6 - Shawn

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Voilà, on y est !

À nous l'Europe !

Cinq putains d'années pour que ce rêve se concrétise !

En même temps, je suis le seul coupable. Sans toutes mes conneries, nous aurions pu traverser l'Atlantique bien avant. Mais après le départ de mon ex, j'ai plongé dans des contrées obscures, d'où il m'était impossible de m'échapper. Drogue et alcool ne m'ont plus foutu la paix. Un vrai junkie !

Après plus de deux années à me voir me défoncer et foutre le groupe en l'air, le producteur a fini par péter un câble. Il m'a laissé le choix ou j'arrêtais toutes mes merdes ou il rompait le contrat. Dan a pris la décision à ma place. Il m'a envoyé en cure de désintox, sans que je puisse lui opposer la moindre résistance. Le connaissant, il m'aurait foutu direct son poing dans la gueule, avant de m'y conduire de force. À bien y réfléchir, il a pris la bonne décision. La seule possible, de toute façon. Sans lui, j'aurais fini par clamser.

Assis dans l'avion qui nous mène en Europe, Je rêvasse à cette future tournée. Je n'en reviens toujours pas. D'ailleurs je pense ne pas être le seul. Jay et Dan semblent tout aussi excités que moi. À les voir chahuter, on dirait deux vrais gosses.

J'ai de la chance qu'ils ne m'aient pas lâché lorsque plus rien n'allait. Pourtant, la vie n'a pas été simple, surtout pour mon meilleur pote. Quand l'autre pétasse a été dénoncé à la presse le meurtre commis par Jay, il lui a fallu du temps et de la persévérance pour se dédouaner. Maintenant, le sujet est clos. Plus personne ne reviendra dessus. Les journalistes ont fini par comprendre qu'il n'avait pas pris cette décision de bonté de cœur. Entre tuer ou l'être, le choix est vite fait, surtout lorsqu'on a toute la vie devant soi.

— Waouh, mec ! Je n'en reviens toujours pas qu'on va donner notre premier concert en Europe ! lâche Dan en s'affalant dans le siège à mes côtés.

— À nous les petites Anglaises ! lance Jay, en remuant son bassin pour bien nous faire passer le message.

Dan pose les yeux sur sa femme, assise sur la banquette à quelques pas de nous, leur fils lové dans ses bras. Tous deux dorment paisiblement depuis un moment déjà.

— Parle pour toi, mec. Si Haley me voit ne serait-ce que poser mes yeux sur une fan, elle va me déglinguer.

— Mon pauvre ! le chambré-je, avant d'éclater de rire, suivi aussitôt par mon meilleur pote.

— Marrez-vous bien ! Je me demande comment Laura réagirait à la place de ma femme.

Certainement pas mieux, mais à vrai dire je m'en fous. Entre nous, c'est plus que tendu en ce moment et je pense que je vais finir par mettre un terme à cette mascarade. J'en ai juste marre de ses crises de jalousie à répétition. Encore hier, juste avant que je prenne l'avion, elle m'a pris la tête parce que je posais torse poil pour un magazine féminin. Et alors ? Merde, c'est ça la célébrité ! Je n'ai pas le choix si je veux que le groupe perdure. Surtout qu'elle sait à quel point ce genre de conneries me soûle. Ce n'est pas comme si elle m'avait surpris en train de baiser une autre. Bon, ok, j'admets c'est arrivé quelques fois en deux ans de relation. Plusieurs même, si je veux vraiment être honnête. Mais quand de sublimes créatures vous allument après un show en foutant leur poitrine sous les yeux, il est difficile de résister. En même temps si Laura me faisait un peu moins souvent la gueule quand je rentre de tournée, j'aurais peut-être pas besoin d'aller me satisfaire ailleurs.

— T'es avec nous, vieux ?

La voix de Jay me sort de mes pensées. Je secoue la tête pour me reconnecter à la réalité.

— Ouais, je pensais juste à Laura, lui avoué-je.

— Et ?

— Et, je crois que je suis sur le point de rompre. J'en ai marre qu'elle veuille me tenir en laisse. Je tiens peut-être à elle, mais je n'en suis pas dingue au point de me laisser marcher sur les pieds.

— Tu m'étonnes. Je ne sais même pas comment tu as tenu autant de temps.

À vrai dire, moi non plus. En même temps, si elle n'avait pas été là, le groupe ne serait pas sur le point de se produire sur les scènes européennes. Si Dan m'a envoyé dans ce centre pour toxico, Laura est celle qui m'a permis de mettre la tête hors de l'eau et de me trouver un port d'attache. À l'époque, j'en avais plus que besoin. Infirmière, elle a su à la fois me sortir de ces merdes et panser mon cœur.

Sans même m'en rendre compte, je caresse mon tatouage à l'intérieur de mon avant-bras. Never forget you. Trois simples mots pour ne jamais oublier la seule qui a su me mettre à genou, mais qui m'a aussi brisé comme aucune autre.

