Chapitre 8

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La première semaine de cours se termine et le moins que l’on puisse dire c’est qu’elle a été intense. J’ai cette impression étrange qu’elle est passée vite mais que j’ai subi chacun des jours qui viennent de s’écouler. J’espère qu’avec le temps, je vais me faire à ce rythme complètement dingue.

Heureusement pour moi, j’ai trouvé une alliée de taille. Car oui, avec Elodie, nous ne nous quittons plus. C'est une jeune femme qui, malgré son côté petite fille bien sous tous rapports, est pleine de vie et aussi très rebelle. Plus j’apprends à la découvrir, plus je me rends compte des incalculables points communs que l’on a. C’est une bosseuse au fort caractère mais à la fragilité pourtant perceptible.

À côtoyer autant Elodie, j’en arrive à croiser Simon tous les jours. Loin de moi l’idée de m’en plaindre, au contraire, j’apprends à le découvrir et j’en arrive à la conclusion qu’ils sont bien assortis tous les deux. Il est souriant, généreux et profondément gentil. Il est également très studieux, du genre à toujours être fourré à la bibliothèque. Plus les jours passent, plus il devient compliqué pour moi de ne rien lui dire quant à mon petit secret. Les mensonges s’accumulent au fur et à mesure que tous deux me questionnent sur mon passé. Ce n’est plus tenable, j’ai l’impression de devenir une imposture.

Concernant Nate, je n’ai toujours pas eu l’occasion de le croiser, et quelque part ce n’est pas plus mal car c’est déjà bien difficile de faire semblant avec Simon. Heureusement pour moi j’ai, chaque jour, un rapport détaillé par mon « Coloc Motivator ».

Mathieu ne manque pas de compliments à son sujet. Il semblerait qu’ils soient devenus assez proche tous les deux. Enfin cela est sans compter sur mon paternel. À en croire ce qu'il m'a dit ce n'est pas un homme commode. Un soir, il attendait impatiemment son fils adossé à sa voiture, les bras croisés et quand Nate l'a vu, il avait baissé la tête et s'était empressé de le rejoindre. Ce soir-là, comme beaucoup de soirs, leur cours de sport s'était éternisé. Quand Nate était arrivé au niveau de mon père, ce dernier ne s'était pas retenu de montrer son mécontentement parce qu’il avait poireauté. En un regard, Nate s'était fermé et était monté en voiture. Cette scène avait beaucoup surpris Mathieu qui m’en avait longuement parlé le soir même. Depuis, il a remarqué que Nate change de comportement en fin de journée. Il se braque et ne cesse de regarder l’heure. J’en viens à remercier mon géniteur de m’avoir évité le calvaire de vivre avec lui au quotidien.

Nous franchissons les portes du bâtiment des sciences, Elodie et moi, avec un air de soulagement. Bien sûr, le travail ne va pas manquer ce week-end, mais de pouvoir décompresser un peu ne va pas nous faire de mal.

- Et voilà, nous avons survécu à notre première semaine, me dit-elle fièrement alors que l'on arrive à l'extérieur.

Cet air frais et pur est agréable après une journée enfermée. Enfin on est à Paris donc quand je dis « air pur » tout est relatif mais c’est toujours mieux que la climatisation de l’amphithéâtre qui me tombait dans la nuque.

- Oh oui, acquiescé-je en m'étirant les bras. Ce premier week-end est une bénédiction. À nous le repos !

Nous nous regardons et nous rigolons, car nous savons pertinemment qu'au vu de la tonne de travail que l'on a, on ne va pas beaucoup se reposer. Alors que nous sommes en routes vers le bâtiment de Simon, Elodie semble vouloir me dire quelque chose, mais dès qu’elle ouvre la bouche, elle la referme aussitôt. Depuis que je la connais, c’est bien la première fois que je la vois si hésitante.

- Avant de penser au repos, commence-t-elle timidement, nous faisons une petite soirée à la maison avec Simon et ça me ferait plaisir que tu te joignes à nous.

Cette invitation me met vraiment mal à l’aise. Avec tous les bobards que j’ai pu leur sortir depuis que je les ai rencontrés, je n’ai pas la force de jouer le jeu toute une soirée. Elle ne me laisse pas le temps de répondre qu'elle enchaîne avec un débit verbal accéléré.

- Il n'y aura pas grand monde juste ses trois potes de promo, son frère et moi, nomme-t-elle de tête. Je sais que Simon t'apprécie et ça peut nous permettre de décompresser. Tu n'as qu'à venir avec Mathieu si ça te met plus à l'aise.

