, il ne peut pas juste me foutre la paix deux secondes ! Je n'ai pas envie d'en causer, ce n'est pas compliqué à capter, si ?
— Non, pour une fois, Deb n'y est pour rien.
Et c'est la vérité ou presque. C'est quand même un peu de sa faute si je suis sur ce parking à prier tous les Saints que Lucy ne sorte pas avec l'autre connard. Si elle n'avait pas fait allusion à ce fumier, je serais resté tranquillement à jouer ou même j'aurais pu retourner pioncer un peu. Rien que d'évoquer cette idée, j'émets un bâillement bien sonore.
— On dirait que ta nuit a été courte, me chambre mon pote en se marrant.
Il est loin de s'imaginer combien elle l'a été. Je ne suis rentré qu'au petit matin, après une séance de sport en chambre épuisante. La meuf avec laquelle je me trouvais était insatiable. Une vraie nympho. Mais aussi, un sacré bon coup.
— Ouais, je suis rentrée à l'aube.
— Pour que tu rentres si tard, Mandy doit être un sacré coup ! Vas-y, balance, c'était comment ?
Dites-moi que je rêve ! Chris aurait-il déteint sur lui sans que je ne le sache ? Il n'y a que ça pour expliquer que Reed est en train de me faire vraiment chier avec ces questions à deux balles.
— T'as l'intention de remplacer Robinson ou quoi ? lui demandé-je, hargneux, en ouvrant ma portière.
— Désolé, mec. Je voulais pas me montrer aussi intrusif, s'excuse-t-il une fois sur le parking J'avais juste besoin de me changer un peu les idées après l'enfer que je viens de vivre à la baraque. Puis, je ne te trouve pas dans ton état normal, je m'inquiète un peu pour toi.
Même si sa sollicitude me touche, je ne lui en fais pas part.
— Elle était vraiment bonne, réponds-je pour lui changer un peu les idées. Pas comme celle de la dernière fois.
Au souvenir de la précédente, j'explose de rire. Jamais, je ne me suis autant ennuyé en m'envoyant en l'air avec une meuf. Une véritable étoile de mer. Mon pote me suit dans mon hilarité, il doit se souvenir de ce que je leur ai raconté.
Cette bonne crise de fou rire a l'avantage de me détendre un peu, bien que rien ne puisse me faire oublier pourquoi je suis ici.
— Allez, viens, mec, on y va, lancé-je quand je parviens à retrouver mon sérieux.
Une fois dans le centre, je pars à la recherche de cette fille, pour laquelle je me suis déplacé, alors que je suis complètement crevé. Je m'arrête devant chaque boutique féminine et y jette un œil, sans pour autant y entrer. Tant que je ne l'aurais pas retrouvée, il est hors de question que je pose un pied à l'intérieur de l'une d'entre elles. Mon manège finit par sauter aux yeux de mon pote, qui s'arrête net devant moi et me scrute, perplexe.
— Tu peux m'expliquer ce qu'on fout vraiment ici ? J'ai plus l'impression que tu cherches quelqu'un qu'autre chose.
Quand je dis que ce gars est perspicace…
— Ouais, je cherche ma frangine. Elle m'a dit qu'elle serait là cet aprèm.
Reed me dévisage avec un peu trop d'intensité à mon goût. Merde, il n'est pas aussi dupe que je l'espérais !
— Depuis quand t'as besoin de Deb pour faire un cadeau à ta mère ?
— Je ne sais pas du tout quoi lui prendre, ma sœur pourrait m'aider.
Son incrédulité se lit clairement sur sa gueule. Je ne vais pas pouvoir le mener encore longtemps en bateau. Sous peu, il va falloir que je m'explique et je ne sais pas comment je vais me démerder pour me sortir de cette foutue situation.
— Tu me prends pour un con ou quoi ? J'apprécie vraiment que tu sois venu me chercher, mais je déteste qu'on se foute de ma gueule. Alors, dis-moi, la vraie raison pour laquelle on est ici, sinon je me casse.
