31 - Lucy

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Allongée contre Logan, le bras en travers de son torse, je regarde ses poumons se soulever à un rythme régulier. Il dort depuis longtemps alors que je suis incapable de trouver le sommeil. Je me sens si bien que j'ai peur de m'endormir. J'ai la trouille de replonger dans un de ces cauchemars qui viennent me détruire chaque nuit depuis que j'ai reçu ce colis. J'y revois ce monstre me forcer à lui faire des choses que je refuse. Je le revois me cogner avec une telle violence que des étoiles apparaissent devant mes yeux. Je l'entends me dire des choses qu'une belle-fille ne devrait jamais entendre de la bouche de son beau-père. Des ordres qui claquent comme un couperet. Des mots obscènes sur mes mensurations qui me bousillent.

Je laisse mon doigt glisser sur les abdominaux de mon amour pour me raccrocher à lui. Je ne veux pas sombrer dans ces sordides pensées. Pas maintenant. Pas après sa déclaration. J'espère qu'il m'a crue sincère lorsque j'ai prononcé ces mêmes mots en retour. Mon cœur ne bat que pour lui. Depuis toujours et à jamais. Pourtant, je devrais me tenir loin de lui. Je refuse qu'il souffre de notre relation, car je sais qu'elle est vouée à l'échec. Entre l'autre pervers et Chris, nous n'avons que très peu de chance de vivre une belle histoire. Je ne crois, malheureusement, plus aux contes de fées depuis bien trop longtemps.

Ces trois derniers jours, j'ai tout fait pour mettre de la distance entre nous. Si nous n'étions pas ici ce soir, je crois même que j'aurais dormi dans la chambre de Deb. J'aimerais être assez forte pour le quitter, mais je n'y parviens pas. Imaginer une seule journée sans lui m'est bien trop douloureux. Et je suis, sûrement, bien trop égoïste. J'aimerais qu'il prenne la décision pour moi, qu'il se lasse de notre relation. Chris a raison, Mandy est bien mieux pour lui. Au moins, elle ne traîne pas une tonne de casseroles derrière elle. Elle est jolie, adore le sport et je suis certaine qu'elle n'est pas aussi coincée que moi sous la couette. Les imaginer dans le même lit me fait atrocement mal. Je sais qu'elle le veut encore, elle me l'a dit. Elle a même été jusqu'à me narguer en me racontant la façon dont il l'avait prise, en me demandant ensuite si j'y avais aussi eu droit.

Je dépose un doux bisou sur son torse pour chasser cette image atroce qui me hante à présent. Il est là, avec moi, prêt à briser ses rêves et c'est tout ce qui compte. Enfin, pour mon putain de cœur, bien trop égocentrique. Si j'écoute ma raison, je devrais me barrer en courant avant de le détruire. Parce que tôt ou tard, c'est ce qui arrivera. Peu importe si c'est en raison de toutes les menaces qui planent au-dessus de ma tête ou de ses choix professionnels, la finalité sera la même. Il se perdra à cause de son amour pour moi.

Je dois tout faire pour le convaincre de suivre le chemin qui lui est tout tracé, celui qui lui permettra de rejoindre la NFL. Avec ou sans moi. Demain, je lui en reparlerai, puisque ce soir il n'a pas voulu m'entendre. Il a intérêt de ne pas se montrer encore une fois borné. Il ne peut pas et, surtout, il ne doit pas passer à côté d'une telle opportunité. Je ne veux pas qu'il regrette son choix tout au long de sa vie.

Je ferme un instant les yeux et revis, derrière mes paupières closes, le baiser brutal qu'il m'a donné ce matin. J'ai senti à quel point il m'en voulait de le fuir, mais aussi à quel point il se battrait pour me garder. Je suis pourtant un combat perdu d'avance.

Les événements de la matinée s'enchaînent ensuite sous mes yeux.