Elle me fait des yeux de chien battu conjugué à un ton suppliant mais la seule information qui retient mon attention est la présence de Nate. La panique me gagne. Depuis le début de la semaine, j’ai allègrement menti à Simon et Elodie surtout presque toute ma vie. Je me suis inventé une famille au fin fond du Jura, pour que Simon ne fasse pas le lien avec nos grands-parents de Bretagne, avec un petit frère de huit ans, chouineur et capricieux mais des parents aimants qui payent mes études et une partie de mon logement avec mon meilleur ami d’enfance. Nate, lui, sait très bien que Mathieu est aussi breton qu’un kouign aman Alors inutile de réfléchir beaucoup pour savoir comment va se terminer la soirée. Deux options s’offrent à moi, y aller sans Mathieu ou ne pas y aller. Je n’ai pas à réfléchir longtemps pour faire mon choix.

- Merci pour la proposition mais je vais décliner. Je ne voudrais pas nous imposer Mathieu et moi.

Avant même d’avoir prononcé la phrase, je savais que ma réponse ne lui plairait pas et qu’elle trouverait de nouveaux arguments.

- Tu ne t'imposes pas vu que je vous invite, conteste-t-elle frustrée. Et puis Nate, le frère de Simon, est hyper canon et il est célibataire. Je suis sûre que c'est ton style.

Elle me fait un clin d'œil d'un air entendu.

Je fais de mon mieux pour éviter de m'étouffer avec ma salive. Elle vient vraiment d’essayer de me caser avec mon frère jumeau ? Si elle savait la vérité, elle regretterait ses paroles. Simon arrive sur l'entre faits.

- Salut Cara, coucou ma puce, nous salut-il en prenant tendrement Elodie dans ses bras.

- Coucou, mon cœur, s'empresse-t-elle de répondre. Tu sais quoi ?

Elle fait la moue.

- Cara ne veut pas venir ce soir, elle ne veut pas "s'imposer".

Elle fait le signe des guillemets avec ses doigts, Simon me regarde avec un air faussement déçu avant d'intervenir.

- C'est dommage Cara, mais nous n'acceptons pas de refus avec Elo. Si tu ne viens pas, on viendra te chercher dans ton lit s'il le faut !

Quand je disais qu’ils faisaient bien la paire ces deux-là ! Le pire c’est qu’une partie de moi sait qu’ils en sont capables.

- Alors je crois que je n'ai pas le choix, abdiqué-je malgré moi. Je serais des vôtres ce soir et je vais convaincre Mathieu de m'accompagner.

Hors de question que j'y aille seule ! Quitte à mettre le bazar, autant avoir mon meilleur ami pour me ramasser à la petite cuillère.

Elodie saute de joie l'air triomphant. Mon téléphone vibre, un SMS de Jonathan :

« Déjà chez toi où on fait la route ensemble ? »

Oui, on a pris cette habitude.

Je lui réponds que l'on se rejoint à l'endroit habituel et je fausse compagnie à Elodie et Simon, toujours en train de célébrer leur petite victoire.

Nous sommes sur le retour, et nous marchons tranquillement avec Jonathan, en parlant de la pluie, du beau temps et de notre semaine de cours qui s’achève enfin mais il parait distant, comme lorsqu’on réfléchit à quelque chose d’important pour ne pas l’oublier.

- Je suis invité ce soir, il y a une fête étudiante à bord d’une péniche. Tu veux bien m'accompagner ?

Son regard croise le mien et ses yeux sont tellement remplis d’espoir que je me déteste déjà de savoir que je vais le décevoir.

- Je suis désolée, je viens d'accepter une soirée chez Simon et Elodie, expliqué-je mal à l'aise.

Pour le coup, je bénis Simon et Elodie d'avoir une bonne excuse de refuser l'invitation de Jonathan. Je l'aime beaucoup, et plus j’apprends à le connaître plus je me rends compte qu’il ne me laisse clairement pas indifférente seulement, je ne pense pas qu’une soirée étudiante soit le bon plan pour un premier rencard.

- Oh, me fit-il visiblement déçu. Je comprends, tu as besoin de passer du temps avec Simon. Ce sera pour une autre fois, j'espère.

Il se ressaisit et me fait un beau sourire.

- Oui, avec plaisir, dis-je en répondant à son sourire.

Nous arrivons chez nous et, alors que nous allions nous séparer, Jonathan me prend dans ses bras. Bien que je sois gênée et que je ne sache comment réagir, je ressens comme une sensation étrange à son contact. Je n’y avais jamais vraiment prêté attention auparavant, mais il sent incroyablement bon et ses bras, qu'est-ce qu'ils sont musclés... Mon esprit s'égare complètement alors que je lui rends son étreinte sans même m’en rendre compte. A ce moment précis, je regrette presque d'avoir refusé son invitation. Je ne sais pas combien de temps nous restons ainsi mais je reviens à la réalité lorsque Mathieu arrive à son tour. Dès que mon regard croise celui de mon coloc, je m'écarte rapidement de Jonathan, le salut et rentre dans l'appartement. J’entends Mathieu saluer brièvement notre voisin alors qu’il me suit de près.

