15 - Shawn
Pas une, mais deux fois ! Putain, je n'y crois pas qu'il ait pu me faire un coup pareil ! Qu'est-ce qu'il cherche, bordel ? Depuis que je le connais, je lui ai toujours tout donné, pris tous les risques possibles pour sa gueule et j'ai surtout foutu en l'air mon histoire avec Jen pour le protéger ! Et lui se permet de me planter un couteau dans le dos en passant une nouvelle nuit dans ses bras. S'il croit que je vais le laisser me la voler sans réagir, il se goure complètement. Jen est à moi ! Elle ne sera jamais à lui ! Vaut mieux qu'il cesse de rêver dès maintenant ! Ce n'est pas parce que je viens de quitter sa suite en le laissant croire que je lui ai pardonné que c'est le cas. J'étais juste trop abasourdi par tout ça pour continuer à faire la tronche. Leurs regards échangés et leurs foutus mensonges, c'en était trop pour moi. Ils m'ont vraiment pris pour un con tous les deux en pensant que je ne capterais rien.
Adossé contre le mur du couloir, un pied contre la cloison, j'attends que Jen quitte cette piaule. Et si possible le plus vite possible, sinon je vais tout défoncer ! Hors de question qu'elle passe plus de temps que nécessaire avec lui !
La chance me sourit, elle sort à peine cinq minutes après moi. Sa petite robe noire la rend somptueuse, bien plus que le t-shirt de Miller. Rien que d'y penser, j'en ai la gerbe.
Et il va me faire croire qu'ils ont juste dormi ? Mon cul, ouais ! Et pourquoi n'irait-il pas me dire qu'il a malencontreusement renversé de la flotte sur sa fringue et qu'en attendant qu'elle sèche, il lui a prêté une des siennes, juste histoire de me prendre un peu plus pour un con ? Puis comme ça prenait trop de temps, il l'aurait invité à dormir avec lui ? Foutaise !
Elle s'arrête net en me voyant, secoue la tête, et me fixe de ses grands yeux émeraudes. Je laisse les miens couler le long de son corps, avant de les remonter vers ses prunelles. Elle est toujours aussi délicieuse, même plus je dirais. Son corps n'est plus celui d'une jeune femme, mais celui d'une vraie femme. Ses courbes tout en délicatesse me donne l'envie de glisser mes mains sous ce bout de tissu et de lui prouver que je suis celui dont elle a besoin. Elle me manque tellement.
Quand mon regard rencontre le sien, je suis percuté par son immense colère. Elle veut me dire mes quatre vérités ? Qu'elle le fasse, je suis prêt à l'écouter ! Je le mérite. Par contre, ensuite, elle devra me laisser ma chance d'être entendu.
Cinq ans que j'attends ce putain de moment !
— Tu t'es bien rincé l'œil, Black ? Parce que crois-moi, c'est tout ce que tu obtiendras de ma part.
D'un sourire en coin, je lui fais comprendre que je n'ai pas dit mon dernier mot. Mes yeux plongés dans les siens, je m'approche lentement d'elle. Elle se recule, j'avance. Elle fait un pas sur le côté, je fais de même pour lui interdire de s'échapper. Elle croyait pouvoir se barrer sans m'entendre ? Dommage pour elle, je refuse de la laisser partir et personne ne pourra lui venir en aide. Nous sommes seuls dans cet immense couloir. Il n'y a que si elle se met à hurler, que je risque de gros pépins. Toutefois, je la connais, elle n'en fera rien. Elle va se débrouiller seule, comme toujours.
Quand elle se trouve bloquée contre le mur, je colle mon corps au sien et me penche lentement vers son oreille, tout en laissant mes doigts jouer avec ses magnifiques boucles.
— Je suis certain que je peux obtenir autant que mon pote. Même beaucoup plus, lui murmuré-je en laissant mon souffle redescendre le long de son cou.
Elle se raidit, avant de me repousser une nouvelle fois. Je m'apprête à recevoir une autre claque, mais elle ne fait que s'éloigner. Ce n'est qu'une fois à bonne distance, qu'elle se retourne, les bras croisés sur sa poitrine. Elle aurait des mitraillettes à la place des yeux, elle me tuerait sur place. Je sens que ce qu'elle va me dire va réellement me déplaire.
