29. Lac miroir

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J’avais sorti le couteau avec lequel je l’avais menacé tantôt en la sommant d’avancer devant moi, en la guidant. Elle s’était instantanément mise à crier et des larmes avaient commencé à dévaler le long de ses joues.

- Je vous promet, s’il le faut, je quitterai la région mais et m’approcherai plus de lui ! Je vous jure, je dirai rien ! Laissez-moi !

- Avancez !!

Elle avait docilement obéit, et comme un animal en cage, je l’avais entraîné par les cheveux sur la neige immaculé jusqu’au lac. Il était partiellement gelé. Comme elle, dans quelques secondes.

Toujours le couteau d’une main, et de l’autre, sa nuque ainsi que ses cheveux, j’ai plongé son crâne au visage pleurant et hurlant dans l’eau, quelques secondes brisant avec son front le lit de gèle qui s'y était installé.

- Au fait, je déconnais. On va pas le voir du tout. Il n’est pas au courant que t’es avec moi. Et il ne le saura jamais, avais-je ris en la ramenant vers moi.

Encore une fois, je l’avais noyée, sous ses supplications, si agréable à mes oreilles. Quand je l’avais ressorti, pour inspecter son visage, j’avais constaté des rougeurs sur son visage. L'eau était suffisamment gelé pour lui provoquer cette réaction. Pour une dernière, j’avais remis la partie et quand j’avais finie, plus aucun son ne sortait de sa bouche et elle ne s'agitait plus. C’est bon, c’était finie ? Elle était morte ?

- Hé, c’est bon, t’en peux déjà plus ?

Elle n’avait rien répondu. Ses yeux était vides et vitreux, mi-clos. Son visage avait viré au blanc cassé et sa bouche, à moitié ouverte, laissait s’échapper des trainées d’eau. Tout ses membres étaient immobiles. Aucune mouvance ne les animait. Elle était morte. Putain. Pourquoi si rapidement ?

Je n’avais pas pu m’empêcher de récupérer le couteau et le lui planter au cou. Plusieurs filets de sang s’en étaient échappés. Cette vision ne me dégoutait point. Au contraire, je me sentais presque renaitre. Enfin, j’étais dans mon élément. Je continuais encore et encore de la planter. Chaque bruit sourd de ma lame transperçant sa douce et pâle peau provoquait en moi des émois tels que lorsque je le voyais s’avancer vers moi, pour m’embrasser… ou plus. Des papillons valsaient voluptueusement dans mon ventre, alors que mon cœur battait d’excitation, frénétiquement en moi. Non, je devais m’arrêter là…

J’observais le spectacle. Son visage était indiscernable, il ne restait rien de son cou et de son abdomen, recouverts de rouge écarlate et de bouts de peau déchiquetés. Putain… mes mains…

Je les ai plongé dans l’eau, heureusement, restés aussi fluide et limpide, malgré tout. Le clair de lune s’y reflétait et j’y jetais un coup d’œil. J’apercevais mon reflet. J’étais haletante et transpirante. Mais mon visage, c’était le même. Cette femme brisée, qui avait à nouveau ôté la vie d’une autre femme. Je n’avais aucun regret. Mais mon humanité n’était plus. J’étais définitivement devenue ce monstre que j’avais essayé de fuir. Plus aucun retour en arrière possible.

J’avais continué à m’observer sur ce lac miroir jusqu’à ce que mon propre reflet devienne une infâmie pour moi. Alors sans réfléchir, je m’étais déshabillée.

Je n’avais laissé que mes sous-vêtements, et j’avais plongé dans cette eau gelé. Je devais mourir.

Je ne méritais pas de vivre. Jamais je ne pourrais continuer d’exister avec le poids de mes crimes. Un corps mort gisait près de moi et j’avais espéré revenir juste après cela dans les bras de mon mari ? Les choses allaient véritablement s’arranger ? Ou j’allais continuer à enterrer des corps jusqu’à mes soixante-dix ans pour lui ?

J’avais enfoncé ma tête dans ce lac, le visage rempli de larmes, dévorée par la culpabilité et laissé mon corps suivre.

Je devais disparaître… c’est tout ce que je méritais…

Et alors que je sombrais peu à peu, l’image de Maria m’était tout à coup réapparue.

Oui, elle me détestait… mais c’était une petite fille… je n’allais pas la laisser seule. Je ne pouvais pas la laisser devenir la fille d’une meurtrière supposée ?

