20 - Logan
Depuis ce matin, c'est une effervescence de dingue au bahut. Tout le monde attend la finale de ce soir avec la plus grande impatience. Nos adversaires sont de taille, mais on va encore ramener la coupe à la maison, comme l'année dernière. J'ai confiance en mes coéquipiers et en mes capacités. J'avoue, quand même, que ça me stresse pas mal. Si je veux intégrer la Crimson Tide de l'Alabama, l'une des meilleures équipes universitaires, je n'ai pas intérêt de me planter. Coach a dit que leur recruteur serait présent ce soir, va falloir que je sorte mon meilleur jeu pour l'éblouir.
Je traverse le long couloir pour rejoindre la cafet' où mes potes doivent être sûrement déjà installés. Les murs ont revêtus nos couleurs et des élèves m'interpellent sur mon passage. Certains vont même jusqu'à me saluer comme si j'étais une star mondiale. J'adore cette ambiance. C'est tellement bon. Presque autant que le baiser que j'ai échangé avec Lu. Je dis bien presque, parce que je ne crois pas que quelque chose puisse être meilleur que ça. Ses lèvres sont si douce que…
Bordel, faut que je cesse d'y penser ! Je n'ai pas envie que mon foutu cerveau dérive sur ce sujet. D'autant plus qu'elle et moi, on n'a pas vraiment parlé de ce qui s'était passé entre nous. Hier soir, elle n'a fait que m'ignorer, je pense qu'elle doit s'en vouloir. J'aurais pu tenter de le faire ce matin lorsque je l'ai croisé dans le couloir, mais j'ai préféré me concentrer sur le match plutôt que sur les battements de mon cœur. Pourtant, là, alors que je pénètre dans le self, la finale me semble être le cadet de mes soucis.
Le goût de ses lèvres me revient à l'esprit pendant que je traverse la salle jusqu'à notre table habituelle. Je donnerais tout pour ressentir, une fois de plus, ce frisson qui m'a traversé à ce moment-là.
Des filles, j'en ai connues. À la pelle même. Mais aucune ne m'a permis d'éprouver la même chose que ce qui m'a retourné le bide hier. Depuis la rentrée de l'an dernier, je n'ai jamais su aimer. J'ai juste profité de ce qu'elles avaient à m'offrir sans rien donner en retour. Avec Lu, c'est différent, je suis prêt à tout donner sans rien attendre de sa part.
Quand j'arrive à notre table, Kate et les gars sont déjà là comme prévu. Au moment où je tire ma chaise pour y poser mon cul, les cheerleaders se mettent à faire leur show en notre honneur. Chris se marre en les regardant se déhancher. Moi, je n'y fait pas vraiment gaffe. D'ailleurs mon regard n'est même pas posé sur elles, je préfère de loin porter mon attention sur la jolie brune à quelques tables de la nôtre.
Hilare, elle ne prête même pas attention à ma présence. Seul son chien de garde semble compter pour elle. Rien qu'à voir les gestes qu'elle a envers lui, ça ne fait aucun doute que, pour elle, ce qu'il y a eu entre nous hier n'a aucune importance. Je hais la voir poser sa main sur l'avant-bras de ce gars. Une boule de feu se loge dans mon bide tant j'ai la haine.
J'essaie de contenir ma jalousie pour ne pas aller la foutre plus bas que terre. Si je n'y fais pas gaffe, c'est ce qui risque de se passer. Mes paroles dépasseront mes pensées et je le regretterai ensuite amèrement. Un pas en avant, dix en arrière. Bof.
Pour ne pas me faire plus de mal que nécessaire, je finis par porter mes yeux sur ces filles qui continuent leurs acrobaties en scandant le nom de notre lycée. Dès que Mandy capte que je la regarde, elle me lance un clin d'œil, accompagné d'un immense sourire. Je sais ce qu'elle cherche, mais elle ne le trouvera pas.
Quoique, je pourrais peut-être en jouer, histoire de montrer à Lucy que son comportement ne m'atteint pas.
Ouais, bon, ok, je me mens à moi-même, mais je m'en fous !