— Tu as déjà eu beaucoup plus, vu qu'on n'a pas été jusqu'au bout, et tu aurais pu l'avoir pendant longtemps, mais tu as laissé passer ta chance. Oublie-moi à présent, Black ! vocifère-t-elle, ses prunelles remplies de haine.
Putain, elle m'en veut toujours autant, que ce jour-là où elle s'est barrée sans me laisser la moindre chance. Fait chier ! J'aurais mieux fait d'ouvrir ma gueule bien avant. Et tout ça, pourquoi ? Pour protéger ce fumier qui m'a poignardé dès qu'il en a eu l'occasion. Je le hais !
Elle veut que je l'oublie ? Qu'elle m'en donne le mode d'emploi. Toutes mes tentatives ont été vouées à l'échec. Pas faute d'avoir tout essayé ces dernières putains d'années. Son nom est gravé au fer rouge dans chacune de mes cellules. C'est elle et personne d'autre.
Maintenant que je l'ai retrouvé, je vais relever chaque obstacle entre nous, sans jamais baisser les bras, pour lui montrer que sa place est près de moi. S'il le faut, je ramerais comme un malade et ramperais à ses pieds pour lui prouver que je l'aime à en crever. Hors de question qu'elle fuit une nouvelle fois ! Encore moins qu'elle se barre avec mon soi-disant frère. Je ne sais pas comment je vais m'y prendre, mais j'y parviendrai. C'est elle et moi, pour la vie. Ça l'a toujours été. N'en déplaise à Miller !
— Ne m'approche plus jamais ! me lance-t-elle, avant de se retourner et de poursuivre son chemin.
Le cœur lourd, je la suis des yeux jusqu'à ce qu'elle pousse une des portes. À présent, je sais où elle crèche, c'est une bonne chose. Même si pour moi, elle se trouve un peu trop près de la chambre de mon soi-disant pote.
Je te jure, chaton, qu'avant la fin de la semaine, tu hurleras mon nom d'une façon bien plus exquise pour mon ouïe !
Avant de rejoindre Dan et Haley, je dois me remettre les idées en place. Tout ça vient de me foutre un sale coup au moral. Aucune envie qu'il capte à quel point, j'en veux à notre bassiste.
Rien de tel qu'une bonne douche pour tenter de me détendre.
J'ai à peine le temps de poser le badge pour ouvrir ma porte, que la voix d'une femme prononce mon nom. Surpris, je me tourne dans la direction de ce son. La sœur de Jen est en train de me bouffer littéralement des yeux à quelques pas de là, tout comme lorsqu' elle est venue me prévenir que sa frangine avait, sûrement, passé la nuit avec mon pote. J'aurais largement préféré qu'elle se plante et surtout qu'elle ne se trouve pas ici à mon retour. Ce n'est pas parce qu'elle fait partie de la famille de Jen, qu'elle est en droit de venir me casser les couilles.
Elle me rejoint en balançant des hanches, de façon un peu trop provocante à mon goût. D'autant plus que vu mes réactions précédentes, elle sait ou du moins, elle a en partie deviné que j'éprouve encore des sentiments pour sa frangine.
Putain, qu'est-ce qu'elle vient m'emmerder ?
— Alors ? J'avais raison ou non ? me questionne-t-elle en laissant glisser sensuellement son doigt le long de ma carotide.
Je ne sais pas ce qu'elle cherche, cependant, il ne faut pas qu'elle se leurre, elle n'obtiendra rien de moi. Elle est peut-être mignonne à regarder, mais loin d'être bandante. Sans compter que c'est la frangine de l'amour de ma vie.
— En quoi ça te regarde ?
Mon ton sec, cassant même, la fait reculer d'un pas. Tant mieux, son parfum un peu trop entêtant commençait à me soulever l'estomac.
— Ma sœur m'a menti durant plus de cinq ans. Elle ne voulait pas que je sache que tu étais le père de sa fille. Elle m'a terriblement déçue. Je suppose que de savoir que ton pote s'envoie en l'air avec elle doit également te rendre triste.
Sa voix mielleuse me donne des sueurs froides.
C'est quoi son putain de problème ?
— Ouais, et ?
Elle effectue un nouveau pas vers moi, afin de venir frotter sa poitrine contre mon torse. Elle est sérieuse ? Je suis l'ex de sa sœur, bordel !