- Alors ! C'était quoi ça ? Me questionne-t-il à peine la porte d’entrée refermée.

Je ne vois pas l’expression de son visage puisqu’il est dans mon dos, mais je sens à sa voix qu’il a pris son air taquin.

- Rien ! Réponds-je sans oser lui faire face. Il m'a invité à une soirée, mais j'ai dû décliner, car nous allons déjà chez Simon et Elodie ce soir. Comme il avait l'air vexé, je me suis senti coupable et je lui ai fait un câlin.

Je prends mon air le plus innocent possible, bien que je sache que cela ne marchera pas avec Mathieu.

On est d’accord, je modifie un tant soit peu la réalité mais ce que Mathieu ignore ne peut lui faire de tort. Et puis, je n’ai pas envie de me lancer dans de longues explications sur le comment du pourquoi on en est arrivé à s’étreindre avec Jonathan. Rien que d’y repenser, mon corps se réveille et des fourmillements viennent s’installer dans mon estomac. Mais qu’est-ce qu’il m’arrive ?

- Mouais, je ne suis pas convaincu de ton histoire mais quand tu seras prête tu m'en parleras, hein ?

Puis il se met à réfléchir, comme si une information capitale lui avait échappé.

- Attends ? C'est quoi cette histoire de NOUS et de soirée chez Simon et Elodie ? S'inquiète-t-il soudainement.

Je lui raconte l'invitation d'Elodie pour ce soir et l'insistance d'elle et Simon pour que je vienne.

- Eh bien, on a plus qu'à aller se préparer non ? Lance-t-il joyeusement.

Sa réponse me laisse sans voix, je ne pensais pas qu’il accepterait si facilement.

- Alors tu m'accompagnes ?

- Bien sûr, tu sais que pour toi, je décrocherais la lune ma p'tite.

Je lui fais un énorme bisou sur la joue et pars me préparer. J’ai tellement l’estomac noué à l’idée de cette soirée, que je ne prends même pas le temps de goûter.

Cela fait bien une demi-heure que je suis face à mon placard, à me demander ce que je vais bien pouvoir porter ce soir. Je tente de me rappeler les informations capitales fournies par Elodie : petite soirée, petit comité. Alors j’hésite entre quelque chose de classique : jean, blouse et talon ou quelque chose de plus soirée en sortant une robe. Face à cette situation, je n’ai qu’une chose à faire.

- MATHIEU !!! A L’AIDE !

En moins d’une minute, mon coloc déboule à ma porte, une serviette autour de la taille, sa brosse à dents dans la bouche et l’air complètement paniqué. Wow, ce n’est pas la première fois que je vois Mathieu torse nu, mais dites-moi à quel moment ses abdos ont commencé à se dessiner si parfaitement ?

- Quoi ?… Que se passe-t-il ?

Je reviens à la raison.

- Je ne sais pas comment m’habiller, lui dis-je les yeux ronds, presque en murmurant.

Son corps se détend, ainsi que son regard.

- Putain, Cara, ne hurle pas comme ça, j’ai bien cru qu’il t’arrivait quelque chose de grave.

Pour me faire pardonner, je lui fais les yeux doux et je bats des cils très vite. Je sais que ma stratégie est payante au moment où il finit par venir détailler le contenu de ma grande armoire.

- Voyons voir…. C’est une soirée en petit comité… Il faut quelque chose de simple mais qui change de ce que tu portes tous les jours…

Je le regarde, amusée, alors qu’il fait glisser les ceintres les uns après les autres.

- Ah voilà ! S’écrit-il joyeusement en me tendant une petite robe noire. Simple mais efficace. Et puis j’adore quand tu la portes celle-ci.

Il me fait un grand sourire et retourne à ses occupations.

Une fois la tenue choisit, je suis prête en un rien de temps. J’ai opté pour un maquillage simple avec un trait fin d’eye-liner pour agrandir mon regard, un peu de mascara et un rouge à lèvres bordeaux. J’ai remonté mes longs cheveux bruns en un chignon flou. Mathieu a eu du nez en choisissant la tenue car j’avais oublié à quel point cette robe est magnifique. Elle marque parfaitement ma taille et sa longueur est idéale pour mes jambes courtes. Même avec une jolie paire de talons, je ne fais pas trop habiller.

Il n’y a pas à dire, j’ai vraiment le meilleur ami parfait.

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