Je recule légèrement ma chaise, afin d'étendre mes jambes devant moi. Dans une attitude nonchalante, je profite du spectacle. Mandy me dévore littéralement des yeux. Histoire de la chauffer un peu plus, je passe le bout de ma langue sur ma lèvre. Ses joues s'empourprent aussitôt. Bien joué, mon gars. Je viens de créer une ouverture dans laquelle elle va se faire un plaisir de s'engouffrer. J'ai plus qu'à attendre patiemment qu'elle cesse de tortiller du cul.
À peine deux minutes plus tard, des applaudissements fusent de toute part.
— Sérieux, si elles sont aussi souples quand elles se font sauter, ça doit être l'extase totale !
Venant de la part de Chris, je ne suis même pas sidéré. Au lieu d'en parler, il ferait mieux de pratiquer, ça l'aiderait à tenir sa langue.
— T'es de mon avis, cap'tain ? me demande-t-il.
Ça l'amuse de m'appeler ainsi aujourd'hui, alors je le laisse faire. On verra après les vacances.
En guise de réponse, je me contente de hausser les épaules avant de croquer dans mon sandwich. Lorsque je relève la tête, un doigt se pose sur la commissure de mes lèvres. Je fronce les sourcils en dirigeant la tête vers l'intrus qui a osé me toucher.
— T'avais de la sauce, m'explique Mandy, avant de lécher son doigt de manière provocatrice.
N'importe quel gars en aurait des sueurs froides et crèverait d'envie d'aller se la taper. Pas moi. Ça ne me fait ni chaud, ni froid. Si c'était ma jolie brune, ça serait différent. J'aurais vraiment du mal à me contenir. En pensant à elle, je ne peux m'empêcher de la chercher du regard. Ma sœur et leur autre copine les ont rejoints. Je devrais en être soulagé, mais voir le bras de son mec autour de ses épaules me rend fou. Furax, je me retourne vers la blonde qui n'a pas bougé d'un millimètre et glisse mon bras autour de sa taille pour l'attirer vers moi.
— Viens t'asseoir sur moi.
À peine ai-je prononcé ces mots qu'elle pose ses fesses sur mes genoux et enroule ses bras autour de ma nuque. Elle me sourit de toutes ses dents en plantant son regard brillant de désir dans le mien. Je suis certain qu'elle mouille déjà sa petite culotte. Faudrait qu'elle cesse de rêver. Je veux peut-être jouer, mais pas la baiser.
— Après le match, toi et moi, on va bien s'amuser, me glisse-t-elle d'une voix sensuelle.
Dans tes rêves !
Pour me donner un avant-goût de ce qui m'attend, elle glisse ses doigts vers ma queue et plaque sa bouche sur la mienne. Lorsqu'elle tente de glisser sa langue entre mes dents, je la repousse sans ménagement. Faut pas abuser !
— T'aimes pas que je te galoche ?
Non, je déteste ça !
— Pas maintenant !
Mon ton se fait beaucoup plus sec que ce que j'aurais voulu.
— Ouais, je vois ! Quand t'en auras envie, fais-moi signe ! me lance-t-elle, visiblement vexée, puisqu'elle quitte aussitôt mes genoux.
Si elle savait comme je m'en fous de sa réaction.
— On y va, les filles ! Y a un peu trop de connard par ici !
En l'entendant dire ça, je me retiens de me marrer.
Dès qu'elle s'est barrée, je reprends mon sandwich.
— À quoi tu joues avec elle ? me questionne mon meilleur pote.
Une ride se dessine sur mon front, pas très content de son intrusion dans ma vie privée.
— Elle est en crush sur toi, tient-il bon d'ajouter comme si c'était méga important que je le sache.
— Et ?
— Comment ça, et ? Le meilleur coup de tout le bahut craque grave sur toi et toi tu t'en tapes ? Sérieux, mec, j'hallucine !
Le meilleur coup de la ville ? Mouais, pas sûr. Elle est très bonne, mais elle n'arrive pas à me faire vibrer comme la meilleure pote de ma sœur. Comme mue par une volonté qui lui est propre, ma tête tourne en direction de sa table. Elle n'est plus là, mais son mec, si, et il me regarde comme s'il allait me faire bouffer mon plateau. Putain, j'espère qu'elle ne lui a pas parlé de notre baiser, je n'ai aucune envie de me frotter à sa lame, surtout à quelques heures du match.
