[4] Prends garde... (4/7)
[4.]
Sans grande surprise, le self est presque totalement vide tandis que je m’y faufile avec mon plateau et je me sens tout à coup bien seule en venant déposer mon repas sur l’une des tables attenantes aux immenses baies vitrées. L’hôpital étant situé en hauteur par rapport à la ville, la vue est imprenable et particulièrement belle aujourd’hui, sous les rayons de l’immense soleil hivernal. Je me perds pendant un long moment dans la contemplation silencieuse de ce paysage magnifique tout en avalant distraitement mes spaghettis. Au moins cela m’évite-t-il de penser à Ethan et à son étrange comportement…
Je passe une bonne partie de mon après-midi seule et après avoir consulté presque l’intégralité de chacun des dossiers du service de cardiologie au moins trois fois, je me décide finalement à redescendre à la pharmacie du CHU trouver du café et m’installer confortablement sur l’un des nombreux sièges molletonnés de la salle de repos, mon ordinateur ouvert devant moi sur un cours de neurologie des plus ennuyeux.
Il règne un calme tel que je finis par somnoler sur mon siège devant un PDF d’immunologie. La vibration de mon portable annonçant l’arrivée d’un message issu d’un numéro encore inconnu de mon répertoire me tire de mon demi-sommeil. Je consulte l’écran en plissant les yeux pour me réadapter à la luminosité ambiante.
— Dîner ?
Ah oui c’est vrai ! Je n’ai toujours pas enregistré le numéro d’Ethan… Il faudra d’ailleurs que je songe à le faire avant la fin du weekend, il se pourrait bien que j’en ai besoin.
Je tourne distraitement la tête en direction des fenêtres. Il fait nuit noire, le soleil s’est donc couché depuis un bon moment. Intrigué, je me penche pour jeter un coup d’œil à l’heure sur ma montre. Je serai curieuse de savoir combien de temps s’est écoulé depuis notre séparation avec Ethan. Le cadran annonce vingt heures trente. Vingt heures trente ?! Mince !
Me levant d’un bond, je me dépêche d’enfiler à nouveau ma blouse et attrape mon téléphone portable pour composer ma réponse :
— Quand tu veux.
Je garde les yeux rivés sur l’écran du téléphone dans l’attente d’un message qui ne tarde toutefois pas :
— Maintenant alors. Je crève de faim.
Je souris. Tu m’étonnes ! J’ignore encore si le jeune homme a pris le temps de manger le midi même… Plutôt curieux d’ailleurs qu’Ethan se souvienne de moi après m’avoir laissée seule toute une après-midi m’enfin… Qu’importe ! Je tape donc une nouvelle réponse :
— Je remonte alors. On se retrouve au self ?
— Ok.
Tout comme lors de mon déjeuner, le self est presque totalement vide – si on ne compte pas le couple d’infirmiers occupant seulement l’une des nombreuses tables en gloussant joyeusement - et je retrouve donc facilement Ethan, déjà attablé près des baies vitrées, visiblement absorbé par la composition d’un message sur son portable personnel cette fois.
Je slalome souplement entre les places vides, adressant au passage un sourire poli au jeune couple et viens prendre place à mon tour près des baies vitrées. Je ne peux d’ailleurs m’empêcher de sourire en songeant qu’en dépit de toutes nos divergences, Ethan et moi partageons tout de même au moins un point commun en matière de choix de places. Les nombreuses lumières parsemant la ville plongée dans l’obscurité pourraient presque donner un côté romantique à ce dîner. Si je ne le partageais pas avec l’interne le plus lunatique et le plus impavide au monde.
Visiblement bien décidé à terminer la rédaction de son roman de sms – très certainement destiné à sa copine du jour -, le jeune homme ne daigne même pas lever les yeux vers moi tandis que je prends le temps de me débarrasser de ma blouse et de m’installer confortablement, raclant la chaise sur le sol afin de faire le plus de bruit possible – ce qui me vaut d’ailleurs un coup d’œil réprobateur du couple derrière nous auquel j’adresse un nouveau sourire de doléances -. Je me retiens de lever les yeux au ciel en constatant que malgré tout mon brouhaha, Ethan ne semble pas avoir bougé le moins du monde.
