Six heures trente, le réveil sonne. C'est parti pour ma première journée en tant qu’étudiante parisienne.
Je prends soin de ne pas faire trop de bruit car la rentrée de Mathieu est en décalée de la mienne, de ce fait il dort encore. Comme j’adore me préparer avec la musique à fond, je branche mes écouteurs et c’est parti ! Je laisse à Amazon le soin de choisir ma bande-son et c’est donc en compagnie de Britney que je me fais couler un très long café. Après ça, direction la salle de bain. Côté vestimentaire j’ai opté pour quelque chose de simple : jean, chemisier blanc et mes Converse bordeaux. Pour ce qui est du maquillage ce sera fond de teint, mascara. Je ne suis absolument pas de celle qui se pomponne pendant trois heures. À choisir, je préfère largement dormir plus longtemps. Je vérifie une dernière fois mon sac et je laisse un petit mot à Mathieu avant de partir.

« Cher Colloc Motivator,

J’espère que tu te réveilleras à l’heure pour avoir le temps de lire ce mot, car te connaissant tu as dû mettre ton réveil pour la dernière minute. Je te souhaite une bonne rentrée pleine d’énergie positive et je te dis à ce soir.

Bizouuu, Bizou.

La meilleure Cara de l’Univers »

J’esquisse un franc sourire, je glisse le mot à côté de la cafetière et je me mets en route.

À l'extérieur, l'air est doux et le soleil se lève, annonçant une belle journée. On dirait bien que pour une fois tous les chakras sont au vert et c’est tant mieux car j’ai vraiment besoin de bonnes ondes pour cette rentrée de toutes les nouveautés.

Lorsque j'arrive devant la fac, avec une bonne demi-heure d'avance, je constate qu'il y a déjà un très grand nombre d'étudiants qui attendent l'ouverture. C’est un spectacle que je n’ai jamais vu au lycée, hors jours d’examens. Face à toute cette foule qui m’angoisse déjà, je décide de me trouver un coin tranquille pour m'asseoir et je sors un livre de mon sac, Harry Potter. D'accord ça ne fait pas vraiment étudiante en médecine, mais j'adore l'univers créé par J.K. Rowling. D’aussi loin que je m’en souvienne, la lecture et la musique ont toujours été des remèdes contre mes montées de stress, et Dieu sait que je suis la nana la plus stressée de l’univers. En moins de deux phrases me voilà complètement plongée dans l’école de Poudlard en compagnie d’Harry qui, comme moi, à quelques problèmes familiaux.

Je suis complétement happée par le récit des aventures de mon sorcier préféré, lorsque j'entends une petite voix qui me fait revenir à la réalité.

- Alors on ne se mélange pas aux autres pour faire connaissance ?

Je lève les yeux et je constate que j'ai face à moi une petite blonde aux yeux très clairs et au visage amical. Je ferme mon livre et jette un coup d'œil autour de moi. Le nombre d'étudiants s'est multiplié depuis mon arrivée et plusieurs petits groupes se forment déjà. Je me lève en lui répondant :

- À vrai dire, je ne suis pas très douée pour faire connaissance et me mélanger à un groupe, avoué-je honteusement. Du coup, il m'arrive même de préférer la lecture à la compagnie des humains. Les livres nous déçoivent rarement.

Je tente un peu d’humour mais visiblement ce n’est pas mon fort. Dans son regard, je comprends rapidement qu’elle reste perplexe et qu’elle se demande si elle ne vient pas de faire la pire bêtise de sa vie en accostant la fille la plus antisociale de la place. Je ne peux garder mon sérieux plus longtemps et j'éclate de rire. Finalement, elle rit de bons cœurs avec moi. Après quelques minutes à tenter de retrouver mon sérieux, je finis par la questionner :

- Je m'appelle Cara et toi ?

- Elodie, se présente-t-elle enjouée. Ravie de faire ta connaissance. Le temps d’un instant j’ai bien pensé avoir accoster la fille la plus barge de la fac.

Sa remarque me fait esquisser un grand sourire. Il faut croire que je suis douée pour lire dans les yeux des gens.