Dans un raclement de chaise, il se lève. Je ne le quitte pas des yeux tandis qu'il se dirige vers moi. Merde ! Je scanne mon environnement pour voir où sont placés les autres gars de mon équipe. En voyant trois défenseurs sur ma droite, quatre avec Reed, je me détends. Ils ne le laisseront pas s'en prendre à moi.
Lorsqu'il débarque à mes côtés, je l'accueille avec un large sourire ironique.
— Tu viens pour m'encourager ? lui demandé-je, narquois.
Ma tentative de déstabilisation est un échec cuisant. Ce gars me semble pire qu'un roc, totalement inébranlable.
La main posée sur le dossier de ma chaise, il se penche vers mon oreille.
— Je ne sais pas ce que t'as fait à Lucy, mais si je l'apprends, t'es mort !
Lui, par contre, parvient à me toucher, car je sais que ce qu'il vient de me balancer ne sont pas des paroles en l'air. Je déglutis difficilement devant sa menace. Mon seul soulagement dans cette histoire, c'est qu'il ignore encore que j'ai embrassé sa copine.
— Et juste un conseil, cesse de vouloir me déstabiliser, tu n'y arriveras jamais. J'ai connu bien plus coriace que toi.
Il me jauge quelques secondes, avant de se barrer. Ce mec est un taré, j'en suis persuadé. Je devrais peut-être mettre Lucy en garde, afin de la protéger. On ne sait jamais ce qui peut passer par la tête d'un type comme lui.
— Un problème avec le chien de garde de l'autre pute ? me questionne Chris.
Putain, je vais lui faire bouffer sa langue ! Pote ou pas, rien à foutre. Personne n'est en droit d'insulter Lucy.
Ma respiration se fait de plus en plus saccadée. Pour éviter de me jeter sur lui, j'enfonce mes ongles dans ma paume.
— Qu'est-ce qu'il t'arrive ? me demande Kim. On dirait que tu veux fracasser tout ce qui bouge !
Pas tout ce qui bouge, juste un gars à la langue trop pendue !
Reed pose sa main sur mon épaule, lui sait pour quelle raison j'ai envie de bousiller mon meilleur pote.
— Détends-toi, ce n'est pas le moment, me souffle-t-il.
Il a grave raison. Je ne vais pas gâcher mes chances d'être recruté par l'équipe de mes rêves, juste pour un débile. Je ferme les yeux et tente de faire le vide en moi. Après quelques longues inspirations, je parviens à retrouver mon calme.
— Ce gars pense que je suis en crush sur sa copine, finis-je même par répondre à la question de Chris.
Tous mes potes explosent de rire. J'en fais autant afin qu'aucun doute ne soit permis, bien qu'au fond de moi, ça ne me fait pas marrer du tout.
Reed hoche la tête de manière presque imperceptible, pour me montrer que j'ai bien fait de sortir cette feinte.
— Ce type est un malade ! Franchement, mec, t'as fait quoi pour qu'il se paie un tel délire ?
Putain, je commence à en avoir ras-le-bol de ses questions de merde !
— Aucune idée. Il croit peut-être que si je la fais chier, c'est parce que j'ai des sentiments pour elle. Tu sais, genre, qui aime bien, châtie bien.
Nouvel éclat de rire à la table. Sauf moi. Je me contente de bouffer mon sandwich en repensant à la menace de ce mec. Je n'en mène pas large, j'ai plutôt intérêt à me tenir à carreau maintenant..
Dès la fin du repas, les gars et moi rejoignons les vestiaires. Nous sommes dispensés de cours pour la fin de la journée, tout comme ceux de la fanfare et les cheerleaders. On doit tous se préparer pour la finale.
Durant plus d'une heure, le coach nous fait le topo en long, en large et en travers. Il nous rappelle les différentes tactiques que nous allons jouer ce soir, puis nous refout en tête les faiblesses de nos adversaires. Quand il juge que c'est bon, il nous envoie sur le terrain pour nous échauffer et revoir notre jeu.
