Chapitre 11 - Kaelliom (partie 2)
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Le lendemain de sa rencontre avec le patriarche Faldin, un travail fut octroyé à la mère de Kaldor : servante chez une des sœurs du chef religieux. Celui-ci assura au jeune homme qu’elle ne manquerait de rien et qu’elle serait bien traitée. Il pourrait donc partir en quête des reliques l’esprit léger. Bien qu’il fût rassuré, Kaldor ressentait un pincement au cœur de devoir la laisser seule.
Il pensait pouvoir passer de cette semaine de repos avec sa mère, mais son employeuse voulait qu’elle commence son travail sur le champ. Il se retrouvait une fois de plus en compagnie de sa vieille amie la solitude. Il tenta en vain de trouver un de ses compagnons de voyage qui soit libre.
Binlian et Adrim étaient partis à leur caserne. Le capitaine devait donner des instructions à son sergent-major pour qu’il gère la compagnie en son absence et enrôler deux ou trois soldats pour la quête. Quant à Valdir, il avait aussi des affaires à régler, dont le recrutement d’un remplaçant au poste d’instructeur en magie runique. Il assurerait ses cours le temps que le nouveau professeur arrive.
Délaissé par ses compagnons de voyage avec qui il avait passé deux semaines, Kaldor se sentait encore plus seul. Il entreprit de visiter le domaine du Grand Temple. Il s’agissait de l’unique lieu de culte aussi vaste dans tous les royaumes de l’Ordre. La propriété de l’Ordre du Temple comptait trois bâtiments principaux de belle taille – le temple lui-même, un pour l’administration et le dernier pour les logements – ainsi que de nombreuses autres dépendances.
Il commença par la visite de l’intérieur du sanctuaire et contrairement à celui de Merfol, celui de Temple-Ville était immense et très lumineux. Le jour entrait à travers de grands vitraux colorés et de minuscules fenêtres plus furtives vers le sommet de l’édifice à une trentaine mètres. La contemplation de cette lumière irisée qui dansait entre les colonnes avait un effet apaisant sur le jeune homme.
Soudain, Kaldor fut attiré vers une alcôve discrète au fond à droite derrière l’autel. Il n’y trouva rien d’autre qu’une porte aux montants ornés d’une écriture étrange. Il l’ouvrit et entra dans un petit cloître. Au milieu de celui-ci trônait une unique arche de pierre, entourée de deux arbustes aux fleurs blanches. L’arche était gravée de la même écriture que la porte qui l’avait mené ici. Le jeune Eldyrien la contourna et se décida à passer dessous.
Il se retrouva aussitôt dans un autre lieu. Il était dans une vaste pièce, éclairée par de grandes fenêtres. Il s’approcha de l’une d’elles et se demanda si ses yeux ne lui jouaient pas des tours. Devant lui un paysage maritime à perte de vue. La mer semblait entourer la bâtisse. Comment était-il arrivé en cet endroit, loin de son point de départ ?
— Tu as passé une arche de transport, répondit une voix à sa pensée.
Kaldor se retourna pour observer son interlocuteur. Sa présence et son aura en imposaient tant, que Kaldor en eu le souffle coupé. L’homme était grand, les yeux noisette et aux longs cheveux châtains. Il portait une toge grise et paraissait avoir une trentaine d’années.
— Bonjour. Qui êtes-vous ?
— Je suis Kaelliom, le frère d’Eldyr ton père. Je t’ai conduit ici, parce que je voulais te parler.
— Je ne suis vraiment qu’une marionnette entre vos mains…
— Écoute, je comprends que tu sois en colère. Tu as appris que tu es né pour une seule raison : remplir une mission. Et je connais bien mon frère pour savoir qu’il ne t’a pas vraiment précisé pourquoi. Il a toujours été peu enclin à fournir des explications. C’est normal que tu doutes de toi et de la quête à venir, car elle sera périlleuse. Pourquoi toi ? Tout simplement parce que mon frère et moi, nous sommes piégés dans nos demeures. Si jamais nous devions sortir, nos frères Tyrnon et Gènd nous attaqueraient. Nous ne voulons pas nous battre avec eux puisqu’un tel combat divin dévasterait la Camaörie. De plus, seuls les dieux peuvent supporter les reliques divines sans dommages. Voilà donc la raison de ta naissance, lui révéla Kaelliom. Comme tu as du sang divin et d’une race forte en toi, tu seras capable de les porter.
Même si Valdir lui avait vaguement expliqué tout ça, le jeune Eldyrien accusa le coup. En effet, de ce point de vue là, il ne valait mieux pas qu’un tel affrontement ait lieu.
— Combien de temps un humain peut transporter une relique ? questionna Kaldor, curieux
— À peine quelques heures. Dans ton cas, je ne pourrai le dire. Je ne te cache pas qu’il y aura un risque car bien qu’en partie d’essence divine, tu n’es pas tout à fait un dieu.
Le jeune Eldyrien afficha un air dubitatif et se demanda dans quel pétrin on l’avait jeté. Le Divin Kaelliom venait de lui confirmer ce qu’il ne voulait pas entendre depuis son départ. Il n’avait pas le choix et devait se conformer à son destin. Toute joie le quitta et ses épaules se voûtèrent de résignation.
— Notre sort à tous dépend de toi. Tu es la personne la plus importante du monde. N’est-ce pas préférable de percevoir les choses ainsi ? Sois positif, mon garçon. Il vaut mieux voir le verre à moitié plein qu’à moitié vide. Si tu n’as pas la volonté de sortir la tête hors de l’océan de la fatalité, tu ne parviendras pas à réussir grand-chose dans la vie.
— Certes, reconnu Kaldor à contrecœur. Cela n’efface pas le fait que je vis un gros coup de pression là… Merci bien.
— Maintenant, il est temps que tu retournes à Temple-Ville. Bonne chance pour la suite. Adieu, mon neveu, nous ne nous reverrons probablement pas.
Kaldor salua et remercia le dieu. Celui-ci agita la main et le jeune homme se retrouva dans sa chambre, à l’heure du dîner. Il ne s’était pas rendu compte du temps qu’il avait passé dans la maison de la divinité. Il partit rejoindre sa mère qui devait l’attendre sur le parvis du temple, pour aller se restaurer avec elle.
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