Je lui ai dit que je préférais partir avec Deb. Il a sûrement dû prendre ça pour une nouvelle fuite de ma part. La vérité est que sa sœur avait besoin de moi. Elle s'est faite larguer par le gars qu'elle a rencontré pendant les vacances. Il ne voulait pas attendre qu'elle soit vraiment prête pour coucher avec elle. Connard ! J'aurais dû l'expliquer à Logan, mais j'ai préféré garder le silence. Je crois que Deb m'aurait tuée si j'avais brisé ce secret. Surtout que le connaissant, il aurait été en découdre avec ce type, en lui expliquant à coup de poings qu'on ne touche pas à sa frangine. Quand il aime, il est si protecteur. J'ai la trouille qu'un jour, il mette en jeu sa vie pour protéger la mienne. Il en est capable, j'en suis convaincue. Je me souviens de toutes les fois où il s'est battu pour moi, face à des plus grands que nous, juste parce qu'ils m'avaient insultée. Son avenir est, pourtant, tout tracé, je ne veux pas qu'il prenne de risques, ni qu'il fasse de conneries pour me sauver. Mon enfer n'est pas le sien.

La première chose que j'ai remarqué, lorsque nous sommes arrivées au bahut, c'est Chris. Quand il a posé ses yeux sur moi, j'ai pris peur. Oui, je sais, il m'en faut peu en ce moment pour que mon cerveau ne soit plus capable d'analyser correctement les choses. En même temps, s'il ne m'avait pas menacée hier de me défoncer la tronche, pour reprendre ses termes, si je ne lâchais pas son pote, peut-être que j'aurais été me réfugier dans les bras de mon amour, plutôt que dans ceux de mon frère de cœur. Killian a vite capté qu'il y avait anguille sous roche. Il m'a trainée à l'écart pour comprendre ce qui se passait. Jusque-là, je n'avais mis aucun des deux au courant de ces menaces, par crainte que leur côté impulsif prenne le pas sur tout le reste. Comment pourrais-je accepter que les deux gars que j'aime par-dessus tout puissent se battre par ma faute ? S'ils venaient à se faire virer du bahut à cause de moi, je crois que je m'en voudrais à mort. Killian m'a rassurée, il m'a promis que personne de ce lycée ne s'en prendrait à moi, que j'étais entre de bonnes mains. Puis, il m'a dit que Logan m'aimait et que je devrais cesser de jouer avec lui, que je n'avais rien à foutre dans ses bras, en présence de mon copain.

Une pluie de bisous me réveillent. J'ai dû finir par m'endormir sans m'en rendre compte. Aucun cauchemar n'est venu me hanter. À croire que ça a du bon d'être loin d'Albuquerque. Très bon même. Et encore meilleure, lorsque Logan entreprend de recouvrir chaque parcelle de mon corps à découvert de ses baisers. Quand sa bouche se pose à la naissance de mes seins, un doux frisson remonte le long de ma colonne vertébrale. C'est tellement agréable.

Je papillonne un instant des cils, avant d'ouvrir mes yeux. Lorsque je découvre mon chéri penché au-dessus de moi, un rayon de soleil jouant dans ses mèches brunes, mon cœur manque un battement. Il est si beau qu'on dirait un ange. Une douce chaleur envahit mon bas-ventre.

— Agréable ton réveil, bébé ? me demande-t-il, avec un sourire en coin qui creuse sa fossette.

Oh, que oui ! En guise de réponse, je glisse mes mains sur sa nuque, enroule mes jambes autour de ses hanches et l'attire vers moi. J'ai envie de le sentir contre moi, en moi. Pour lui faire comprendre le fond de mes pensées, je m'empare de ses lèvres et glisse ma main dans son boxer.

— T'es sûr de toi ? me demande-t-il en haussant un sourcil.

— Tais-toi, beau gosse et fais-moi l'amour.

La lueur de désir qui brille dans son regard me rend fébrile.

Nous sommes à Taos, loin de tout ce qui pourrait nous détruire, alors ce matin, je souhaite seulement lui prouver que moi aussi je l'aime et que je le désire. La vie a décidé de nous offrir un moment de répit, alors autant en profiter. Lundi sera un autre jour, j'ai le temps d'y penser.

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