— Je me suis dit qu'on pourrait peut-être se consoler ensemble, m'aguiche-t-elle.
Elle est clairement intéressée. Pas moi. Dommage pour elle.
J'éclate de rire pour lui faire comprendre à quel point elle est risible.
— Si tu penses que tu peux remplacer ta sœur, tu te fous le doigt dans l'œil, ma belle. Désolé pour toi, mais je ne suis pas du genre à coucher avec les frangines de mes exs.
Contrairement à Jay, qui ne se gêne pas de baiser mon ex.
— Par contre, ça ne te dérange pas de coucher avec tes groupies, contrattaque-t-elle.
Cette fille est dingue ! Impossible autrement !
Sidéré, je lève les yeux au ciel, avant de planter un regard froid dans le sien.
— Tu t'es clairement trompée, ça c'est Jay. Tu devrais peut-être aller le voir. Je suis certain que mon pote saurait te remonter le moral.
— Tu ne sais pas ce que tu perds, me lance-t-elle, vexée.
— Par contre, je sais ce que j'ai perdu et je n'ai pas envie de la perdre davantage.
— Tu es un rêveur, Shawn Black. Si tu penses à Jen, elle ne reviendra jamais vers toi. Même si j'ignorais, jusqu'à hier, que tu étais le père de sa fille, j'ai toujours su à quel point elle le haïssait.
Si cette meuf m'avait foutu sa main dans la gueule à cet instant, elle ne m'aurait pas fait plus mal.
— L'avenir nous le dira.
— Ouais, c'est ça fait-elle en s'éloignant en direction des ascenseurs.
Je pense pouvoir enfin être tranquille, quand je l'entends me rappeler une nouvelle fois.
Je vais vraiment lui arracher la langue si elle la ramène encore.
— Quoi ? soufflé-je, exaspéré.
— Ma sœur n'est pas du genre à baiser avec n'importe qui. Les coups d'un soir ne l'ont jamais intéressée. Après toi, il n'y a pas eu un seul mec dans son lit pendant une année entière. Ensuite, elle est restée quatre ans avec son ex. Puis plus personne, jusqu'à ton pote. Tu devrais peut-être réfléchir à ce que ça signifie ?
— Elle s'est juste vengée de ce que je lui ai fait.
Elle explose de rire, pour se foutre clairement de ma gueule. Toutefois, je sais que j'ai raison, Jen me l'a dit.
— Crois ce que tu veux, Shawn Black.
Sur ce, elle s'engouffre dans l'ascenseur, me laissant comme un con, au milieu du couloir, avec des centaines de questions qui viennent me bousculer. M'aurait-elle menti là-dessus aussi ? Pourquoi l'aurait-elle fait ? Est-ce que mon pote lui plaît plus que je ne pourrais l'imaginer ? Et lui ?
En ce qui le concerne, j'ai déjà ma réponse. Elle lui plaît, sinon il ne l'aurait pas emmené au resto, même pour régler ce foutu problème. C'est d'ailleurs la première fois depuis des années qu'il invite une nana à sortir.
J'entre dans ma suite, en pleine réflexion. Il me faut une sacrée idée pour être certain que Jay ne s'en approchera plus. Je veux qu'il comprenne qu'elle est à moi. Je m'effondre sur le canapé, les mains sur le visage, à me creuser le crâne, jusqu'à ce que je me rappelle qu'il l'a invitée au concert ce soir. Il m'a dit de l'envoûter avec ma voix, je vais faire mieux que ça. Je vais lui rappeler notre histoire à travers mes chansons. Je reprendrai d'abord sur scène Nothing else matters de Metallica, pour qu'elle se souvienne de notre rencontre, de ce que nous avons tous les deux éprouvés ce jour-là. Je poursuivrai sur Remember, la chanson que j'ai composé pour lui avouer mes sentiments. Et je conclurai sur Come back to me, celle que j'ai écrite quelques temps après son départ, alors que le monde avait cessé de tourner et que l'obscurité était devenue ma seule compagne.
J'ai plus qu'à convaincre mes potes et notre manager de me suivre dans cette idée. Leo risque d'être réticent, je me battrais pour qu'il accepte. Par contre, il me tarde de connaître la réaction de Miller, quand il comprendra que je viens de retrousser les manches pour la récupérer. Je jubile d'avance en imaginant ses traits se décomposer.