— Tu penses encore à elle ? me demande Dan en donnant un léger coup de tête en direction de mon bras.

Honteux de m'être fait surprendre, je cesse aussitôt mon geste.

— Notre pote ici présent est un lover. Il croit au conte de fée et pense qu'un jour, sa belle lui reviendra, me taquine Jay, la main posée sur mon épaule.

— Arrête de te foutre de ma gueule. Tu sais que je l'aimais.

— Ouais, mais tu l'as un peu cherché. Tu n'aurais jamais dû lui mentir. Tu n'as eu que ce que tu méritais.

— Je n'avais juste pas le choix, putain ! lancé-je en bondissant sur mes pieds, excédé qu'il me rappelle ma plus belle erreur.

— On a toujours le choix, Shawn. T'as juste fait le mauvais.

Merci, mon pote, de me le rappeler.

Je le repousse d'un coup d'épaule, afin de le dégager de mon passage. Une main sur la nuque, je fais les cents pas dans la cabine. Me rappeler cette époque de ma vie me heurte toujours autant, même cinq ans après. Je crois que jamais je ne pourrais aimer une autre femme comme je l'ai aimé. Elle était tout pour moi. Ma muse. Mon âme sœur. Je voulais passer ma vie à ses côtés et lui faire deux ou trois bambins. Son fantôme me hante presque tous les jours. Son rire mélodieux vient résonner à mes oreilles encore quelques fois et son doux parfum s'insinue dans mes narines comme si elle se tenait juste à mes côtés. Ouais, j'étais vraiment accro à cette nana.

— Je suis désolé, mec. Je ne voulais pas remuer le passé, s'excuse Jay.

Je hoche la tête, pour accepter ses excuses, avant qu'il ne vienne m'éteindre dans une accolade virile.

— Elle est anglaise, non ? s'enquiert Dan.

— De qui vous parlez ? s'enquiert Haley, en nous rejoignant.

— Son ex, lui répond son mari.

— Oh, Jen ! Oui, elle venait de Londres.

Mon ex était une des meilleures amies de Haley. Elles se sont connues bien avant que je ne la vois pour la première fois. C'est d'ailleurs elle qui l'a poussé à accepter de prendre un verre avec moi la fois où nous nous sommes rencontrés. Je me souviens de ce jour-là comme si c'était hier.

Mon frère voulait que j'aille le voir à New-York et comme j'avais un peu de temps disponible, j'ai accepté de passer le week-end chez lui. Le soir de mon arrivée, il m'a forcé à sortir dans un karaoké. Je n'avais, pourtant, pas trop la pêche ce jour-là. Wendy m'avait encore énervé pour tout un tas de conneries le matin même. À force d'insister, mon cadet a fini par me faire bouger le cul de son canapé et je dois admettre que je n'ai en rien regretté la suite de cette soirée.

Nous étions arrivés depuis un bon moment lorsqu'un des potes de Josh a désiré m'entendre chanter. Malgré moi, j'ai fini par accepter et me suis retrouvé le micro à la main.

Dès que ma voix s'est élevée, toute la salle a plongé dans le plus des grands des silences. Encore une fois, grâce à mes cordes vocales, je venais de captiver mon public. Mon regard s'est alors accroché à une fille sublime. Comme les autres, elle semblait fascinée par mon interprétation. Et putain, qu'elle était belle avec son léger maquillage qui ombrait ses yeux saphirs et son chignon flou qui retenait ses cheveux châtains. La peau de son cou m'a paru si délicate que je n'avais plus qu'un désir, y poser mes lèvres pour avoir confirmation. J'ai compris à cet instant, sans savoir comment, qu'elle était la femme qu'il me fallait.

Rien que de penser à ce soir-là, mon pouls s'emballe.

— On peut changer de sujet, les gars ? Je n'ai aucune envie de penser à elle. Nous deux, c'est mort depuis longtemps.

— Ouais, mais imagine que tu la croises à Londres. Pour rappel, c'est notre première date en Europe, me sort Jay.

— Elle est sûrement passé à autre chose. Ça fait cinq ans quand même. Et même si ce n'était pas le cas, elle doit me haïr.

Je jette un coup d'œil à Haley, qui, gênée, baisse la tête. Elle sait que j'ai raison. Jen a sûrement dû le lui dire quand elles se parlaient encore.

Mon ex a cessé de lui donner des nouvelles du jour au lendemain cinq mois après son départ pour la capitale britannique. Depuis personne ne sait ce qu'elle devient.

— En tout cas, votre rupture a eu du bon pour moi ! lance notre batteur en venant enlacer sa femme.

— Ouais, c'est clair, renchérit-elle avant de poser ses lèvres sur celles de son mari.

Et dire que ces deux-là se détestaient quand ils se sont rencontrés ! Les voir aussi amoureux aujourd'hui me fait bien rire.

