Je scrute droit devant, je pense encore pouvoir l'atteindre avant qu'il ne redémarre.

Je me concentre, il devrait m'attendre, le bus des lundis matin traîne aussi sa carcasse...

Les silhouettes que j'effleure déposent des traces de leurs vies bien ordonnées. Elles se suivent et forment une guirlande qui transpire des effluves diverses, laquelle choisir parmi ces notes sucrées, boisées, épicées ?

J'ai des difficultés à reprendre mes esprits, oublier n'est pas possible, pardonner pas encore, chaque chose mérite de vivre pour un temps avant que l'esprit digère et tourne la manivelle. Pour le moment, j'essaie de mettre un sens à ces deux jours qui viennent de s'écouler, je marche droit devant, l'élan qui m'anime à une qualité, il formate mon corps, alors je continue à cheminer, je lui dois bien ça...

08 h 08, pour la première fois, il ne m'attend pas, je le vois s'en aller, ventre plein vers le bout de la rue.

Une sensation étrange s'empare de moi, j'ai chaud, je me retrouve là devant le square comme abandonné par la vie, mais, c'est une autre chose qui se joue. Ici, j'ai le sentiment d'être accompagné, la certitude que je ne suis pas seul.

Alors je l'ai entendu, comme un murmure, fin filament qui tourbillonne en mon centre, des mots tout doux qui apaisent :

-" Tom, n'aie pas peur, me voici, je suis Lili "

Ce lundi matin là, je m'en souviens aujourd'hui encore, un nouvel espace s'est inscrit en moi.