25. Chandelle éternelle
Mes prières n’avaient finalement pas été écoutées, comme toujours depuis le début de mon existence. Suite à mon escapade nocturne en forêt, j’étais rentrée pour me glisser sous mes draps auprès de lui, principalement à cause de mon front enflammé par la plaie non traitée et surtout par les débris de verre incrustés qui s’enfonçaient dans ma peau que j’avais eu beaucoup de peine à retirer. Juste après avoir pansé la blessure, j’avais placé une serviette sur le miroir, priant pour me réveiller avant lui le lendemain et le décrocher, prétextant que j’en aurais commandé un autre, plus grand et plus beau qui devrait bientôt arriver.
J’ignorais que cet objet maudit cassé à présent deviendrait la cause des malheurs qui allaient suivre.
C’était un samedi et au petit matin, Maria, âgée à ce moment-là de deux ans et demi chancelait jusqu’à notre chambre, braillant joyeusement en cette belle matinée, pour réclamer son petit déjeuner. J’ignorais si c’était la douleur de la blessure ou la fatigue suite à ma longue promenade, mais tellement assommée, ouvrir mes yeux était un véritable combat contre mon propre corps. Je tentais d’y mettre toute ma force mais son père, déjà debout s’était avancé vers elle, l’avait portée pour la déposer sur ses épaules et m’avait gentiment intimé de me rendormir.
En émergeant, j'avais été rassurée de ne pas m'être réveillée trop tard mais la première chose que j’avais ressenti était la grande douleur qui m’assaillait le front.
La maison était étrangement silencieuse, alors prise d’un bref frisson de peur, j’avais rassemblé assez de force pour me diriger vers le salon. Je les avais tout les deux trouvé là : lui, était assis sur le canapé à lire alors que la petite, par terre, dans son aire de jeu, faisait promener ses peluches en baragouinant, à leur place, en guise de dialogue imaginaire. Son regard n’avait pas tardé à se lever sur moi. A cet instant, son regard s’était illuminé, comme jamais auparavant. Je percevais une lueur les animer que je n’avais encore jamais remarqué. Comme si un bout d’elle-même était revenu.
- Maman !! elle avait crié, en se levant pour foncer vers mes bras.
Mais dans sa course, elle s’était vautrée à terre et s’était immédiatement mise à pleurer de douleur. Tout les deux, nous avions accouru vers elle. Il l’avait attrapée en premier et longtemps bercée et consolée. Il lui prononçait de douces et réconfortantes paroles, en couvrant de « bisous magiques » les endroits qui lui faisaient mal. Assez rapidement, elle s’était calmée pour retrouver un immense sourire et nous avait tous les deux câliné. C’était à cet instant qu’il avait remarqué mon pansement.
Son regard s’était tout de suite assombri. Je n’avais pas tout de suite compris jusqu’à ce que…
Merde ! Le miroir !
- C’était ça, le miroir ? il m’avait demandé, un peu perplexe.
Il avait déposé Maria par terre qui s’accrochait malgré tout à son genoux, hoquetant encore un peu.
- De quoi tu parles ? avais-je feint.
- Viens. Maria, retourne jouer.
- Mais je veux rester avec toi !! avait-elle rouspété, les yeux embués, presque à déverser un nouveau flot de larmes.
Il s’était penché vers elle, avait pris ses petites mains dans les siennes, pour lui promettre longuement qu’il reviendrait. Visiblement, après s’être viandée par terre, elle avait totalement oublié mon existence, se concentrant exclusivement sur son père. Je les regardais faire, une espèce de pointe d’amertume au fond de la bouche, que je faisais tout pour ignorer et réprimer. Non, c’était mal. Je n’avais pas le droit de ressentir ça, ce n’était pas normal. Il allait de soi qu’elle le préfère lui à moi, quelques fois. Qu’il se concentre davantage sur notre fille que sur moi.
Lorsqu’elle était retournée à ses occupations juvéniles, il m’avait pris par la main pour me guider à la salle de bain dont il avait retiré la glace. Celle-ci était posée par terre, derrière la machine à laver.
Quand il l’avait récupéré, j’avais constaté des tâches marrons dégoulinantes du point où commençaient les fissures. Je déglutissais d’appréhension. Une tension régnait et j’avais l’impression que quelque chose allait exploser, d’une minute à l’autre.