La conversation close, je me rassois dans mon fauteuil. Ces cons viennent de me filer un coup de blues et me voilà en train d'entrer son nom sur mon Ipad, alors que je me suis juré de ne jamais le faire.

Plusieurs résultats s'affichent, mais aucune Jen Hollister ne lui ressemble. Même si elle a pu changer, je la reconnaîtrai, j'en suis certain. Je me souviens de chacun des signes distinctifs de son visage, comme ce petit grain de beauté presque invisible à l'œil nu à la jointure de sa mâchoire ou cette cicatrice liée à la varicelle entre ses deux yeux. Son corps avait également les siens et la rendaient unique à mes yeux. Je me rappelle de cette tâche de naissance qu'elle m'a fait chercher longtemps et qui se trouvait juste en dessous de sa fesse gauche.

En jetant un coup d'œil à la partie images de Google, je l'aperçois sur l'une d'entre elle, accompagnée d'une femme un peu plus jeune qu'elle. Leur ressemblance me laisse supposer qu'elles sont issues de la même famille. Sœurs, peut-être ?

Lorsque je clique dessus, une page s'ouvre sur le site d'un magazine people.

« Leslie Hollister à Paris, en compagnie de sa sœur Jenny » titre l'article.

La photo apparaît en beaucoup plus grand. Elle est encore plus belle que dans mes souvenirs. Jay, qui m'a rejoint depuis quelques minutes, secoue la tête en jetant un coup d'œil par-dessus mon épaule.

— Ouais, je sais ce que tu vas me dire, le coupé-je avant même qu'il n'émette le moindre son.

Il me fixe quelques secondes, comme s'il tentait de lire en moi.

— Tu as très peu de chance de la revoir un jour, t'en es conscient ?

— Tu crois vraiment que je ne le sais pas ?

Je laisse passer un ange avant d'ajouter.

— Ça fait cinq putains d'années qu'elle s'est barrée en emportant une part de moi avec elle. Depuis, je suis incapable d'aimer quelqu'un d'autre. J'ai essayé avec Laura, mais ça ne fonctionne pas. Personne ne pourra me la faire oublier.

— Un jour, tu trouveras celle qu'il te faut.

Je ricane.

— Messieurs, dames, nous allons amorcer notre atterrissage. Veuillez attacher vos ceintures, nous interrompt le pilote.

Quelques minutes plus tard, nous posons enfin un pied sur le territoire européen. Dès notre entrée dans l'aéroport, de nombreux fans acclament notre nom. Un cordon de sécurité nous permet d'avancer sans encombre, malgré les demandes d'autographes ou de photos, voire des deux. Je me prête au jeu, même si ce n'est pas ce qui me plaît le plus dans mon taf, contrairement à Jay. Lui s'en donne à cœur joie en posant avec plaisir avec l'une de nos groupies. Ce con tente même d'en emballer une autre. Je lève les yeux au ciel, dépité devant son attitude.

D'un bras sur son épaule, je l'entraîne loin de cette agitation. On a autre chose à foutre, bordel ! Le chauffeur qui doit nous emmener à l'hôtel doit déjà s'impatienter et j'aperçois nos gardes du corps au bout du périmètre de sécurité qui nous regarde avec de gros yeux, prêt à nous gronder si on fait le moindre écart. Je les adore tous les deux. Tim et Tom, deux jumeaux taillés comme des bodybuilders, sont comme des pères pour nous. Je ne regrette pas que notre manager, Leo, les ait engagés.

— On arrive, leur lancé-je de loin.

Tim sourit. À moins que ce soit Tom. Pas toujours facile de les reconnaître ces deux-là.

— Merde, mec. Regarde-moi ces bombes ! s'exclame mon pote en s'arrêtant pour contempler les filles qui l'appellent.

J'éclate de rire avant de le pousser d'une main dans le dos.

— Si on peut sortir ce soir, je te promets que tu ne dormiras pas seul cette nuit.

Un large sourire s'étire sur ses lèvres, rien qu'à cette expectative.

— Et toi, mec ?

Je hausse les épaules, je n'en sais rien. Je verrais si l'occasion se présente. Laura est loin et j'ai envie d'en profiter un peu.

Peu de temps après, nous sommes dans le bus où le staff nous attend. Leo et tous les autres sont arrivés hier afin d'assurer notre venue comme il se doit.

À peine, sommes-nous installés qu'il nous fait un débriefing sur ces quelques jours que nous passerons dans la capitale britannique avant de rejoindre Manchester. Rien qu'à l'écouter parler de notre planning, je suis déjà épuisé. Les séances d'autographes et les interviews sont le pire dans ce qui nous attend. Si je pouvais les éviter, j'en serais ravi. Malheureusement en tant que leader, je n'ai pas le choix.

— Ça vous va ? nous demande notre manager.

Dan hoche la tête.

— Parfait, mec ! confirme Jay.

Moi, je ne dis rien. Il sait déjà ce que j'en pense à quel point, ça me fait chier ce genre de conneries. La scène, ok, le reste, rien à foutre ! 

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