Lorsque nous rejoignons le vestiaire, l'excitation est à son comble. On se chambre, se chamaille comme les mecs savent si bien le faire entre eux. Seule l'arrivée de coach met un terme à cette agitation. Le silence s'abat d'un coup dans cette salle alors que nous posons nos culs sur les bancs.
Comme tous les autres, j'écoute les derniers conseils de notre entraîneur et la prière usuelle, le casque entre les jambes et la tête basse.
— Ce soir, les gars, je compte sur vous pour mettre le feu au terrain !
À cette phrase, nous bondissons sur nos pieds. Les gars viennent m'entourer et attendent que je fasse mon speech.
— C'est qui les meilleurs ?
— Nous ! répondent mes coéquipiers en choeur.
— Qui va encore ramener la coupe ?
— Nous !!
Les voir si motivés me donnent des ailes.
Nous sommes des guerriers prêts à aller jusqu'au bout pour cette victoire, quitte à rentrer sur un brancard.
— Tigers à trois ! Un, deux, trois...
— Tigers !
Nous entrechoquons nos casques, avant de quitter les vestiaires, au petit trot, dans un brouhaha assourdissant. Lorsque nous arrivons sur le terrain, la fanfare est en train de jouer leur dernier morceau alors que les cheerleaders font leurs acrobaties. Les supporters nous acclament, en hurlant à pleins poumons le nom de notre équipe. Putain, cette ambiance, c'est de la balle ! Jamais, je ne m'en lasserai.
Arrivé sur la pelouse, je jette un œil sur les gradins. Plusieurs dizaines de personnes s'y sont rassemblés malgré le froid. Alors que je scanne les différentes rangées à la recherche de mes vieux, mon regard percute Lucy et son chien de garde. Il est penché au-dessus d'elle et, malgré la distance qui nous sépare, je n'ai aucun doute sur ce qu'ils sont en train de foutre. Les voir si proches me fout la haine direct.
— Pile ou face ? demande l'arbitre.
Quoi ?
Pile, face ? Qu'est-ce que ça peut me foutre, quand je vois la fille de mes rêves en galocher un autre ?
Tellement obnubilé par ce que je viens de voir, je ne suis même pas foutu de capter que c'est à moi qu'il cause.
Une claque sur le crâne de l'un des miens me ramène à la réalité. Je me retourne pour fusiller le responsable du regard. Patterson, mon centre, me fait un signe de tête en direction de l'arbitre.
— Face, réponds-je machinalement.
Et comme fait exprès, c'est sur pile que ça tombe. Putain de bordel de merde, j'aurais préféré qu'on commence en attaque. Là, je vais avoir le temps de cogiter méchamment sur ce que je viens de voir.
Je rejoins le banc tandis que notre défense entre sur le terrain. À plus d'une reprise, je tourne la tête vers les gradins. Malheureusement, de ma place, je n'arrive pas à l'apercevoir. Je n'ai qu'une putain d'envie, me lever pour aller vérifier ce qu'ils sont en train de foutre tous les deux. Qui me dit qu'il ne l'a pas entraînée dans un coin tranquille pour…
— Tu te bouges le cul, oui, Baldwin ?
Surpris, je lève les yeux en direction de coach. Il semble vraiment furieux. J'en comprends la raison qu'au moment où je capte que je suis le seul attaquant encore assis. J'attrape mon casque et file rejoindre mes coéquipiers au pas de course.
Ce quart-temps est lamentable. Je n'arrive même pas à faire un lancé correct. Soit leur défense est la crème de la crème, soit je joue vraiment comme un pied. Vu comme grogne coach dans mes oreilles, il n'y aucun doute que ça vient de moi. J'essaie de me reprendre, mais je n'en suis pas foutu.
Quand je regagne le banc, notre entraîneur est hors de lui. Jamais, je ne l'ai vu aussi rouge de colère.
— C'est quoi ton putain de problème, Baldwin ?
Je hausse les épaules, je n'ai rien à répondre à ça. Il ne comprendrait pas si je lui disais que c'est à cause d'une fille. Puis, franchement, je n'ai aucune envie de me justifier devant mes potes
— J'te veux dans les vestiaires et t'as intérêt de te reprendre avant la mi-temps, sinon Darwin gardera ta place !