Saisissant donc le pichet près de moi, je me sers un grand verre d’eau que j’avale d’une traite en ruminant.
— Qu’est-ce qui t’a retenu si longtemps ? demandé-je poliment en prenant soin d’éviter de contempler son visage, pourtant excessivement sexy lorsque ses sourcils froncés par la concentration forment de charmants petits plis entre ses yeux noirs.
— J’ai eu pas mal de cas aux urgences cet après-midi, répond-il sans décrocher son regard de son téléphone – et j’en viens à songer que cela doit réellement chauffer entre lui et sa copine au vu de la longueur du message -.
Je souris. Il ment, bien entendu. Mais je le soupçonne de ne pas vouloir en parler. Ethan est un être si complexe à décrypter, si imprévisible, si étranger pour moi…
— Qu’est-ce qui te fait sourire ?
Je relève la tête, constatant que le jeune homme a enfin posé son téléphone, son regard à présent braqué sur moi.
— Rien, mens-je en secouant la tête.
— Rien ? Vraiment ?
Ethan a un sourire railleur. Je hausse les épaules :
— Non rien, vraiment. Je ne pense à rien. Comme ces sept dernières heures depuis que tu m’as lâchement abandonnée dans les couloirs ce midi.
Malgré mon large sourire, le visage d’Ethan se renferme subitement et il détourne le regard en direction de l’obscurité de la ville, les sourcils froncés. Merde Ethan ! Je plaisantais ! Je me fige. Si le jeune homme semblait prompt à la plaisanterie, il ne l’est visiblement pas lorsqu’il s’agit de lui. Un silence lourd de sens s’installe entre nous. Je fais tourner ma fourchette dans mon assiette, gênée.
— Bon, okay… Je m’excuse, minaudé-je, c’était de mauvais goût, je n’aurais pas dû te dire ça…
Le jeune homme continue de fixer le paysage sans rien dire. Je sens mon cœur se serrer au fond de ma poitrine. L’ai-je définitivement perdu cette fois ? Je me mords la lèvre d’inquiétude. J’ai encore du mal à l’admettre mais Ethan compte sans doute un peu plus pour moi que je ce que je voudrais bien me l’avouer.
Alors que je me perds petit à petit dans mes pensées en songeant à toutes les plus plates excuses que je pourrais bien lui faire, Ethan se lève brusquement de table, saisissant son plateau entre ses mains. Le raclement de sa chaise sur le sol nous vaut un nouveau coup d’œil courroucé du couple derrière nous. Il les foudroie du regard en retour. Ok, je l’ai définitivement blessé… Mais alors que je l’imagine déjà quitter la pièce sans m’adresser le moindre mot, son visage se détend et il se penche vers moi en chuchotant :
— Allez viens, lève-toi. Si ça te branche, j’aurai un dernier truc à te montrer pour me faire pardonner.
-
Abandonnant là ma salade et ma pomme, je remonte les escaliers de service sur les pas d’Ethan. Après une série de couloirs tout aussi vides que le reste du CHU à cette heure tardive, nous débouchons dans une petite chambre aux volets fermés, ne comportant pour mobilier qu’une simple chaise basse, un appareil de monitoring éteint et un lit mobile d’hôpital.
Après un dernier coup d’œil dans les couloirs, Ethan prend soin de refermer la porte derrière nous. Je frissonne en observant la chambre vide autour de moi avec circonspection.
— Tu peux me dire ce qu’on fait ici ? L’intérêt d’une chambre vide m’échappe encore… plaisanté-je en tentant de dissimuler ma gêne de me retrouver seule dans une pièce avec le jeune homme.
Ethan a un demi-sourire en s’avançant en direction de l’appareil de monitorage.
— Approche et allonge-toi là tu veux ?
D’une main, il vient tapoter le matelas recouvert d’une série de draps et de couvertures impeccablement tirés au carré. Je fronce les sourcils en posant mon regard sur le lit inoccupé de la pièce.
— Pourquoi donc ?
Le jeune homme lève les yeux au ciel, exaspéré.
— Arrête donc de discuter mes ordres et viens t’allonger ! Je ne risque pas de te violer, je te rappelle que nous sommes dans un hôpital !
