Souvenir de l'envie d'être guérisseur
[Souvenir de Kaldor, comment il a eu envie de devenir un guérisseur, pouvant être intégré dans un des premiers chapitres. Qu’en pensez-vous ?]
Tout en cheminant dans les rues de la ville, il regretta de n'avoir pu parler plus avec la belle jeune femme. Lui dire pourquoi il voulait tant devenir apothicaire et par le fait guérisseur. Comme il lui avait dit son père était épicier mais s'y connaissait un peu dans l'usage des plantes et faisait donc office de soigneur dans le village. En effet Boisfeuillus en était dépourvu, il fallait se rendre ici à Fol pour en trouver un.
Son père l'avait au départ obligé à l'aider à récolter les herbes dans la forêt et à s'occuper de celles cultivées dans leur jardin, afin de l'occuper et qu'il ne flâne plus dans le village, cible facile pour les trublions. Kaldor avait, au premier abord, détesté cela, mais en était venu à apprécier ce travail. Surtout l'apprentissage de la confection de remèdes et autres tisanes.
Son père content de l'intérêt que portait son fils à l'usage des simples, vint un jour le trouver dans l'arrière-boutique où Kaldor s'occupait à confectionner de petits bouquets d'herbes pour les faire sécher. Une fois secs, ils serviraient dans les tisanes, cataplasmes et autres décoctions.
Quand il avait vu son père entrer dans la pièce, celui-ci était tout sourire. Cela étonna le jeune homme qui le voyait rarement ainsi, si ce n'est avec sa mère ou pour de très bonnes nouvelles. Mais ce qui l'avait le plus intrigué, ce fut la posture qu'il avait prise et qui était inhabituelle. Il se tenait droit comme un manche à balais les mains dans le dos.
— N’oublie pas que nous devons aller ramasser de l'écorce de bouleau cet après-midi. Comme je suis ravi de voir que tu t'épanouis avec ce travail, fiston.
— Je n'ai pas oublié, ne t'inquiète pas. Papa, que t'arrive-t-il ? Tu sembles excité comme une puce, remarqua Kaldor.
— Aurais-tu oublié qu'aujourd'hui c'est ton quinzième anniversaire ? Tiens, voilà pour toi. Je l'ai confectionné moi-même.
Son père lui tendit fièrement un petit herbier contenant toutes les herbes et recettes de remèdes qu'il connaissait. Kaldor en resta bouche bée, ne sachant quoi dire, sa voix nouée par une intense émotion. Pour lui ce cadeau était somptueux, un vrai trésor. Des larmes de joie perlèrent aux coins de ses yeux verts et il parvint à dire un merci, avant de serrer son père dans ses bras.
Il se souvint avoir passé des nuits à lire le petit herbier. Jusqu'au jour où son père l'avait surpris et lui avait ordonné, quelque peu énervé, de ne pas gaspiller une bougie par nuit. La punition avait été plutôt sévère et, sur le coup, il lui en avait voulu. Il avait dû payer pour refaire le stock avec ces propres économies. Punition qu'il trouvait juste avec le recul.
Tout ce qu'il voulait c'était acquérir assez de connaissances pour bien aider son père et avoir un peu de reconnaissance au sein du village. Il était toujours vu comme le gamin étrange au cheveux argentés. Plus ou moins "persécuté" par les autres gamins du village. Ses parents lui avaient toujours dit de ne pas prendre le chemin de la violence. Tous ces éléments l’avaient rendu réservé et peu sûr de lui. Il préférait parfois fuir les problèmes.
Alors que son père était parti à Merfol pour affaire quelques jours, il put montrer ses connaissances et qu'il ne fuyait pas toujours devant les problèmes. C'était le lendemain d'une grosse tempête de neige où le père de Leyt et son fils avaient trouvé un homme gisant dans une congère à moitié recouvert de neige non loin de chez eux. Ils l'avaient transporté sur une civière de fortune jusque chez Kaldor. L’inconnu souffrait de diverses blessures et de fièvre. Comme porté par un élan d'inspiration, le jeune homme avait pris les choses en mains.
— Suivez-moi, nous allons le mettre dans mon lit. Maman, peux-tu aller chercher une couverture de plus, s'il te plaît ?
Ils déposèrent l'homme d'une quarantaine d'années aussi délicatement que possible et le couvrirent de deux couvertures pour qu'il se réchauffe vite.
— Venez, ma mère va vous offrir une bonne infusion pour vous réchauffer tous les deux, les invita-t-il dans la cuisine.
Quant à lui, il se rendit dans l'atelier de son père, le petit herbier sous le bras, pour confectionner des cataplasmes de diverses plantes cicatrisantes avec du miel ou de l'argile pour soigner des blessures que l'inconnu avaient sur les bras et une infusion de saule et de fleur de sureau contre sa fièvre. Sa première fabrication de remèdes lui prit deux heures, une heure de plus que son père et Leyt était déjà reparti chez lui avec le sien.
Kaldor veilla le blessé, avec l'aide de sa mère, pendant trois jours avant qu'il ne se réveille. Ce matin-là, le jeune homme changeait le bandage situé sur le bras droit, quand l'inconnu se réveilla en sursaut, de la peur dans le regard. Tel un chat, il bondit sur ses jambes et faucha celles de son jeune guérisseur, qui se retrouva stupéfié sur son séant. L’inconnu fut pris de vertiges et dû s'asseoir sur le lit.
— Monsieur ! ça va ? s'inquiéta Kaldor. Allongez-vous, je vous prie.
— Je... J'ai la tête qui tourne... Je suis désolé de t'avoir frappé, gamin. J'ai cru que... Peu importe...
Il se tut et fit signe au jeune homme de continuer le changement des bandages. Le travail terminé, il partit attendre le retour de son père dans la cuisine pour tout lui raconter. Ce dernier arriva quelques heures plus tard et le jeune homme ne put s’empêcher de tout lui raconter avant qu’il n’est puis lui dire bonjour.
— Ah mon fils ! Comme je suis fier de toi ! Tu t’es débrouillé comme un chef, le félicita son père.
— Oui mon chou. Je suis très fière de toi moi aussi ! rajouta sa mère. Tu es doué !
La fierté de ses parents de voir que la guérison était de son fait, empli Kaldor d'une grande joie et le conforta dans son désir de devenir un guérisseur.
Le blessé fut remis sur pied en trois semaines, mais resta tout l'hiver à Boifeuillus et demeura en grande partie silencieux. La seule chose qu'il avait consenti à révéler sur son passé fut qu'il était un archer vétéran de l'armée de l'Ordre du Temple. Il voyageait à travers toute la Camaörie et s'était fait attaqué par des bandits. Il partit au printemps et ne donna pas de nouvelles. Kaldor en fut déçu, car il en était venu à apprécier cet homme discret.
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