Un an plus tard

Dans la vie, il n'y a que trois choses de vraies. L'amour, l'amitié et la musique. Après avoir bossé pour mon père, un gros malfrat digne de ce nom, je ne peux que confirmer ce dernier point. Il m'a fallu plusieurs mois, un séjour derrière les barreaux et une avocate en or, belle à se damner, pour me sortir de la merde dans laquelle il m'avait plongé jusqu'au cou en à peine deux semaines. En tout cas, je suis bien content que tout ça soit derrière moi maintenant et que cet enfoiré croupisse à son tour dans une putain de cellule. Je lui souhaite bonne chance avec tous ces connards qui n'hésiteront pas à lui faire fermer sa putain de gueule à coup de matraques ou de poings.

Assis dans ma loge, ma petite femme à califourchon sur mes genoux, j'attends avec impatience le moment où Leo viendra frapper à la porte pour me prévenir qu'il est temps de monter sur scène. Depuis une putain d'année entière, je n'ai pas ressenti cette excitation qui me fait vibrer avant chaque show. Tendu comme rarement je l'ai été, et pas que dans mon froc, j'embrasse Belinda à pleine bouche.

Cette nana me fait frémir en permanence. Un simple contact de sa part et me voilà prêt à gravir le mont Everest.

J'ai cru que Jen était la femme de ma vie, je peux dire aujourd'hui que je me suis carrément planté. Certes, je l'ai aimé plus fort que n'importe quelle nana qui a croisé ma route, mais ça c'était avant que je la rencontre, Elle. Belinda est mon rayon de soleil, l'étoile qui me guide chaque fois que je perds le Nord. Depuis que je la connais, je réalise ce que mon meilleur pote a ressenti en rencontrant Jen. C'est tellement puissant que je pourrais détourner les rivières à la seule force de mes sentiments.

J'ai à peine le temps de retrouver mon souffle que quelques coups retentissent contre la porte. Un sourire coquin sur les lèvres, ma jolie muse se lève afin de me laisser libre de mes mouvements. En se déhanchant de manière provocantee, elle se dirige vers la sortie de la loge. Putain, je vais avoir du mal à débander si elle continue à souffler ainsi sur les braises.

— Ben, alors, BG, qu'est-ce que tu fous ?

Et dire qu'elle est avocate… La première fois où je l'ai vue dans son tailleur, les cheveux tirés en arrière dans un chignon trop strict, je n'ai pas pu m'empêcher de me marrer. D'autant plus que perchée sur de hauts talons, elle s'était tordue la cheville.

Au fur et à mesure de nos entretiens, j'ai appris à découvrir la passionnée de métal qu'elle tentait de camoufler derrière ses petites lunettes. Elle m'a dévoilé également que j'étais sa première affaire et qu'elle n'avait pas trop su comment s'habiller le premier jour. Elle a eu la frousse que son client ne la prenne pas au sérieux. Son langage et sa tenue sont devenus très vite naturels. La première fois où elle a utilisé de l'argot pour me parler, je crois que je suis resté plusieurs secondes la bouche grande ouverte, tant j'étais sidéré.

Je me lève et pars la rejoindre dans le couloir.

Dan embrasse son fils avant de poser ses lèvres sur celles de sa femme. Inutile de tourner la tête dans la direction où se trouve mon frère pour savoir ce qu'il fout avec sa copine. Si je les regardais, j'en aurais la gerbe, pour sûr. C'est tellement brûlant entre eux qu'ils irradient tout autour d'eux. Bon je pense qu'ils profitent aussi de l'absence de leur gamine pour laisser leurs pulsions parler. En tout cas, je suis super heureux de les voir aussi bien tous les deux. Ils le méritent amplement. Puis, je dois admettre qu'ils sont vraiment très bien assortis. Quelques fois, il m'arrive encore de m'en vouloir pour tout le mal que je leur ai fait. Putain de caprice ! Si je pouvais retourner dans le passé, je crois que je me filerai une bonne baigne pour me remettre les idées en place. En tout cas, pour le coup, je suis chanceux qu'ils m'aient pardonné.

J'admets que les débuts n'ont pas été simples. Surtout qu'on s'est revu alors que j'étais déjà en tôle. La première fois qu'il est venu me voir, j'ai cru que j'allais lui défoncer le crâne. Il était prêt à enterrer la hache de guerre, c'est ce qu'il m'a dit. J'ai souri, heureux que mon frère fasse un pas dans ma direction, jusqu'à ce qu'il m'annonce qu'il s'était remis avec Jen et qu'elle portait son gosse. J'ai bondi sur mes pieds, prêt à le fracasser. Les gardiens se sont interposés entre nous, avant de me ramener illico-presto dans mon trou à rat.

Ce n'est que lorsque j'ai capté que je n'étais plus amoureux de Jen, que j'ai à mon tour fait un pas vers lui. Je l'ai appelé pour qu'il passe me voir. Au début, il ne semblait pas très chaud, il devait avoir la frousse que je réagisse aussi mal que la fois précédente. Lorsqu'il est venu, on a passé des heures à bavarder. Putain, que c'était bon de retrouver son meilleur pote ! C'est limite, si lorsqu'il a été obligé de partir, on n'est pas tombé dans les bras l'un de l'autre. Jamais, depuis des années, je n'avais été aussi heureux que le jour où nous nous sommes retrouvés. Qui dit qu'un chagrin d'amitié n'est pas aussi fort qu'un chagrin d'amour ? Pour avoir vécu les deux, je peux assurer qu'ils sont aussi douloureux l'un que l'autre.

Une claque dans le dos me ramène à la réalité.

— Tu rêves, mon pote ? me questionne Jay, sa belle ensorceleuse, comme il adore la surnommer, accrochée à son bras.

Je secoue mon crâne pour me refoutre les idées à l'endroit.

— Je pensais juste à comment on allait tout déchirer.

— Grave ! On est les meilleurs !

Je checke le poing qu'il me tend, pars embrasser Belinda, avant de grimper sur scène sous les hurlements de nos fans.

Que le spectacle commence !