Je garde le silence un instant, le temps de trouver une excuse aussi minable soit-elle, mais qu'il pourra gober un peu plus facilement. Hors de question, cependant, de lui sortir la vérité. Aucune envie que tout le bahut apprenne que mon putain de cœur, ce traître, bat encore pour cette jolie brune aux yeux émeraudes. La honte !
— Ma sœur traîne avec le chien de garde de Calaan et ça ne me plaît pas. S'il a le malheur de poser ses pattes sur elle, je lui fracasse la tête.
— Depuis quand t'es aussi protecteur avec ta frangine ?
Depuis toujours, pauvre nase !
— Depuis que ce gars est rentré au bahut. Je n'ai pas envie qu'il l'entraîne dans ses conneries, si tu vois ce que je veux dire.
— Ta frangine risque de ne pas apprécier que tu te mêles de ses affaires. Si j'avais le malheur d'agir comme toi, Rose me tuerait.
Je m'en tape, vu que ce n'est qu'un mensonge.
— Mais bon, si tu tiens vraiment à la retrouver, je vais t'aider. Je t'avoue que ce type me fait froid dans le dos quand je le croise, ajoute-t-il.
— Merci, mec.
Il hoche la tête, puis se met à compter sur ses doigts. Je ne sais pas du tout à quoi il pense et ça me perturbe un peu de le voir agir de la sorte.
— Il y a dix boutiques pour les filles ici et on a jeté un coup d'oeil à toutes, m'annonce-t-il. Si ta sœur ne s'y trouve pas, il nous reste deux endroits où chercher, soit à la librairie, soit au café. À moins que l'autre ait eu envie de faire lui aussi du shopping et dans ce cas on va devoir aller voir dans celles des mecs aussi.
Bien vu, Sherlock !
— Ma sœur n'aime pas trop lire, ça m'étonnerait qu'elle y soit.
Mais Lucy, elle, si ! m'objecte cette putain de voix dans ma tête, qui ne me lâche plus depuis que j'ai ouvert la porte sur elle.
— Ouais, mais, lui, il aime peut-être ça, me contre mon pote. Je te propose de commencer par là, puis s'ils n'y sont pas, on va voir au café. J'en profiterais bien pour me désaltérer un peu au passage.
J'opine du chef pour approuver sa foutue idée.
Notre coup d'œil à la librairie ne nous amène pas plus de résultat. Vide de leur présence, comme tous les autres magasins. À croire qu'ils ne sont plus là. Et si ma frangine avait juste emmené Lucy ici pour qu'elle y retrouve l'autre ? Je doute de plus en plus, jusqu'au moment où nous arrivons au café. Bien malgré moi et le monde impressionnant qui s'y trouve, mes yeux se posent sur cette scène cauchemardesque. Ils sont là tous les deux, assis sur la même banquette, le bras de ce salopard posé sur le dossier au-dessus d'elle. Elle me capte la première, avant que lui ne pose ses yeux sur moi. Un sourire démoniaque s'affiche sur sa gueule tandis qu'il se rapproche un peu plus d'elle, son bras à présent sur ses épaules. Sans me lâcher de son sale regard, il lui murmure quelque chose à l'oreille. Si à la seconde où elle m'a aperçu arrivé, elle s'est crispée, cette fois elle semble détendue. Le putain de sourire qu'elle envoie à ce mec me fend le bide. Je la hais !
— En tout cas, t'as pas à t'en faire pour ta frangine, me lance mon pote. D'après ce que je vois, il a plus envie de se taper Calaan.
Je lui lance un regard digne des ténèbres, avant de foncer en direction de cette table. Personne ne doit s'approcher d'elle et vu que cet enfoiré ne l'a pas compris, je vais lui rappeler les règles. Dans mon malheur, j'ai la chance que deux chaises soient libres. Au fur et à mesure de mes pas, la haine et la fureur, qui coulent dans mes veines, teintent ma vision de rouge. Je ne vois plus qu'eux et les putains de sourires qu'ils s'échangent. Eux et la main de ce fouteur de merde qui caresse son visage avec tendresse. Je vais lui arracher le bras s'il continue à la toucher ainsi. Dans un grincement aussi horripilant que la roulette du dentiste, je tire ma chaise en arrière et la retourne pour m'y asseoir à califourchon. Les coudes posés sur le dossier et la tête entre mes mains, je les fixe, en silence, d'un regard perçant.