Vite, j'étais remontée à la surface, tremblante de froid. Des rougeurs et les cicatrices du verglas me démangeaient la peau. Mais j’arrivais presque à y faire abstraction, à cause de l'adrénaline. Rapidement, je devais remettre mes vêtements et mon imperméable et courir jusqu'à la voiture, gémissant de terreur pour y récupérer les sacs poubelle que j’avais emporté. J’y fourrais son corps avec peine, en parvenant à ne pas le déchirer. Merde… le sang…

Heureusement, j’étais prévenante et j’avais emportée une pelle. Je récupérais toute la neige maculée avec précision et la jetais dans le sac. Je la mettrais bien au chaud pour qu’elle fonde dans mon coffre, avec le corps d’Eva. Personne ne les trouverait. Ils étaient résistants, comme sac. Tout irait bien Sofia, tout irait bien…

Je me grattais nerveusement tout le corps, terrifiée.

Ça allait fonctionner. J’avais élaboré le plan parfait. J'éteignais son téléphone et le fourrait également dans un sac à part, avec le couteau et le cellulaire intraçable. Je faisais rouler avec difficulté le corps mais aussi lentement pour ne rien déchirer. Heureusement, la voiture n’était pas loin. Quand je finissais de tout ranger et nettoyer, jusqu’à mes bottes, tâchés de sang, j’entamais le trajet jusqu’à pour garer la voiture, là où personne ne la trouverait, sauf moi. Je mettrais le plein et demain, j’irai au bord de l’océan jeter cette merde. Je marchais jusqu'à chez moi, les pieds hurlant de douleur et de froid, puisque je ne portais que des chaussettes chauffantes, à présent.

L’adrénaline était à son comble quand je suis rentrée à la maison. Mais surtout, j’avais trouvé mon mari, assis sur le fauteuil du salon, visiblement m’attendant.

Il était bientôt quatre heures du matin. Merde…

- D’où revient ma femme, à cette heure-ci ?

Je transpirais de partout en plus d’être trempée et essoufflée par la peur et ma course.

Aussitôt qu’il avait prononcé cette phrase, qui sonnait comme une accusation, précipitant mon trépas, j’avais fondu en larmes.

- Sofia… il avait soupiré. Tu es trempée…

Il s’était rapprochée de moi pour me serrer contre lui.

- Chut… ça ira, je suis là, ma chérie. Mais…

Il me tâtait les joues.

- Tu es frigorifiée.

J’avançais, à son rythme en trainant des pieds, alors qu’il me traînait à la salle de bain. Il avait fait couler un bain tiède, en même temps qu’il me déshabillait. Je craignais qu’une odeur de sang ne se révèle mais il ne sourcillait pas.

Il avait tout jeté dans la corbeille et me guidait doucement à la baignoire.

- Sofia… où t’es-tu fourrée ?

Il me lavait délicatement les cheveux, avec une petite dose de mon shampoing.

- Pourquoi… tu as l’air si malheureuse ces derniers temps ? Réponds-moi.

Je sentais l’odeur du produit envahir mes naines. Qu’est-ce que j’adorais cette odeur… à la fois forte et douce.

- Je suis malheureuse, parce que tu ne m’aime plus.

Il fronçait les sourcils.

- Tu es le centre de ma vie, Sofia. Pourquoi tu dis ça ? Je t’aime, plus que tout.

- Tu mens.

Cette fois, il était resté muet et m’avait lancée quelques bassines d’eau sur les cheveux en les frottant.

- Je vais finir de me laver, seule.

- D’accord. Mais je reste.

Que craignait-il ?

Au lit, habillée et réchauffée, je continuais d’être hantée par les secrets que je cachais dans ma voiture. L'adrénaline était au maximum et malgré mon bain, je n’étais pas calmée.

J’avais refusé d’évoquer ce qui avait précédé et avions mis fin à quelconque conversation en faisant l’amour, après plusieurs mois sans rien faire. C’était comme si nous le faisions pour la première fois. Mes trippes étaient dévorées par le désir doublé d'une effusion de phéromone dû à mon dernier meurtre. Quel beau mélange chez moi. Il me dévorait chaque parcelle de mon corps et de ma féminité, passionnément et sauvagement.

La violence, c’était ça qui manquait pour rallumer notre flamme.

Parce qu’après que je sois partie au bord de l’Atlantique me débarrasser de cette saleté d’Eva et des preuves, notre couple était enfin redevenu soudé, comme il l’était autrefois. Nottament lorsque j'avais appris que j'attendais notre deuxième fille.

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