Pas la peine d'essayer de négocier, il ne changerait pas d'avis. Alors sous le regard peiné de mes supporters, je rentre aux vestiaires. Ce qu'il m'inflige est pire qu'une punition. Ou alors, c'est moi qui me l'inflige moi-même. J'en sais rien et je m'en fous. Furax qu'il ait pu m'évincer ainsi, je laisse ma colère exploser en m'en prenant aux casiers. C'est loin d'être l'idée du siècle, mais ça a au moins le mérite de me détendre. Néanmoins je ne frappe pas au point de m'exploser les mains, ma connerie a des limites quand même. J'aurai trop besoin d'elles dès que coach m'autorisera à reprendre ma place.
Quand la tempête cesse enfin de se déchaîner au fond de mes tripes, je me laisse glisser le long du mur et repense à ce qui m'a mis hors jeu. Même si ça fait un mal de chien, je dois me faire une raison, Lucy n'est pas mienne. Ce qu'il y a eu entre nous hier était une erreur. Je ne suis même pas certain qu'elle était prête pour ça. Il faut dire aussi que je l'ai un peu, beaucoup, prise par surprise.
Quand l'équipe rentre aux vestiaires pour la mi-temps, j'ai pris la décision de laisser du temps à Lu. Mais tôt ou tard, on finira ensemble. Je suis un warrior et je ne laisserai pas tomber si facilement.
— C'est bon, tu t'es calmé ? me questionne coach, à peine la porte refermée.
— Oui, coach.
Il sourit, avant de hocher la tête fermement.
— Très bien, mais si tu nous fais un mauvais coup, je te vire illico presto. Cette victoire est la nôtre, compris ?
— Oui, coach !
Il s'approche de moi pour ajouter sans que les autres n'entendent :
— Et surtout la tienne. Le recruteur des Crimson Tide est ici, fais-lui bonne impression. Je sais que tu peux aller très loin, fiston, alors prouve-lui qu'il fait bien de te vouloir dans son équipe.
J'opine du chef.
Pendant tout le reste du match, je sors mon meilleur jeu, si bien que nous combinons très vite l'écart. À deux minutes de la fin, il ne nous manque que deux points pour remporter le match. Puisque le temps est super court, je feinte une passe avant de m'élancer comme une flèche vers la zone d'en-but. Mon cœur bat à une allure de dingue tandis que je parcours les quelques mètres qui vont nous mener vers la victoire. Je zigzague entre la défense, ne voyant plus que le marquage au sol, celui qui nous permettra de ramener la coupe.
Les spectateurs hurlent, totalement déchaînés, mais je ne réalise que je l'ai fait qu'au moment où mes coéquipiers se jettent sur moi.
Putain, on a gagné ! J'y crois pas !
Complètement à l'ouest, fou de joie, je ne remarque même pas le moment où Mandy se jette sur moi pour m'embrasser à pleine bouche. Quand je tourne la tête pour échapper à son baiser, j'aperçois mon daron lever les deux pouces dans ma direction. Cependant, ce n'est pas ce qui me marque le plus. Lucy est en train de me foudroyer de ses sublimes yeux. Pas besoin de plus pour me faire atterrir. Je la suis du regard tandis qu'elle sort des gradins.
Sans un mot à mes potes, je quitte le terrain. J'ai besoin de comprendre pour quelles raisons j'ai aperçu autant de haine dans ses prunelles. Face à son attitude et la menace de son mec, je suis complètement larguée. Qu'est-ce que j'ai fait de mal, putain ?
Je n'ai pas besoin de chercher bien loin pour la trouver. Elle fait les cent pas devant le stade en triturant ses doigts. La voir ainsi ne présage rien de bon.
— Lu ?
Elle se tourne vers moi, le regard noir. Elle m'en veut vraiment, même si j'en ignore royalement la raison.
— Qu'est-ce qui se passe ? T'as l'air furieuse après moi.
Elle émet un rire qui n'a rien de joyeux, puis croise les bras sur la poitrine.
— J'ai l'air furieuse après toi ?