Je grimace exagérément à son intention pour masquer mon embarras et croise les bras sur ma poitrine tout en m’avançant vers le lit en grommelant. Une fois assise sur le dur matelas du lit, je prends le temps de retirer mes chaussures et m’allonge le plus confortablement possible, les bras toujours croisés sur mon buste comme une enfant bien décidée à bouder. Ethan sourit.
— Une vraie gamine… pouffe-t-il. Je tiens à te faire remarquer que j’ai quand même des manières. Le non-consentement, ça n’est pas trop mon truc.
Je lui adresse une petite tape sur l’épaule et il rit, détournant le regard en direction du monitoring derrière lui tout en se massant le bras pour masquer la douleur. Je le vois se pencher pour appuyer sur plusieurs boutons et l’écran s’allume, prêt à afficher les constantes du patient. Ethan se penche à nouveau pour attraper plusieurs sachets d’électrodes qu’il ouvre un à un et pose près de lui.
— Qu’est-ce que tu fais au juste ? demandé-je, curieuse, en le regardant faire.
— Ce n’est pas toi qui voulais comprendre comment fonctionnait un ECG hier ?
Il m’adresse un clin d’œil complice.
— Et tu n’as pas trouvé d’autres moyens de me l’expliquer que de te servir de moi comme cobaye ? répliqué-je en me redressant brusquement.
Ethan pose une main sur mon épaule pour me forcer à me rallonger.
— On n’est jamais mieux servi que par soi-même, fait-il remarquer. Et puis, tu feras un excellent cobaye. Ne bouge pas.
Glissant une électrode entre ses doigts, il vient passer sa main sous mon chemisier afin de l’appliquer à même ma peau. Je frissonne en sentant le contact de ses doigts sur mon corps. Ethan hausse les sourcils, visiblement surpris.
— Tu as les doigts froids ! protesté-je faussement.
Il sourit en secouant la tête. Une fois chacun des patchs correctement disposés sur mon torse, Ethan attrape une série de câbles qu’il branche aux électrodes miniatures. L’appareil émet une sorte de déclic et une ligne apparait enfin à l’écran, d’abord fixe, puis dessinant bien de fines courbes ponctuées de « bips-bips » sonores.
— Parfait, souffle Ethan en observant les motifs se dessiner à l’écran de façon constante. Maintenant, commence par me dire ce que tu sais sur ces trucs.
Le jeune homme tourne la tête dans ma direction et je dois me concentrer de toutes mes forces sur la régularité du monitoring pour ne pas être totalement décontenancée par l’intensité de ses yeux noirs fixés sur moi. Le simple fait de penser à son regard fait que les bips-bips du monitoring gagnent brusquement en intensité, détournant provisoirement l’attention du jeune homme. Merde… Je suis bien consciente qu’allongée ainsi, avec un tel appareil relié à mon système cardiaque, impossible pour moi de cacher quoi que ce soit à Ethan. Je me retrouve subitement totalement à sa merci et cela ne m’enchante guère…
Inspire, expire, inspire… Je ferme les yeux, me concentrant sur les battements réguliers de mon cœur. Les bips-bips baissent à nouveau et je prends le temps de réfléchir avant de répondre :
— Le tracé de l’ECG se décompose en plusieurs zones de dépolarisations et repolarisations cardiaques, le pic le plus connu correspondant à l’onde dite QRS.
Ethan semble absorbé par la contemplation du tracé sur l’écran.
— Hum… Mais encore ?
Je dois me faire violence pour rassembler au maximum mes souvenirs de cours et je m’en veux de ne pas avoir été plus attentive.
— Le schéma des ondes correspond à la rythmique cardiaque : systole auriculaire, conduction auriculo-ventriculaire, systole ventriculaire et enfin, diastole ventriculaire.
— Et donc ?
— Donc, une modification dans le tracé indique une modification du fonctionnement cardiaque et un risque d’anomalies pathologiques.
Une moue indéfinissable traverse le visage d’Ethan.
— Quoi ? J’ai dit une connerie ?
— En soi, non, avoue-t-il, presque déçu.
Je fronce les sourcils, blessée.
— Alors quoi ?
— Rien.