Fort de ces pensées, sans même songer à retourner sous la flotte me détendre, je descends au restaurant où tous mes potes sont déjà installés.
— Désolé de mon retard. J'avais un truc à voir avec mon ex, lancé-je pour attirer leur attention.
Je tire la chaise, en plantant mon regard dans celui de Jay. Ce con reste de marbre comme si ça ne l'atteignait pas.
Tu commences à exceller dans l'art de la comédie, mon pote ! Tu devrais peut-être penser à ta reconversion dans le cinéma.
— Ne me dis pas que vous vous êtes remis ensemble ? m'interroge Dan, en fixant Jay.
C'est bien ce que je disais. Pour que notre batteur le regarde ainsi, c'est qu'il a dû lui avouer un truc.
— Pas encore, mais quelque chose me dit que si j'y travaille, elle pourrait finir par craquer. Et, j'ai bien l'intention de lui prouver à quel point, je tiens encore à elle ce soir. D'ailleurs, je pense qu'on devrait rajouter quelques chansons de notre répertoire. J'ai pensé à Come back to me, Remember et une reprise de Nothing else matters de Metallica. Vous en pensez quoi, les gars ?
— J'en pense que Leo ne va pas apprécier, me répond Jay, beaucoup trop vite pour qu'il soit honnête.
— Leo ou toi ? lui demandé-je, sournois.
— Putain, mais c'est pas possible que tu recommences !
Waouh ! En plus, il s'énerve de mieux en mieux.
Dis-moi, mec, à quel point elle t'a piqué, MA petite Jen ?
— Je voulais juste voir à quel point, tu tenais à elle pour la foutre deux fois dans ton lit. Mais vu que tu dis que Leo ne va pas apprécier, je suppose que ce n'est pas ton problème si je les chante ?
— Tu fais ce que tu veux, mec. Je m'en fous royalement. En plus nos fans ont toujours adoré Remember et Come back to me.
Et, je vais te croire ?
— Dan ?
— Aucun souci pour moi, mec.
— Super ! Il me reste plus qu'à convaincre Leo et c'est dans la poche.
Enfin, si notre manager accepte et là, c'est une autre paire de manche. Soit, il va refuser direct, soit il va nous faire totalement changer notre registre pour que je puisse y caler ces trois chansons, au risque de décevoir nos fans qui auraient préférés nos derniers tubes.
Durant tout le petit-déjeuner, la tension entre Jay et moi est si palpable, qu'elle en est presque visible. Dan et Haley ne cessent de se jeter des regards, tous les deux mal à l'aise.
Je suis en train d'avaler une gorgée de jus d'orange, délicieux au passage, lorsqu'Haley appelle Jen. Dans un même réflexe, Jay et moi la cherchons du regard.
Et, il veut me faire croire qu'elle ne l'intéresse pas ? À d'autre, ouais !
Vêtue d'une longue jupe plissée rose poudrée et d'un chemisier blanc que je m'amuserais bien à retirer en arrachant les boutons, elle est tout à fait affriolante. Je ne sais pas si elle s'en est rendue compte, mais son haut laisse apercevoir son soutif.
Bordel !
Jay a dû aussi s'en rendre compte, puisqu'il se gratte la gorge, visiblement dérangé par cette vue.
— Je suis certain que tu penses à la même chose que moi, lui soufflé-je en me penchant vers lui pour que personne ne m'entende.
En se retournant vers moi, il laisse sortir un petit rire jaune.
— Je ne vois pas du tout de quoi tu parles, me sourit-il en plantant son regard obsidienne dans le mien.
Ouais, c'est ça ! Je ne suis pas dupe.
— Je pense à la manière dont je pourrais lui arracher son chemisier, pour aller voir de plus près ce soutif qui me fait de l'œil.
Il blêmit à vue d'oeil.
Je l'ai encore grillé et ce con n'a rien vu venir.
— T'es un gros malade, mec ! me rambarre-t-il, mauvais.
Je lui souris, mesquin.
— Je mettrai ma main à couper que t'es en train de bander.
— Je sais me retenir, ducon. Je ne suis plus un puceau ! peste-t-il, si fort que la discussion voisine cesse aussitôt.
Interloqués, Jen, Dan et Haley portent un œil attentif dans notre direction.
