Mercredi 3 février 2010
Chère Camille,
Je ne sais pas dormir, je ne veux pas dormir, je tourne en rond dans ma chambre. Je voudrais te parler et t'appeler. Ton téléphone sonne dans le vide jusqu'à ce que ta voix se mette à dire que tu n'es pas là. J'ai besoin de toi et tu n'es pas là. Tu es partie. C'est un mot si doux pour la dure réalité de la vie. Tu n'es pas partie. Car si tu étais partie, cela voudrait dire que tu reviendras un jour, mais tu ne reviendras jamais. Tu ne reviendras jamais plus pour moi ou toutes les autres personnes que tu aimais. Tu es morte. C'est si dur à dire, si difficile à réaliser. Ce n'est pas possible, tu étais encore là il y a si peu de temps. Ce n'est pas possible. Tu vas revenir. Tu dois revenir. Je n'arrive pas à imaginer un monde où tu n'es plus. Comment en une fraction de seconde, tout peut s'écrouler ? Comment ? J'ai l'impression de faire un mauvais rêve, je vais forcément me réveiller. Il le faut...
Pourtant, je l'ai vu descendre en terre. Ce cercueil dans lequel à présent, tu reposes. Je ne peux plus croire après ça que tu reviendras.
La cérémonie en ton hommage était très belle, très émouvante. Pourtant, je l'ai détestée. J'aurais voulu ne pas rester, m'enfuir. Mais ce que je voulais vraiment, c'était fuir ta mort, fuir ma douleur. Je ne sais pas si tu m'as entendue quand j'ai pris la parole, j'aime à penser que c'est le cas. Que tu n'es pas si loin. Après tout, c'était toi qui étais persuadée d'une vie après la mort.
Je ne risque pas d'oublier la date du vingt-cinq janvier. Et puis le vendredi vingt-neuf janvier non plus. Ce fut le jour où on t'enterra. Mais quel horrible jour, merde ! À bannir du calendrier si on peut. J'ai loupé une semaine de cours parce que j'étais incapable de me lever de mon lit. J'étais terrassée. Pour autant que je sais, mon absence à quand même été justifiée.
Écoute-moi, lis-moi, j'ai encore tellement de choses à te dire, Camille. À commencer par celle-ci :
J'aurais voulu que tu ne partes jamais. J'avais besoin de toi, j'ai besoin de toi. J'aurais voulu que tu restes et je donnerais beaucoup pour que rien ne soit arrivé. C'est le genre de pensées qui ne sert à rien bien sûr. J'ai une famille, mais toi, sans lien de sang, tu étais ma sœur. Ma dernière parole envers toi n'a pas été méchante, comme on voit dans les films où le héros dit « je te déteste » à une personne qui justement va mourir par la suite et le héros s'en voudra. Non, pas dans la vraie vie, pas dans la mienne. On s'est quittées normalement, comme deux amies. Mais ça ne va pas, parce que je viens de perdre ma meilleure amie. Plus rien n'ira.
J'ai peur, Camille. Tellement peur sans toi. Peur d'affronter la vie toute seule et de regarder le vide causé par ton absence à côté de moi. Nous étions invincibles, toutes les deux. Je suis horriblement petite toute seule. Et vulnérable. J'ai peur de regarder le passé, car tu y es à presque chaque instant puis me retourner vers l'avenir et constater que tu n'y seras jamais. J'ai peur que le temps passe et efface certains moments passés avec toi. Ce qui arrivera inévitablement. J'ai peur d'essayer de me représenter ton visage souriant et remarquer que je ne sais plus. Constater que les contours de ton visage sont flous, que la couleur de tes yeux est incertaine et que le son de ta voix est oublié. J'ai peur de grandir et de changer, de devenir une personne qui ne t'aurait pas plu et ne s'entendrait plus avec toi. Peur de te décevoir de là où tu es et de ne pas me rendre compte de mes erreurs là où tu me guidais. Peur de sourire et de rire à la vie, mais plus jamais avec toi. Peur de ne plus jamais rire à l'une de tes blagues et de te taquiner sur une chose et l'autre. Peur de me marier, d'avoir des enfants, un boulot, une maison, un chien et savoir que toi, tu n'y auras jamais droit. Que cette vie d'adulte t'est refusée. Même si ce n’est pas pour tout de suite. Peur de recevoir mon diplôme, chose de plus que tu n'auras jamais et entrer dans le monde insipide des adultes, encore une fois sans toi.
Alors Camille, je vais faire comme si tu étais encore là jusqu'à ce que ma plume n'est plus la force de faire semblant. Parce que parfois, on ne peut pas faire autrement...
Bises, Joanna Callis
P.S : Je ne t'oublie pas et ne t'oublierai jamais.
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