Un étrange silence s’installe à nouveau entre nous et je ne peux m’empêcher de prendre à nouveau le temps de contempler son visage. Son magnifique visage parfaitement concentré. La tension à l’écran monte légèrement. Je secoue la tête afin de me sortir de mes pensées. N’oublie pas que tu es reliée à ce truc… me sermonné-je. Au bout de ce qui me semble une éternité, Ethan semble enfin sortir de sa léthargie.
— Bien, passons aux choses sérieuses. Est-ce que tu sais reconnaître une tachycardie ?
Le regard du jeune homme se plonge à nouveau dans le mien et je dois rassembler toute ma force de conviction pour ne pas rougir.
— Non…
— Je vais te montrer.
Je hausse les sourcils, curieuse. Comment diable compte-t-il me montrer une tachycardie avec ce truc-là ? Il faudrait pour cela qu’il m’injecte un produit ou un truc du genre je suppose… Un élan de panique me gagne tout à coup. Suis-je vraiment prête à servir de cobaye pour ça ?
— Alors dis-moi, et ne me mens pas cette fois, à quel point est-ce que tu m’aimes ?
— Quoi ?!
Mon cœur fait un bond dans ma poitrine. J’entends le monitoring s’emballer à nouveau subitement. Les motifs à l’écran se multiplient brusquement, gagnant en amplitude. Bordel de merde ! C’est quoi ça ? Si je mens, il ne le saura rien qu’en écoutant le son du moniteur et il le sait. Je n’ai aucun moyen de me défiler et je suis désormais certaine que sa question subrepticement posée à cet instant précis n’a rien d’anodin. Je sens ma tension cardiaque sur le point d’imploser. Que faire ?
Je bafouille, incapable de réfléchir. Un sourire étire tout à coup les lèvres du jeune homme.
— Okay waouh ! Pas de panique, c’était une blague ! Redescends en pression ou tu vas me faire un arrêt sur ce lit !
Je retiens un soupir de soulagement. Nous n’avons clairement pas le même humour…
— C’était mesquin ! protesté-je en posant une main sur mon cœur afin de le calmer.
— Si j’avais su que tu réagirais de la sorte ! rit Ethan, mais voilà, c’est ça une tachycardie ! Une petite bradycardie, ça te tente ?
Je me retiens de le frapper à nouveau devant son ton moqueur.
— Je suis branchée à un appareil qui mesure mes pulsations cardiaques en temps réel et tu oses me poser des questions personnelles ! Tu es horrible !
Le sourire d’Ethan s’élargit.
— En temps normal, crois-moi, je n’ai pas besoin de te brancher à un appareil de mesure de la fréquence cardiaque pour savoir quand tu me mens ou quand tu es embarrassée.
Je rougis à nouveau. Ah non ? Ethan ricane.
— Là, tu vois !
Cette fois-ci, je lui assène une nouvelle tape sur l’épaule. Je sens la pression redescendre petit à petit dans mon corps. Une plaisanterie… Ce n’était qu’une stupide plaisanterie… tenté-je de me rassurer.
— N’empêche que tu as clairement abusé de la situation !
— Oh allez ! Tu n’es pas joueuse franchement !
Ethan éteint l’appareil avant de débrancher une à une les électrodes. Je les retire en me redressant et m’étire afin de détendre mes muscles endoloris par la crispation. C’est officiel : je hais ce type !
J’étouffe un bâillement. Toutes ces émotions ont visiblement eu raison de moi.
— Ben tiens, je t’ennuie peut-être ? demande Ethan en me tendant une main afin de m’aider à me mettre sur pieds.
Mes doigts posés dans les siens m’arrachent à nouveau de légers frissons sur le bras. Je secoue la tête en renfilant mes baskets, prenant soin toutefois de ne pas croiser son regard.
— Il est simplement vingt-deux heures passées, m’excusé-je, je trouve ça plutôt normal que je sois un peu fatiguée, non ?
Le jeune homme relève la tête afin de me dévisager et je crois discerner une lueur de stupéfaction traverser son regard sombre.
— C’est ma première garde, me défends-je, je n’ai pas l’habitude de travailler autant un weekend !
Ethan hausse les épaules.
— Tu t’y feras.
— Hum hum. J’en doute. Mais en attendant, j’ai bien envie d’aller me coucher.
Je m’étire paresseusement. Un voile passe sur le visage de mon camarade d’infortune et je sens mes épaules s’affaisser à nouveau d’inquiétude.