- T’en fait pas, si tu veux des barges, ici tu vas être servie. Bienvenue à la fac madame...

Je lui fais un grand signe théâtral en lui montrant la foule qui s’entasse toujours plus nombreuse devant les portes du bâtiment. C’est à croire qu’ils veulent forcer les portes pour avoir les meilleures places.

- Oui mais entre barge, on peut trouver une certaine alliance, me répond-elle l'air réjouis tout en me faisant un clin d'œil. Alors, tu es en quelle filière ? Moi, je commence médecine.

Je suis assez surprise. Avec son allure un peu Bobo et tirée à quatre épingles, je l’imaginais plutôt en Droit. Ma foi, tant mieux pour moi, cela m’évitera d’avoir à me mélanger avec le reste du groupe.

- Pareil, réponds-je finalement très enjouée. Et je pense que l’on est parti pour des années de torture. Les joies de la fac en sommes.

- Il paraît que la première année est très difficile, m'annonce-t-elle, et qu'il y a beaucoup d'abandon, de rivalité et d'échec.

- Oui, j'ai entendu ça aussi. En même temps vu le nombre d'étudiants en première année et le nombre de places en seconde, ce n'est pas étonnant qu'il n’y ait que peu d’étudiants qui s’en sortent, constaté-je avec dépit.

Nous continuons à discuter et faire connaissance lorsqu'une voix masculine nous interrompt.

- Coucou ma puce ! Pas trop stressé pour ta rentrée.

Nous sommes tellement absorbées par notre discussion que nous n'avons pas remarquée qu'un jeune homme nous a rejoint. Il est grand, châtain avec des yeux clairs, le même bleu que ceux de notre père. Il ne me faut que quelques secondes pour le reconnaître : Simon. Quand nos regards se croisent, j'ai l'impression que je vais tourner de l'œil et que mes jambes vont me lâcher. De tous les scénarios que j'avais imaginé, je n'aurais jamais pensé que je rencontrerai mon demi-frère de cette façon.

- Coucou, mon cœur, lui répond Elodie les yeux pétillants. Non, je n'ai pas eu le temps de stresser, regardes, je me suis fait une nouvelle amie. Je te présente Cara, dit-elle en tendant les bras vers moi.

D’un coup je me sens complètement dépossédé de tout mon être. Mon cœur ne rate pas un, mais au moins une centaine de battements lorsque Simon pose les yeux sur moi. Je suis si mal à l'aise que je n'arrive même pas à prononcer un mot. C'est finalement Simon qui brise le silence.

- Enchanté Cara, je suis Simon. Il marque une pause comme réfléchissant à un sujet important. Tu as un prénom peu commun mais très joli, tu as le même prénom que ma demi-sœur, sort-il abruptement.

Les bras m'en tombent. Visiblement Simon connaît mon existence, mais il ignore à quoi je ressemble. Il n’a pas eu beaucoup de photo de nos grands-parents, lui ! Mon cerveau ne fait qu'un tour et il est clairement impossible pour moi de lui annoncer de but en blanc que je suis sa sœur. Du coup, je joue le jeu des présentations amicales, après tout ce n’est pas une mauvaise idée d’approche.

- Enchanté Simon, ravie de faire ta connaissance, réponds-je finalement, mal à l'aise. Alors, toi aussi tu entres en médecine ?

Je sais bien évidemment que non, mais Simon ne sait pas ce que je sais, donc autant la jouer naïve.

- Non du tout, mon truc à moi c’est le droit, me répond-il avec fierté. J'ai le sang en horreur.

- Tout le monde n'est pas à l'aise avec, lui répond Elodie en passant son bras autour de sa taille. Il faut de tout pour faire un monde. Moi par exemple, je ne pourrais pas défendre un type que je sais coupable.

- C'est juste deux métiers différents pour sauver des vies, tranché-je simplement,

Il semble que mes paroles mettent tout le monde d'accord, mais nous sommes contraints de cesser le débat lorsque nous constatons que la foule se met en mouvement pour entrer dans le bâtiment.

Simon nous fausse compagnie pour rejoindre son groupe et, avec Elodie, nous nous avançons vers ce qui s'annonce être une année pleine de rebondissements