— On se calme, les gars ! nous intime Dan en nous observant tour à tour. Je ne sais pas ce qu'il s'est passé encore entre vous, mais si c'est cette histoire d'hier, faudrait un peu passer à autre chose, Shawn.
S'il n'y avait que cette histoire d'hier, c'est clair que je tournerais la page sur tout ça. Ils étaient bourrés. Enfin peut-être. Je ne sais plus ce qui est vrai et ce qui est faux, désormais. Peu importe. Ce que je retiens de la veille, c'est que Dan a raison, Jay ne pouvait pas savoir que c'était Jen, il ne la connaissait pas assez pour la reconnaître. Contrairement à cette nuit où il savait que c'était elle, où il m'avait promis de ne plus s'en approcher. Qu'il aille au diable !
Quand elle porte son regard sur Miller, j'ai l'impression de ne plus exister. Ils se dévorent des yeux au point où ça me rend malade. Il faut que je pète leur putain de bulle avant de filer aux chiottes pour degueuler, tant la situation est gerbante.
— Ce connard est en train de penser à la façon dont Jen pourrait encore s'occuper de lui. Et ça doit lui plaire, vu que je suis certain que cet enfoiré a une trique d'enfer.
Aussitôt leur foutu jeu cesse et Jen se retourne vers moi, les bras croisés sur la poitrine. Son regard foudroyant me prouve à quel point mes paroles lui déplaîsent.
— Et toi, Black, elle est comment la tienne ? Vu ce que tu m'as fait sentir dans le couloir, elle doit être pas mal non plus.
Putain, je viens de me faire prendre à mon propre piège. Surtout que je ne me suis même pas rendu compte que mon corps réagissait au contact du sien. Non, mais quel con !
— Elle me plaît bien ta copine, se marre Dan en parlant à sa femme.
Si elle pense pouvoir me démonter ainsi devant mes potes, elle se plante. Elle veut voir comment est la mienne ? Pas de souci. Excédé, je me lève et en deux enjambées me place devant elle. Son corps est si proche du mien que mes poils se hérissent sous le courant électrique qui me traverse de toute part. J'encaisse pour ne pas lui montrer le trouble qu'elle a fait naître en moi.
Elle a voulu jouer ? À mon tour, de prendre les cartes en main.
— Aurais-tu envie que je te montre à quel point ce chemisier transparent m'excite ? lui demandé-je en laissant mes doigts glisser sur le bout de tissu, pour bien lui faire comprendre mon allusion.
— Fous-lui la paix ! tonne Jay.
Je tourne la tête vers lui et le défie du regard.
Viens t'interposer entre nous, vieux, si tu oses ! Ainsi Dan et Haley ne pourront que constater quel genre de salopard tu es !
Il secoue la tête, dépité.
— C'est vraiment beau de rêver, Black ! me lance Jen en retirant ma main d'un mouvement brusque. Même si tu bandes comme un taureau, je t'ai dit, tu n'obtiendras rien de moi. Nous deux, ça fait cinq ans que c'est terminé et j'ai bien l'intention que ça perdure.
Putain, celle là, je ne l'ai pas vu venir et je l'observe, tel un idiot, sans pouvoir répliquer. Elle m'aurait arraché le cœur, elle ne m'aurait pas fait plus mal.
Elle me jette un dernier regard terrassant, avant de se tourner vers Haley et de lui fixer un rencard à midi ici. Puis, comme si de rien n'était, elle se barre saluer son personnel.
Je retourne m'assoir sans la perdre des yeux. Après avoir serré la main de tous les employés et discuté avec certain, elle contourne le bar jusqu'à atteindre une porte réservée au personnel. Avant de s'y engouffrer, elle lance un dernier regard en direction de notre table. Ses prunelles s'attardent un peu trop longtemps, à mon goût, sur Jay.
Surtout que lui non plus ne semble pas vouloir perdre ce contact visuel. Ce n'est qu'au moment où elle disparaît de notre champ de vision qu'il reprend conscience de notre présence. Il nous scrute tour à tour, avant d'emmener son verre de jus de fruit à la bouche. Et moi, je ressemble a une cocotte-minute sur le point d'exploser.
Je vais lui arracher les tripes à ce fils de Satan !