- Tu t’es cognée de ton plein gré la tête contre le miroir ?
J’avais détourné son regard. Sa voix, ce n’était pas celle de d’habitude. Elle contenait une pointe de déception et .
- Non, je n’ai pas fait exprès. Je regardais quelque chose sur mon front et je m’y suis cognée sans faire attention.
- Attends, tu veux vraiment me faire gober ça ?
J’avais les yeux rivés vers un canard en plastique, posé sur le rebord de la baignoire. Visiblement, il avait fait prendre un bain à Maria, lorsque je dormais. Elle adorait ce jouet. Parfois, il suffisait de le lui montrer pour qu’elle obéisse. Moi, ce joujou m’amusait, avec ses yeux d’ahuris.
- Tu y as mis toute ta force, Sofia !
En mettant un peu d’impulsion sur ses bras, il avait ramené le miroir sous mes yeux.
- Tu as saigné tu vois. Et j’ose même pas inspecter sous ton pansement…
J’avais soupiré alors qu’il détaillait une nouvelle fois la glace. Il y avait glissé un doigt.
- J’imagine même pas combien tu as dû avoir mal… mais quelle mouche t’a piquée ? Qu’est-ce qui t’as pris de faire une chose pareil ? Un débris aurait pu t’aveugler ! Tu as déjà de la chance de tenir debout.
- Je t’assure que ce n’est rien. J’ai plus mal.
Evidemment, en même temps que je prononçais cette dernière phrase, ma blessure m’envoyait des ondes électriques désagréables, partout dans le corps, me faisait presque chanceler.
- Je ne te crois pas.
- Je ne te forcerai pas à raconter ces… trucs horribles que tu aurais fait, d’accord ? Je t’aime comme tu es, ma Sofia. Rien ne pourra jamais changer ça. Je t’aimerai éternellement. Même après qu’on sera devenuq des p’tits vieux et qu’on mourra. trop occupés à gérer notre enfant, et qlui par sa profession déjà prenante et surtout, nous étions fatigués.
- Tu peux tout me dire, Sofia.
Si seulement je pouvais réellement tout lui dire…
- J’étais juste crevée… alors j’ai craqué. C’est tout, tu me connais.
- Sofia, j’ai l’impression que tu veux me dire quelque chose. N’hésite pas, raconte-moi, qu’est-ce qui ne va pas.
- Est-ce que tu m’aimerais toujours même si tu savais que j’avais fais des trucs vraiment horribles ?
- Ma chérie, on a tous fait des choses horribles. Même moi. Tu es la seule et unique femme de ma vie, malgré tout ce que tu aurais pu faire dont tu aie honte.
J’avais longtemps soutenu son regard.
- Tu es vraiment gentil.
Si seulement je pouvais t’aimer sainement. Et ne jamais osciller entre l’amour et la haine. Mais surtout la peur.
- Je ne te forcerai pas à raconter ces… trucs horribles que tu aurais fait, d’accord ? Je t’aime comme tu es, ma Sofia. Rien ne pourra jamais changer ça. Je t’aimerai éternellement. Même après qu’on sera devenusdes p’tits vieux et qu’on mourra.
Dans ces moments-là, je me rendais compte d’à quel point j’étais attachée à lui. Une existence sans lui m’était inenvisageable. Mon cœur était comme une chandelle allumée et qui ne s’était jamais éteinte et qui ne le ferait pas, quoi qu'il arrive. Elle était éternelle et surnaturelle, résistant à toutes les intempéries. Et pourtant, pour la première fois, dans son regard, j’ai vu comme un doute. Quelque chose d'étrange brillait au fond de ses iris. Comme s’il se demandait où il s’était fourré.
Je voulais profiter encore plus de ce moment mais Maria est arrivée abruptement, mon téléphone portable à la main.
- Maman ! elle a crié. T’appelle !!
J’avais nonchalamment quitté les bras de mon bien-aimé pour récupérer le téléphone portable, maudissant les personnes qui m’appelaient. Maria s’en est allée en courant vers le salon, visiblement pressée de retourner à ses doudous.
Quelques minutes après, à ma mine décomposée, il me regardait avec perplexité, et demandait des explications. J’avais soupiré, le cœur galopant contre ma poitrine.
- Elle m’a dit que mes parents sont morts.
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