— Eh bien vas-y alors.
J’observe Ethan avec intérêt, surprise par le ton scandaleusement froid du binôme qui me tourne à présent le dos, les yeux rivés sur l’écran de son téléphone portable dans un silence terriblement oppressant.
— Quoi ? répété-je, interloquée, en essayant de me lever hors du lit, non, mais attends, je peux parfaitement…
— Je t’ai dit que tu pouvais y aller.
Je stoppe net mon geste afin de dévisager le jeune homme. Après ces dernières minutes de complicité, me revoilà donc face à l’inconnu des premiers jours. C’est si… déconcertant. Je me sens totalement perdue par ce brusque revirement de situation.
— Ethan, je…
— Va dormir si tu en as tant besoin que ça ! me coupe froidement le jeune homme. Je t’en donne la permission alors vas-y ! Je peux très bien gérer seul mes dernières visites.
Je l’observe cette fois avec stupéfaction. Je sais le jeune homme lunatique et caractériel mais j’avais espéré que notre rapprochement m’aiderait à le comprendre un tant soit peu. Et je me rends compte tout à coup que je m’étais lourdement trompée… C’est comme si une vague d’eau glacée venait de m’ensevelir toute entière. J’aimerais ajouter quelque chose pour détendre l’atmosphère mais j’en suis tout bonnement incapable.
— Bonne nuit alors, lancé-je dans un soupir en me levant.
Ethan reste silencieux tandis que je me dirige d’un pas traînant vers la porte de sortie. Je me surprends à espérer jusqu’à la dernière seconde qu’il va se raviser et me rappeler mais je me glisse à travers l’encadrement de la porte sans que le jeune homme ne paraisse réagir. Je chasse d’un revers de main des larmes impromptues et relâche le battant de la porte dans mon dos. La porte ne s’est pas encore refermée que je crois percevoir un vague « Bonne nuit » prononcé dans un murmure.
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Je ne me suis encore jamais promenée aussi tard dans les couloirs déserts de l’hôpital et la pharmacie est plongée dans le noir complet lorsque les portes de l’ascenseur des paliers inférieurs s’ouvrent en émettant le « ting » caractéristique de l’arrivée à l’étage annoncé. Je ne peux contenir un frisson devant le faible éclairage aux néons. On se croirait presque dans un film d’horreur…
Tout en traversant les couloirs – la lampe torche de mon téléphone portable enclenchée dans sa version maximum -, je m’attends presque à voir surgir à n’importe quel instant un individu encagoulé armé d’un long couteau sanguinolent… Je ne suis définitivement pas prête psychologiquement à être découpée en morceaux… Je secoue la tête. Plus de thrillers Laura, plus JAMAIS de thrillers !
Je trouve facilement la salle de garde de la pharmacie, l’écriteau sur la porte étant un peu plus gros que sur les autres. La pièce est vraiment petite - à peine dix mètres carrés – et avec pour seul mobilier un petit lit de camp, un lavabo surmonté d’un minuscule miroir ovale et une table de chevet sur laquelle trône une vieille lampe poussiéreuse dont l’abat-jour semble sur le point de s’effriter à la moindre pression. La pièce toute entière respire le manque budgétaire à plein nez. Je hausse les épaules. Après tout, ce n’est que pour une ou deux nuits tout au plus… Je ne peux néanmoins m’empêcher de songer aux espaces réservés en services aux internes de garde. Et à celui utilisé par Ethan. Je fais la moue. Penser au jeune homme ne risque pas de m’aider à passer une bonne nuit, j’en suis sûre.
Après avoir contrôlé la température du thermostat sur le vieux radiateur de la pièce, je me dépêche d’enfiler des vêtements plus confortables et prends le temps de me brosser les dents et coiffer proprement mes cheveux. J’hésite à me démaquiller mais songe rapidement au fait que je pourrais être rappelée au cours de la nuit par Ethan et l’idée de me présenter à lui cernée de sommeil et creusée des marques de l’oreiller ne me tente pas. Alors, après une dernière et brève inspection de mes messages, je me glisse dans mon duvet et plonge dans les bras de Morphée, priant pour que le lendemain ne soit que bien meilleur qu’aujourd’hui.
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