J'opine du chef pour lui prouver que c'est bien mon impression.
— Tu penses que tu ne m'as pas fait assez de mal comme ça, hein ? Tu crois que tu as le droit de jouer avec moi comme t'es en train de le faire ?
Mais de quoi elle parle ? Complètement à côté de la plaque, je secoue la tête pour lui faire part de mon incompréhension.
— Tu devrais m'expliquer un peu mieux parce que, là, tu m'as complètement paumé.
— Vraiment ? Je te paume ? J'aurais tout entendu de ta part, Logan ! Tu devrais alors peut-être demander à ta copine ce qu'elle pense du fait que tu m'aies embrassée hier soir !
Ma copine ? Mandy ? Elle pense qu'elle et moi sommes en couple ?
À cette idée, je ne peux m'empêcher de me marrer.
— Ouais, marre-toi bien !
Devant son regard digne de la pire arme du monde, je cesse aussitôt de rire.
— Si tu penses que Mandy est ma copine, tu te goures totalement.
— Bien sûr. Tu vas me faire croire que j'ai rêvé quand elle t'a embrassé, non pas une, mais deux fois ! me crache-t-elle en dénombrant sur ses doigts.
J'admets. Cependant je n'y suis pour rien si l'autre peste me prend par surprise à chaque fois.
Puis, merde, en quoi elle se permet de me faire autant de reproches, elle a bien un gars elle !
— Ouais, elle m'a embrassé et alors ? m'emporté-je à mon tour.
— Et alors ? Tu crois vraiment que je suis une pute…
— Tu sais que je ne le pense plus ! la coupé-je, hargneux.
Elle hausse les épaules comme si elle n'en était plus vraiment certaine. Merde et remerde ! Durant toute la semaine, je n'ai pas cessé de lui prouver que j'avais commis une putain d'erreur. Hier, je lui ai dit que je ne faisais pas semblant, alors pourquoi elle me balance ça maintenant ?
Je crève d'envie de lui faire à nouveau comprendre que mes sentiments ne sont pas feints. J'avance vers elle en fixant ses lèvres avec gourmandise. Avant même que je puisse l'atteindre, elle m'arrête en levant une main devant elle.
— N'essaie même pas !
— À cause de ton mec ?
— Tout simplement à cause de toi, Baldwin ! J'ai un cœur au cas où tu ne l'aurais jamais remarqué. Maintenant, dégage et va rejoindre ta copine !
Elle s'éloigne de moi. Décidé à ne pas la laisser s'en aller comme ça, je la retiens par le coude. D'un mouvement sec, elle se dégage de mon emprise.
— Ne m'approche plus jamais ! m'assène-t-elle.
Tué sur le coup, je la laisse me fuir. De toute façon, je dois me rendre à l'évidence, elle est bien trop furieuse après moi pour que je puisse lui faire entendre raison.
Le cœur lourd, je rejoins les vestiaires. Nous avons peut-être remporté la victoire, mais, je viens de perdre le plus important à mes yeux. Elle me déteste à nouveau. Bordel, qu'est-ce que ça fait mal de se faire recaler comme ça !
Quand je pousse la porte, mes potes sont en train de se rhabiller, totalement surexcités.
— Voilà, le meilleur ! s'égosille Chris. T'étais passé où, vieux ?
— Qu'est-ce que ça peut te foutre ?
Il écarquille les yeux, totalement sidéré par ma façon de lui répondre.
— Toi, tu me caches un truc et j'aimerais bien savoir quoi.
Je passe à côté de lui, lui donne une claque virile dans le dos, sans même lui répondre. Si un jour je veux en causer, ce ne sera certainement pas avec lui. J'ai bien plus confiance en Reed pour le coup. Et là, je crois que j'aimerais bien vider un peu mon sac, afin de remettre mes idées en place. Malheureusement, je n'en ai pas le temps, coach m'appelle dans son bureau.
— Oui, coach ?
— Je te présente monsieur Adams, le recruteur de la Crimson Tide, me dit-il en me désignant un type sur ma droite. Il aimerait te parler.