— Un problème, Baldwin ? me questionne ce gars que je crève d'envie de buter.
— Je me demandais juste en vous regardant depuis quand les macs couchaient avec leurs putes.
Les mots viennent de dépasser ma pensée. Je m'en tape !
— Logan ! s'insurge ma frangine.
Je l'ignore royalement. Je préfère me concentrer sur ce qui se passe sous mes yeux, afin de voir leurs réactions à tous les deux.
Un léger frémissement sous la paupière de ce gars m'indique que j'ai touché ma cible. Tant mieux, prends toi ça dans la gueule, ducon ! Le regard de Lucy, quant à lui, se voile de tristesse. Ça me touche bien plus que je ne voudrais. Fait chier ! Si je laisse transparaître la moindre émotion contradictoire, je suis certain qu'il va me bouffer en moins de deux.
Il se penche vers elle, pour sûrement lui murmurer quelques nouveaux mots à l'oreille. Les voir si proches me sort par les yeux. Ce qu'il lui dit doit lui plaire puisqu'elle sourit, avant de porter un regard défiant dans le mien. L'instant suivant, il tourne son visage avec délicatesse vers lui et pose ses lèvres sur les siennes. Une putain de douleur vrille mon estomac. C'est si puissant que ça me file la gerbe Je vais lui exploser la tête à ce fils de pute !
— Apprends, Baldwin, que mec s'écrit avec un "e" et pas un "a". Je pense que si t'étais un peu plus attentif en cours, au lieu de penser à ce que je fais avec elle, tu le saurais.
Je serre les poings pour me contenir. Inutile de bondir sur mes pieds pour lui balancer une droite, même si j'en crève d'envie. Comment peut-il oser me sortir une telle merde, devant mon pote en plus ? Je ne vais pas laisser passer cette insulte sans réagir. Il veut jouer au con, bien, alors on va taper encore plus fort. Il ne me connaît pas, je ne vais pas me démonter. Je ne me rabaisserai pas devant ses airs de gros dur.
— Tout le monde sait que Calaan est une pute. Ne me fais pas croire le contraire. Tu baises peut-être avec elle, mais je suis certain que tu en laisses d'autres la toucher.
Sans même attendre sa réponse, je me tourne vers Lucy et toujours hors de moi, je lui demande :
— Dis-moi, ma belle, c'est combien la passe ? J'ai bien envie de me laisser…
Une gifle interrompt la fin de ma phrase. Je m'attendais à tout sauf à ce que Deb me frappe ainsi. La force qu'elle y a mis me ramène à la réalité. Je me rends compte de toutes les horreurs que je viens de balancer. Je pose mes yeux sur Lucy. Les larmes sur son visage sont comme des rasoirs tranchants, horriblement blessantes. J'ai enfin réussi à les lui arracher et pourtant, je ne me suis jamais senti aussi mal de ma vie. J'aimerais tant lui dire que je ne le pensais pas, que seule ma haine et la douleur me poussent à sortir de telles conneries. Comme toutes les autres fois d'ailleurs. Plus je prends conscience de mes actes et plus je me mets à me détester. Deb a raison, j'ai changé, je suis devenu un enfoiré de première.
— Crois-moi que ce soir, lorsque maman rentrera, je lui dirai tout. Tu n'as pas le droit d'insulter Lucy ainsi !
— Fais ce que tu veux, de toute façon, je m'en fous.
Abattu, je quitte le café, la tête rentrée dans les épaules. Rien ne s'est passé comme je l'espérais. Elle sort avec lui et je vais devoir me faire une raison. Mais putain, que ça fait mal !
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