— Je ne pense pas que c'est en réagissant comme un connard que tu pourras la récupérer, me sort Haley en me fixant.
— Elle m'a cherché, me défends-je.
— T'es vraiment minable, Shawn ! me balance Dan. On dirait un gosse qui vient de se faire piquer son jouet préféré.
C'est pas un peu le cas, putain ?
— T'as qu'à lui dire, à lui ! fais-je en désignant le gars à ma droite. S'il ne l'avait pas baisé, je n'en serais pas là.
— Tu ne vas pas un peu me lâcher avec cette affaire ? s'énerve l'intéressé, en reposant son verre d'un mouvement brusque sur la table. Elle t'a dit que je n'avais même pas été foutu d'aller jusqu'au bout.
— Et toi, quand vas-tu cessé de me prendre pour un con ? Tu crois que je n'ai pas capté que vous me meniez en bateau tous les deux !
Comme deux catcheurs, nous nous affrontons du regard durant une longue minute. S'il croit pouvoir me faire baisser les yeux, il se plante. Je ne lâcherai pas le premier.
D'un coup, il expulse tout l'air de ses poumons, comme si la situation l'emmerdait de plus en plus, puis fixe l'horizon, avant de revenir planter son regard dans le mien
— Tu veux la vérité ? Bien ! Je l'ai baisé et j'y ai pris mon pied comme jamais. Mais tout ça, c'est terminé. Et tu veux savoir pourquoi ? Parce que t'es mon frère. Maintenant, reparle-moi une seule fois de cette histoire et j'te jure, mon gars, que tu te démerdes pour trouver un autre bassiste ce soir !
Putain, le con ! Il sait très bien que ce sera impossible de le remplacer en quelques heures. S'il ne joue pas le concert sera tout bonnement annulé. Il doit sûrement plaisanter pour me faire lâcher l'affaire ? Impossible qu'il soit sérieux !
— Jay ! Tu ne peux pas faire ça ? Cette tournée, on l'attend depuis des années, lui rappelle Dan.
— Je vais me gêner ! réplique-t-il, en colère.
Je vais me le faire !
Après avoir sauté mon ex, il veut foutre mes rêves en l'air !
Enragé, je bondis sur mes pieds, l'attrape par le col de son sweat et le relève.
— Merde, tous les deux, arrêtez un peu vos conneries ! s'emporte Dan en cognant la table du poing.
Quand je tourne la tête vers le seul allié qu'il me reste, Milller en profite pour se dégager de mon emprise. Il me jauge d'un œil mauvais.
Le connard dans l'histoire, c'est pas moi, mon gars, mais bel et bien toi !
— Asseyez-vous tous les deux et cesser vos gamineries ! nous ordonne Haley, qui ne doit pas désirer que son mari s'énerve à son tour.
Et comme deux gosses obéissants, on va poser nos culs sur les chaises. On sait tous deux qu'il ne vaut mieux pas énerver Haley, si on ne désire pas qu'elle nous réveille aux premières lueurs du jour.
Dans l'attente de la suite, je joue nerveusement avec le scone aux raisins, posé devant moi.
— Maintenant, on aimerait bien être mis au parfum.
Cet enfoiré et moi nous affrontons du regard,, afin de savoir lequel de nous deux va lâcher le fiasco le premier.
— J'ai passé la nuit avec Jen, finit par avouer ce con. Mais, c'est terminé. J'te promets, vieux, qu'il n'y aura plus rien entre elle et moi.
Il plante un regard plein de sincérité dans le mien. J'ai pourtant du mal à le croire. Depuis plusieurs minutes, il excelle dans la comédie. Comment pourrais-je croire qu'il va tenir parole cette fois ? Surtout qu'hier, il m'a déjà promis de se tenir loin d'elle.
— Je n'ai pas envie de te perdre, mec. T'es mon frangin, merde ! ajoute-t-il.
Ouais, c'est ce que je croyais aussi.
C'était quoi déjà notre promesse quand on a commencé à tourner autour des meufs ? Ah oui, je me souviens : interdit de sortir ou de coucher avec l'ex de l'autre. Si une fille nous plaît à tous les deux, elle revient au premier qui a posé les yeux sur elle. L'autre ne s'en approche pas.
Nous n'avions pas plus de treize ans quand on a scellé ce pacte, après avoir passé la journée à jouer de la musique dans le local mis à notre disposition par mon père, au fond de la propriété. Nous avions conclu cet accord en mêlant nos sangs.