Pendant plus d'une vingtaine de minutes, j'écoute le gars me dire combien mon jeu est excellent, malgré mes quelques erreurs du début de la partie. Il me vante son équipe, l'une des meilleures au niveau universitaire. Je n'ai aucun doute là-dessus, puisque c'est celle que je désire rejoindre l'an prochain.
— Ça te dit alors de venir chez nous ?
— Ouais, grave !
Il me tend la main pour conclure cet engagement. La journée aurait sûrement été l'une des plus belles de ma vie s'il n'y avait pas eu le spectre de Lucy pour la ternir. Je ressors, malgré tout, du bureau, un large sourire sur les lèvres.
— Les gars, je vous annonce que vous avez l'un des futurs joueurs de la Crimson Tide en face de vous !
Des cris d'enthousiasme et des applaudissements fusent de toute part. Les gars sont fiers de moi et ça me fait chaud au cœur. J'en oublie même la désillusion que je viens d'avoir avec la plus belle fille que je connaisse.
— On va fêter ça ? me questionne Reed.
— Et comment !
De toute façon, même sans ça, on est attendu à la fête en notre honneur.
Je rentre chez moi sur les coups de deux heures du mat', pas mal chauffé par l'alcool. Toute la soirée, je n'ai pas cessé de penser à Lucy. Mandy a tenté de m'allumer à plus d'une reprises, à chaque fois je l'ai recalée quelque chose de correct. Va falloir qu'elle comprenne que je m'en fous royalement d'elle.
Je monte les escaliers en essayant de faire le moins de bruit possible. Si mes vieux se réveillent, c'en est fini pour moi. Je n'imagine même pas la tête du daron, s'il apprend que j'ai conduit dans cet état. Ça le foutrait hors de lui et il serait bien capable de me tuer. L'imaginer dans une telle colère me fait rire.
Foutu alcool !
Arrivé à l'étage, je bifurque vers ma chambre, mais je ne peux pas m'empêcher de jeter un coup d'œil vers la porte de celle de ma sœur. En la voyant légèrement entrouverte, je m'y dirige, comme aimanté par la fille qui fait battre mon cœur et qui se cache derrière.
Je pousse le battant et m'y faufile. Guidé par la lumière de mon smartphone, je me rends jusqu'au lit de Lucy, le plus silencieux du monde. Si la lumière n'a jamais réveillée la frangine, c'est tout autre chose en ce qui concerne le son. Le moindre bruit la sortira de son sommeil et la connaissant elle gueulera jusqu'à ce que nos vieux rappliquent. Je me vois mal leur expliquer ce que je fous dans sa chambre à cette heure. Pas sûr qu'un « J'ai grave envie de Lucy», soit bien vu.
Dès que j'atteins mon objectif, je reste planté quelques secondes à contempler ses courbes par-dessus les couvertures. Je laisse mes yeux remonter le long de son corps, puis m'attarde sur son épaule dénudée. La température vient de monter d'un cran. Téméraire, je m'allonge à ses côtés, glisse ma main autour de sa taille et parsème cette peau si tentante de doux bisous.
D'un coup, elle s'éloigne de moi, se met à balbutier des mots incompréhensibles. Son corps tremble et sa cage thoracique se soulève comme si elle pleurait. Merde ! Je ne sais pas ce qu'elle imagine, mais elle semble totalement affolée.
Il faut que je la rassure, et vite, si je ne souhaite pas que toute la baraque soit réveillée.
— Ce n'est que moi, chuchoté-je.
À travers la lumière de mon smartphone, j'aperçois ses traits se détendre, avant qu'une forte colère s'empare d'elle.
— Dé…
Je plaque ma main sur sa bouche afin qu'elle se taise. Si elle continue à parler aussi fort, Deb va finir par ouvrir les yeux.
— Viens dormir avec moi.
L'alcool délie vraiment les langues. Je ne crois pas que sans, je lui aurais demandé un truc du genre.
Quand elle secoue la tête pour refuser, j'ajoute un « s'il te plaît » suppliant.
— Lucy, qu'est-ce qu'il se passe ?
Merde, la frangine !
— Rien. J'ai juste fait un mauvais rêve.
Un sourire se dessine sur mes lèvres en sachant qu'elle me couvre.
