Chapitre 4
Alors que le soleil de midi baignait le campement franc d'une lumière dorée, réchauffant les constructions en bois et les cœurs des courageux, un groupe de jeunes recrues s’était rassemblé au fond du camp, derrière les cuisines. Profitant d’un moment de détente, leurs rires et leurs plaisanteries résonnant dans l'air clair. Rigomer passa devant eux.
- Alors maintenant on recrute des enfants dans l’armée des Francs, lança un apprenti soldat à la mine grinçante.
Ses copains éclatèrent de rire devant la remarque qui se voulait drôle. Dans un premier temps, Rigomer fit semblant de ne pas entendre. Ils étaient quatre et il était seul. Il serra les poings, redressa la tête et accéléra le pas, déterminé à ne pas se laisser intimider. Il commençait à s’éloigner quand il reçut un caillou à la tête, la douleur vive jaillit. Son sang ne fit qu’un tour, il fit volte-face. Son père était courageux, son frère était courageux, il ne pouvait être le poltron de la famille, alors malgré le désavantage évident de sa taille et de son âge, il fonça tête baissée vers les garçons.
- Tu crois pouvoir nous défier avec tes petits poings, railla l'un des plus grands, en le repoussant de sa main. Les autres ricanèrent, formant un cercle étroit autour de leur proie.
Le pauvre Rigomer reçu une pluie de coups. Il se débattait comme il pouvait, quand soudain un gars aux cheveux roux surgit. « Laissez-le tranquille ! » cria Baudaud, se plaçant aussitôt à côté de son ami. Les grands échangèrent des regards surpris avant de hausser les épaules, amusés par la bravoure apparente des deux jeunes.
« Regarde, un renard est venu secourir son ami ! » se moqua l’un deux, mais avant qu'il ne puisse continuer, Baudaud, avec une audace imprévue, lui asséna un crochet à la mâchoire. La surprise fut totale, et l’imprudent recula en titubant.
La scène tourna rapidement à la bagarre. Les coups volèrent dans toutes les directions, pieds et poings s’agitant en tous sens frénétiquement. Rigomer et Baudaud, bien qu'en infériorité numérique, se battaient avec la férocité de jeunes loups. Leur agilité et leur détermination compensaient leur manque de force brute. Rigomer esquiva une balayette de justesse, avant de plonger sous le bras de son adversaire pour lui asséner un uppercut au ventre. À côté de lui, Baudaud se battait comme un diable ; ses cheveux roux virevoltaient à chacun de ses mouvements. Il paraît les coups avec ses avant-bras et ripostait, vif comme l'éclair.
Les grands, déstabilisés par la résistance acharnée des deux plus jeunes, commencèrent à perdre de leur assurance. La mêlée se poursuivit pendant plusieurs minutes, les grognements remplissant l'air. Un strident coup de sifflet interrompit le combat. Un cuisinier ventripotent, attiré par le bruit, commença à courir vers eux, un bâton levé menaçant. Les plus grands, craignant la colère du personnage, prirent la fuite, laissant Rigomer et Baudaud à genoux sur le sol, essoufflés mais triomphants. Ils étaient couverts de plaies et de bosses, leurs visages rougis et leurs vêtements déchirés, mais un sourire victorieux illuminait leurs traits.
Le cuistot bedonnant renonça à courir après les agresseurs, fit une remarque aux deux amis, leur disant que cette bagarre leur ferait un entraînement pour le vrai combat. Dans un rire gras, il tourna les talons et retourna à la beuverie qu’il avait entamée.
Baudaud tendit la main à son ami pour l'aider à se relever, et souffla :
- On s’en est bien sorti, hein
- Merci, Baud’, sans toi je ne sais pas comment j’aurai fait, répondit Rigomer, essuyant le sang de sa bouche fendue, et lâcha - Ça te va bien comme nom Renard …
- Ouais, j’aime bien … dit le rouquin, pensif
Rigomer hocha la tête, tenta d’esquisser un sourire malgré sa douloureuse lèvre coupée. Les deux amis, encore haletants, mais heureux, s’éloignèrent en boitant légèrement, avec la satisfaction d’avoir tenu tête aux plus grands, fiers du courage dont ils avaient fait la preuve.
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