Putain de bordel de merde !
— Shawn, je peux comprendre que tu sois furieux et je le serais si l'un de vous deux me volait Haley, mais il a raison, vous êtes frères. Vous vous connaissez depuis une vingtaine d'années, quoi !
— Puis, si je peux me permettre, intervient sa femme, Jen n'est plus avec toi depuis plus de cinq ans.
Merci de remuer le couteau dans la plaie.
— Merci de me le rappeler, grinché-je.
— On sait tous ici que tu ne l'as pas oubliée, mais peut-être qu'elle a tourné la page depuis longtemps.
Si c'est le cas, je lui rappellerai que notre histoire est encore à écrire, que nous sommes devant des foutues lignes blanches qui n'attendent qu'à être remplies. Je ne peux pas croire qu'au fond d'elle, elle ne ressente pas la même chose. Elle voulait faire sa vie avec moi. Elle m'aimait autant que moi. Elle me le rappelait sans cesse. On voulait des gosses et se marier. Non, elle ne peut pas avoir tourné la page comme ça, même cinq ans après. Je refuse d'y croire.
— Je suis certain qu'elle m'aime encore.
Miller secoue la tête, comme s'il savait des choses que j'ignore. À moins que cette évidence le fasse chier !
— Vas-y balance ce que tu penses, ducon ! lui intimé-je, histoire d'en avoir le cœur net.
— Tu veux vraiment savoir ce qu'elle pense de toi ?
Il le fait exprès ou quoi ?
— Tu ferais mieux de cracher le morceau, avant que j'te défonce le crâne pour savoir ce qui se cache derrière !
— Ça ne va pas te plaire, me prévient-il.
Putain, mais il va me sortir sa merde, oui ?
Il m'observe un moment. Il doit certainement chercher si je suis prêt à encaisser ou non.
Un peu plus ou un peu moins, ça ne changera pas grand-chose.
— Rien que d'évoquer ton nom lui donne envie de fuir en courant. Et je le sais... parce qu'elle a failli me lâcher plus d'une fois hier soir, quand je lui parlais de toi.
T'aurais peut-être mieux fait de continuer, au moins elle ne se serait pas retrouvée dans ton pieu !
Pourtant, ce qu'il vient de dire me cloue ma grande gueule. La récupérer va être encore plus difficile que je ne le pensais. Elle me hait bien plus que je ne le concevais. Devant cette évidence, je me sens aussi mal que le jour où elle a compris que je lui avais menti sur toute la ligne. La douleur qui en ressort est juste intolérable. Je meurs d'envie de m'arracher le cœur juste pour qu'il cesse de me marteler de la sorte.
— Elle reviendra, conclus-je cette discussion.
Haley et Dan me regardent tristement. Quant à Miller, il garde ses yeux sur la table face à la nôtre.
Durant le restant du repas, je songe à tout ce qu'il vient de se passer. Jayden m'a vraiment brisé en me trahissant de la sorte. Pour être honnête avec moi-même, la blessure que j'encaisse par sa faute est aussi douloureuse que celle que Jen m'a infligée cinq ans plus tôt. Je ne suis pas prêt à lui pardonner, cependant si je ne veux pas que le groupe explose, je vais devoir passer outre cette déchirure.
— Je n'évoquerai plus ce qu'il s'est passé entre vous, mais il me faudra du temps pour te considérer à nouveau comme mon frère, lui avoué-je. Par contre, évite de me promettre quoi que ce soit à l'avenir. Ta parole ne vaut plus rien pour moi.
Il se tourne vers moi et hoche la tête.
— Je comprends, me dit-il avec tristesse.
Ma gorge nouée m'empêche de respirer. Pour ne pas leur montrer mon trouble, j'amène mon verre à la bouche.
Vingt ans d'amitié détruites en un claquement de doigt.
Ça me fait vraiment chier de le perdre, on a tout fait ensemble, nos premières conneries, nos premières cuites, les filles et surtout le groupe. Pourtant, pour le moment, je me sens incapable de lui pardonner. Un jour, j'y parviendrai. Sûrement. Il me faudra, néanmoins, du temps, pour avaler tous ses mensonges et cette trahison.
Annotations
Versions