— Tu veux en parler ?
Putain, manquerait plus que ça !
— Non, c'est bon. J'ai besoin d'aller aux toilettes de toute façon.
.
— Ok.
Lucy me fait signe de me lever. Je secoue la tête, on doit attendre. Ce n'est que quelques secondes plus tard, lorsque j'entends la respiration de Deb ralentir et devenir régulière, que je bouge mon cul.
Dès que Lucy a franchi le seuil de ma chambre, je referme la porte derrière elle. Enfin seuls ! Vêtue d'un pyjashort, violet avec imprimé pour le bas et blanc pour le haut, elle est vraiment à tomber. Il fait vraiment très chaud d'un coup, si bien que j'hésite à retirer chacune de mes fringues devant elle.
Je laisse mes yeux remonter le long de ses jambes, puis m'attarde sur sa poitrine, au galbe parfait, en m'imaginant tenir ses seins dans mes mains. Un courant électrique de dingue traverse tout mon corps. Le sang afflue en grande quantité vers mon membre et je me retrouve avec une trique de malade.
— Quand t'auras fini de te rincer l'œil, tu me feras signe ?
À la façon dont elle me parle, je capte que ma façon de la bouffer du regard ne lui plaît pas du tout. Je relève les yeux vers les siens. Merde ! Elle n'est pas là pour dormir avec moi, mais pour me passer le savon de ma vie, oui !
— Qu'est-ce que tu n'as pas…
Poussé par mon impulsivité et mon putain de désir pour elle, je ne la laisse pas achever sa phrase. J'enroule mon bras autour de sa taille et l'attire contre moi. Visiblement perturbée, ses joues s'empourprent. Je ne sais pas si c'est en raison de notre proximité ou bien parce qu'elle sent à quel point elle me rend dur. Elle glisse ses mains sur mon torse et me repousse sans y mettre de force. J'ai l'impression qu'elle n'a pas trop envie que je m'éloigne d'elle. Alors, je raffermis ma prise et l'attire un peu plus près de moi. Je regarde ses lèvres avec une envie non feinte, avant d'y coller ma bouche. Son corps se tend, comme si elle refusait ce qui se passe. Pourtant, elle ne tente pas non plus de me fuir. Tandis que mes lèvres bougent contre les siennes, je me demande quelle lutte se livre en elle. J'aimerais qu'elle participe à cet échange, qu'elle me rende ce que je lui offre.
Les secondes s'écoulent sans qu'elle ne réagisse plus. Puis, un changement radical s'opère. Elle se laisse enfin aller et m'embrasse à son tour. J'en profite pour caresser sa lèvre du bout de ma langue. Je crève d'envie de goûter à la sienne. Après plusieurs tentatives vaines, elle finit par m'en autoriser l'accès. Un feu d'artifice jaillit au fond de mes tripes. Jamais, je n'ai ressenti une telle effusion avec une simple galoche. Très vite, je sens son manque d'expérience. Plutôt déroutant vu qu'elle a un gars.
Et alors ?
Savoir que je suis peut-être le premier à lui rouler une pelle me rend encore plus dingue. En quelques secondes à peine, je me reprends afin de mener la danse. Ma langue entraîne la sienne dans une valse dont nous seuls connaissant le tempo. J'avale son souffle, tout comme elle aspire le mien.
Bordel, que c'est bon ! Meilleur même que se taper Mandy !
Essoufflé, je pose mon front contre le sien et plonge mon regard dans ses prunelles. La lueur qui y brille ne me laisse aucun doute sur ce qu'elle a ressenti. Elle a autant apprécié que moi !
Contre toute attente, son attitude change en un claquement de doigt. Elle me repousse avec force cette fois, tout en me mitraillant de ses beaux yeux.
— Qu'est-ce que tu n'as pas compris dans : « ne t'approche plus jamais de moi » ? m'engueule-t-elle.
Malgré sa colère, je ne peux m'empêcher de sourire comme un con. Elle veut me faire croire qu'elle me déteste, mais je sais que c'est faux. Sa façon de répondre à mon baiser me l'a prouvé.
Cette fille me rend barge et j'aime ça plus que tout.
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